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Cinq remarques sur la situation politique

introduction pour la coordination nationale du 27/10/07

 

Il m’a été demandé hier soir d’introduire le débat de ce matin. Ce qui va suivre n’engage donc que moi. Il me semble qu’il n’y a rien de très nouveau depuis nos dernier échanges et je me bornerai à cinq remarques.

1. Sarkozy vient de réussir un nouveau coup avec le Grenelle de l’environnement

Il a mis en place une concertation donnant une place nouvelle aux associations et a obtenu en retour un large satisfecit de celles-ci et de personnes ayant acquis un statut sur le sujet (Hulot).

C’est un bon résumé de la situation politique. Il réussit à apparaître comme osant prendre le sujet à bras le corps. Le PS a disparu de la séquence, se bornant à interroger sur le financement qui est une bonne question mais ne peut remplacer les positions sur le fond. Le contre-Grenelle citoyen et la marche sur les OGM sont passés presque innaperçus.

Il parvient ainsi à brouiller de nouveau l’image qui commençait à apparaître : sa politique de classe, le rapprochement avec Bush. IL avais su le faire sur la question européenne en attaquant la BCE et l’euro fort.

2. La grève dans les transports a été un succès dont il ne faut pas surestimer la portée

Elle a montré qu’il existe une opposition sociale à la politique de la droite. Mais cela ne suffit pas à la mettre en difficulté. La grève n’a guère débordé le secteur des transports. Elle était anticipée et intégrée dans la stratégie du pouvoir. Il est prêt à l’épreuve de force sur des sujets sur lesquels il a déjà gagné la bataille sur le fond dans l’opinion publique : régimes spéciaux, service minimum. Ne nous méprenons pas sur les sondages. Certes une majorité comprenait la grève (parce qu’il est normal que des corporations défendent leurs droit à la retraite) ; cela ne valait pas accord sur le maintien de ces régimes.

Le pouvoir propose ainsi aux organisations syndicales un choix redoutable : la collaboration ou l’affrontement sur le terrain qu’il a choisi. Cela pose une vraie difficulté de stratégie syndicale. Mais les organisations n’utilisent même pas les moyens à leur portée. La grève du 18 aurait du être précédée d’un énorme travail d’explication, d’argumentation. On aurait du voir des distributions de tracts dans tous le pays, des tribunes dans la presse. Je ne sais pas ce qu’il en a été en province ; à Paris je n’ai pas vu un seul tract. Cette incapacité à engager la bataille de l’opinion est un problème majeur. Le pouvoir réussit même à utiliser le scandale des fonds secrets de l’UIMM pour éclabousser les syndicats et, sans doute, pour apparaître comme capable d’assainir une situation trouble en préparant une réforme de leur financement. Il parvient à ne pas multiplier les fronts, en reculant par exemple devant le mouvement des étudiants en médecine tout en soulevant une vraie question : la répartition des médecins sur l’ensemble du territoire national.

Il me semble donc trop tôt pour affirmer que la situation sociale « devient chaude ». Au risque du paradoxe, plus que la grève du 18, c’est celle d’Air France qui me semble constituer une nouveauté dans la situation : la réapparition d’une grève massive sur les salaires et les conditions de travail dans le secteur privé, avec l’argument central des profits réalisés par l’entreprise.

3. Les difficultés du pouvoir ont surgi plus nettement sur d’autres terrains

Au fond, c’est sur des sujets de société qu’il a révélé un visage qui a profondément touché le pays : franchise médicale, tests ADN, sans papiers.

Cela ne supprime pas le doute politique. Les réactions ne traduisent pas une opposition massive aux réformes de la Sécurité sociale ou un refus du contrôle de l’immigration. Elles manifestent une indignation plus profonde : on ne doit pas restreindre l’accès aux soins des pauvres ; on ne doit pas utiliser les découvertes génétiques pour restreindre l’immigration ; on ne doit pas arrêter des enfants à l’école. Associations diverses, églises, personnalités se sont mobilisées. Réaction si profonde qu’elle touche jusqu’à la majorité parlementaire. Le Sénat en poste avancé contre les tests ADN, c’est quand même intéressant !

4. La gauche inexistante

PS aphone sauf pour critiquer la méthode du gouvernement, et cela ne vas pas s’arranger avec le traité européen. L’incapacité du PS à incarner une opposition sur le fond s’est traduite par la mort du « comité riposte » qui ne parvenait à en esquisser aucune.

Le PC, plutôt que chercher des formes de ripostes unitaires, en déduit un retour à l’action solitaire : marche des chômeurs du Nord, manifestations de riposte à Sarkozy organisée par lui seul avec un résultat prévisible (ps : l’Huma de lundi se félicitait de la participation de plus de 5000 personnes à Paris !). Il ne proposei, pour l’heure, aucune perspective politique. La LCR s’en tient au nouveau parti anticapitaliste autour d’elle, comme après l’élection présidentielle de 2002.

