Accueil > Penser Global > retraite à 60 ans à taux plein !

Défendre le droit à quelle retraite ?

Préparer les mobilisations nécessaires à le rentrée c’est ouvrir le débat sur les actions à mener comme le dit la déclaration de la FASE « tout devient possible bousculons l’ordre économique et politique.

Mais c’est aussi poursuivre le débat sur le projet de la droite. Si nous voulons convaincre, il faut montrer qu’il ne s’agit pas d’un débat technique réservé aux spécialistes mais de choix de société pour lesquels toutes et tous sont concernés.

Le retraite telle que nous la concevons est aussi un élément central d’un autre projet de société.

 

Le recul de l’age de la retraite mobilise apparemment toute la gauche et le mouvement syndical, le maintien de l’age légal à 60 ans fait l’unanimité.

Pourtant toute une partie de la gauche politique et syndicale affaibli sa propre argumentation en acceptant l’idée d’un allongement de la durée de vie au travail rendue nécessaire par l’allongement de la durée de la vie.

Ce recul de l’age légal c’est bien sur une mesure d’économie qui fait payer aux salariés la plus grande partie du cout de la contre réforme sarkozyste mais c’est aussi un parti-pris idéologique qui exprime comme le « travailler plus  » -dont il est une forme- une certaine vision du monde.

En s’attaquant au temps de retraite et à son augmentation c’est bien une attaque contre le droit à la libération du travail contraint, du travail capitaliste que mènent les néolibéraux.

Ceux-ci ont compris que l ’évolution depuis 1945 risquait de changer les données en faveur des salariés. La sécurisation socialisée des fins de vie des salariés « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours » ( les jours heureux, programme du CNR ) était un élément central du statut salarial et de l’Etat social : il créait une sécurisation des salariés jugée nocive pour le bon fonctionnement du marché du travail. Les garantie socialisées étaient aussi considérées comme une atteinte au libre marché des assurances par Kessler et ses amis du MEDEF.

Tout le monde sait que le MEDEF s’est donné pour objectif de revenir sur le compromis social de 1945, dans une démarche où l’idéologie a une grande part.

Mais il s’agit aussi de combattre le droit à la paresse des salariés : le non travail doit rester une contrainte qui pèse sur les salariés et les chômeurs et non un droit.

Sarkozy l’a dit lui même dans son entretien télévisé : « vous savez, Mr Pujadas depuis 1950 nous avons gagné 15 ans d’espérance de vie  » pour annoncer aussitôt, comme une évidence que cela justifie de travailler plus longtemps.

Derrière cette argumentation en faveur de sa réforme se révèle une crainte du capital et de ses hommes aujourd’hui : avec les nouvelles données démographiques la sécurisation d’une fin de vie brève se transforme en une période plus longue (trop longue pour eux !) où la vie des salariés est soustraite au travail contraint, au travail salarié.

Les retraités qui restent plus longtemps en bonne santé et et actifs ont acquis le droit de choisir et d’exercer une activité radicalement différente du travail capitaliste.

On voit bien pourquoi la démographie est pour eux une question centrale !

Bien sur certains d’ailleurs restent ( par choix ou sous la contrainte des nécessités économiques) dans le travail salarié. Peu sont à vrai dire concernés par un travail largement autonome et créatif qui pèse plus que les contraintes du salariat. Ce sont ceux là, très minoritaires, qui sont pris comme exemple de la prolongation de la vie au travail et jamais ceux que les retraites de misère à nouveau conduisent à accepter n’importe quel petit boulot.

Mais aujourd’hui la très grande majorité des salariés est en situation de non-travail mais dans des activités qu’elles ( ou ils) choisissent et maîtrise : c’est cela qui est inacceptable pour les tenants de la valeur travail.

Ces activités libres des retraités ( mais aussi des autres quand ils peuvent en faire) subissent une dévalorisation sociale pour en désamorcer la dangerosité.

Le bricolage, le jardinage ne sont pas des activités sérieuses puisqu’elle n’entrent pas dans le PIB, ne créent pas de richesses comptabilisables ( ou comptabilisées). Ne parlons pas des activités culturelles ou de la formation. Tout cela serait purement occupationnel et ce n’est que par hasard que ces activités auraient une utilité « réelle  ».

Mais c’est dans le secteur du « services aux personnes » (appellation libérale contrôlée) que beaucoup de retraités pratiquent sans le savoir ( comme Mr Jourdain) que cette entreprise de dévalorisation atteint des sommets.

L’aide aux personnes âgées et handicapées, l’accompagnement des enfants... sont réduits à leur dimension la plus fonctionnelle, les travaux ménagers, le gardiennage des enfants...tous des travaux sans qualification en évacuant la dimension humaine et relationnelle. C’est bien dans la suite de la loi Borloo sur les services à la personne voir Danger sexiste et destruction du code du travail.

Ces activités sociales « d’être avec » les personnes qui en ont besoin est complètement nié socialement (comme les activités dites domestiques) par une vision du monde où seule compte l’efficience comptabilisable. Le temps qui permet « d’être avec », qui ne compte pas , qui n’est pas rationalisable économiquement, est un temps perdu pour l’idéologie néolibérale.

Même l’activité associative des retraités dans le secteur caritatif, indispensable au fonctionnement même de ce secteur dont tout le monde paraît reconnaître l’utilité [1].

Alors il faut remettre ces retraités qui ne servent à rien dans des activités inutiles au boulot, le vrai, le travail salarié. Toute autre activité sociale n’a aucune valeur : c’est bien un choix de société essentiel qui se joue là. Besoins sociaux contre marchandise, se joue aussi sur l’utilité sociale des activités libres.

Si nous voulons défendre vraiment la retraite à 60 ans, nous devons porter le débat sur ce terrain là et sur le droit à une activité libérée du travail salarié soumis à la seule logique du capital.

Face à leur projet d’un retraite réservée aux mourants ou aux invalides [2] , nous devons affirmer le droit à une retraite en bonne santé où une vie et une activité sociale est encore possible.

Ceci doit nous conduire à défendre, assumer ces activités sociales liées à des besoins sociaux, y compris l’utilité sociale de l’activité politique conçue non comme une profession mais comme une activité libre accessible à toutes et tous.

C’est l’ensemble de ces activités libres qui font peur aux classes dirigeants.

Par leur existence même, elles montrent les limites du travail salarié (et de son contraire : les rentiers du Capital).

Elles fonctionne sur une dynamique sociale de libre choix et de maîtrise par la personne qui questionne les conditions d’exercice du travail salarié.

Quel risque représente ce « mauvais exemple » pour la relation de subordination salariale qui depuis plusieurs années prend des formes de plus en plus dures (destruction du droit du travail, retour à la relation individuelle...).

Un débat public doit aussi porter sur cet aspect des choses : la société est elle prête à financer d’autres formes d’activités sociales ?

Engager ce débat c’est aussi poser la question d’une alternative au capitalisme libéral avec d’autres priorités sociales.

14 juillet 2010

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Notes :

[1] un rapport récent du CESR de Basse Normandie montre bien que le recul de l’age de la retraite met en cause l’existence même des associations caritatives en « tarissant » le recrutement de bénévoles qui se de plus en plus dans cette catégorie

[2] c’est bien leur projet et les mesures prévues sur la « pénibilité » dans le plan gouvernemental sont significatives, révélatrices de ce projet. A la notion de prévention qui sous-tendait les départs anticipés des fonctionnaires en « service actif » ou des agents de la SNCF, le gouvernement substitue une notion d’invalidité personnelle reconnue médicalement, mesure curative qui intervient quand les dégâts sont bien visibles


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