Et nous ? Nous avons du mal a dresser l’état des lieux. La situation semble contrastée. Dans certains endroits, les collectifs ont conservé leur vitalité ; dans d’autres, ils ont du mal à repartir. Nous proposons une perspective politique dont nous aller discuter tout à l’heure. Il est nécessaire de la préciser encore. Il est indispensable de ne pas s’y cantonner. C’est bien sûr le problème de la perspective politique qui pèse par-dessus tout. Mais les collectifs ne peuvent vivre sur ce seul débat. Il faut sortir du débat interne et intervenir, apparaître comme des outils d’action. Si nous le faisons ce sera payant parce qu’il y a place pour un cadre unitaire de réflexion et d’action.

5. Creuser toutes les fissures

La situation politique et sociale est très difficile, c’est évident et alimente le découragement. Pourtant des fissures, nous l’avons dit, sont apparues. Les talents de mystificateur de Sarkozy ne suffiront pas à supprimer les contradictions sociales. Les forces qui le soutiennent veillent respect des engagements pris. Il faut faire connaître la déclaration de Denis Kessler, l’un des théoriciens du MEDEF : « Les annonces des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork (...) statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la sécurité sociale, paritarisme ... il ya une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple. Prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance. » (magazine Challenges, 4/10/07).

Nous n’avons pas à prédire une explosion ou une crise politique majeure dont nous ne pouvons rien dire à l’heure actuelle. Nous avons à creuser toutes les fissures qui apparaissent sans savoir si et quand, l’une d’elle s’élargira soudain.

A ceux qui se demandent quoi faire, nous devons proposer d’abord de mener le travail quotidien de démystification, d’explication sur le fond de la politique de la droite : discussions en collectif, tracts, réunions publiques.

Nous devons ensuite apparaître sur les différents fronts, nous inscrire dans leur activité et faire connaître nos propres positions. Quelles que soient les limites des 125 propositions, elles sont trop peu utilisées. Or elles contiennent déjà beaucoup de choses nous permettant d’intervenir sur un schéma répété : 1) nous ne sommes pas d’accord avec ce que fait la droite parce que ... 2) Voilà ce qui pourrait être fait d’autre.

ANNEXE. Sur la politique internationale et l’Europe :

1. Le rapprochement avec Bush

Sarkozy a engagé une politique effective de rapprochement avec Bush. Cela s’est traduit, en premier lieu, par les déclarations fracassantes sur l’Iran. Il faut se souvenir de l’affirmation que si les Etats européens n’étaient pas prêts à s’engager, aux côtés des USA (c’est à dire derrière eux), dans une politique de fermeté vis à vis de l’Iran, il n’hésiterait pas à proposer un front de ceux qui sont d’accord, avec le Royaume Uni par exemple.

En second lieu, la France a adressé au Conseil de l’Atlantique Nord (NAC) quatre propositions pour réintégrer l’OTAN (Le Monde 9/10/07). Elles ont été peu commentées :

1) présentation systématique du programme et du bilan de la présidence de l’Union européenne au NAC et dans les différents comités de l’OTAN, avec participation au Conseil atlantique du ministre des affaires étrangères du pays qui préside l’UE.

2) invitations croisées fréquentes du Haut représentant de l’UE pour la politique étrangère et de sécurité commune au NAC et du secrétaire général de l’OTAN au Comité politique et de sécurité de l’UE.

3) travail commun entre l’Agence européenne de défense et le Commandement allié qui s’occupe de programmes d’armement.

4) mise en place d’une procédure d’échange d’information en cas de crise.

Contrairement à ce qu’à dit la presse, cela ne constitue pas une demande de prise en compte de l’Europe par les USA. Le faible degré d’existence de l’Europe de la défense et, déjà, sa dépendance de certains moyens de l’OTAN, font de ces propositions un pas en avant de la subordination de la première à la seconde.

2. Engager énergiquement la campagne sur le nouveau traité européen

Nous avons peu de temps. Devant la multiplication d’initiatives séparées, le secrétariat a proposé début septembre que soit engagée une campagne sur deux axes : le refus du nouveau texte qui reprend le traité constitutionnel ; une campagne démocratique pour un nouveau référendum.

Cela a débouché sur des réunions unitaires regroupant toutes les forces de l’appel des 200 plus ATTAC et la déclaration commune des organisations, rendue publique le 16 octobre. Les collectifs doivent s’en saisir pour inviter à des réunions unitaires locales là où cela n’a pas encore été fait. Le collectif unitaire national propose une quinzaine d’action et d’information à partir du 15 novembre tracts, réunions d’information, signature de la pétition), une initiative européenne à Paris avant le prochain sommet européen (13 décembre) et la tenue, si possible d’un ou deux grands meetings en province dans la première quinzaine de décembre.

IL ne fait aucun doute que la force propulsive de la pétition évoquée précédemment sera celle des tenants du Non. Toutefois, après débat, il a été décidé qu’elle sera purement démocratique (toutes les organisations signataires de la déclaration commune n’en seront pas). Elle sera signée par des personnalités, si possible venant du Non et du OUI. Il est demandé de faire remonter le plus vite possible les premières signatures. Il est possible de la faire signer massivement, en prenant garde de conserver ce caractère d’exigence démocratique. Dans tout le pays les parlementaires doivent être rencontrés pour leur demander de signer la pétition et de refuser la ratification parlementaire.

30 octobre 2007


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