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Une relégation des plus fragilisés

Conseil municipal du 17 octobre 2005-10-17 sur la convention de renouvellement urbain

 

Le renouvellement urbain se donnait pour ambition d’établir, ou de rétablir de la mixité sociale dans les ZUS (zones urbaines sensibles).

Dans ce cadre, des démolitions de logement sociaux étaient envisagées lorsque je cite « la réhabilitation ne permet pas de remettre au niveau de la demande sociale actuelle » termes flous qui ont permis à l’ANRU de privilègier les démolitions sur les réhabilitations.

S’il s’agit de répondre à ce que certains appellent « la ghettoïsation des quartiers dits sensibles", si l’objectif est de mieux répartir le logement social dans la ville, nous pourrions bien sûr avoir un débat sur « qui défini la demande sociale : les habitants ou les experts ou les élus ? » par exemple.

Mais nous n’en sommes pas là : avant de traiter ces problèmes nous devons répondre à une urgence sociale en matière de logement :

-  répondre à ce qu’on appelle «  la crise du logement » dont même les grands médias commence à faire un sujet : c’est dire que ça devient criant !

-  répondre aussi aux problèmes de pauvreté : les logements nouveaux issus de la rénovation doivent être accessibles aux demandeurs pauvres et précaires qui habitent les logements promis à la démolition ou qui voudraient y habiter.

Les bonnes intentions originelles ne résistent pas aux évolutions lourdes sur le terrain du logement, évolutions qui se sont singulièrement renforcées ces dernières années : une évolution dramatique du mal logement est passée par là avec ses deux dimensions essentielles :

Une offre qui ne répond plus aux besoins d’une majorité de salariés mais qui interdit certains logements sociaux aux plus démunis financièrement. Nous avons comme indicateur le nombre croissant de demandes en instance.+ 20% en 2 ans ce n’est pas rien !

Un mal logement qui se traduit par exemple par le développement de la cohabitation rendue nécessaire par le développement des salarié-e-s pauvres mais aussi je l’ai évoqué tout à l’heure par des sans logement , la saturation des structures d’accueil et de réinsertion...

Dès lors il fallait modifier les projets de rénovation urbaine pour que l’offre de logements sociaux soit à la hauteur des besoins.

Il faudrait au moins le mettre à égalité avec les autres axes autour desquels s’articulent les projets de rénovation.

Nous allons en effet dans le mur en laissant le marché régir sans contrôle le droit au logement.

La ségrégation sociale et spatiale est à l’œuvre dans la dynamique libérale dans un marché foncier qui comme les autres marchés financiers se « mondialise » : le logement est devenu un objet de rentabilité la plus forte possible en niant de plus en plus son usage, sa fonction sociale : fournir un toit.

Il est du rôle des élus et des pouvoirs publics de mettre fin à cette logique folle : c’était l’occasion de « moderniser », de modifier un projet de ville dépassé par la rentabilisation du foncier.

Vous ne la faites pas .

Bien sûr, vous ne faites pas de destructions massives de logement sociaux comme Hérouville, destruction dont se félicité notre président d’agglomération si j’en crois la presse puisqu’il est aller soutenir avec l’illusionniste Borloo, ce contrat.

Mais votre bilan, + 19 logement sociaux sur les quartiers concernés, est aussi accablant, totalement insuffisant, par rapport :

-  à l’état de la demande actuelle : plusieurs milliers (4600)

-  aux prévisions de croissance de l’agglomération : là aussi plusieurs milliers 3000 d’après l’INSEE)

-  aux projets claironnés par le préfet dans le cadre du plan Boloo : là encore plusieurs millier (7600).

Alors la participation de Caen réduite à quelques dizaines sur 10 à 12 000 constructions nécessaires, d’après des chiffres officiels, sous estimés, est ce à la hauteur ?

Mais il y a pire si j’ose dire : vous vous félicitez du niveau actuel de logement sociaux à Caen supérieur au niveau légal( 25% au lieu de 20).

Mais dans vos projets de rénovation vous allez réduire la part des logements sociaux dans les nouvelles constructions.

Là où il n’y avait que des logements sociaux, vous allez, au nom de la mixité sociale, réduire le niveau. Et ceci n’est pas compensé par les autres quartiers où vous vous êtes fixé l’objectif de 20 %.

C’est vers ce chiffre de 20 % que nous dirigeons.

Bien sûr c’est mieux que les 2.6 % de Neuilly, c’est mieux aussi que les communes de l’agglo qui n’ont pas ou presque de logement sociaux, mais c’est un recul programmé du logement social.

20 % doit être un plancher pour toutes les communes et vous le prenez comme un plafond !

Dans les conditions actuelles de montée de la pauvreté, de précarisation de l’emploi, de perte de pouvoir d’achat,

Un seul chiffre sur les 3.6 millions de pauvres, 1 millions travaillent et restent pauvres,

Du fait de la hausse des loyers et des charges, se loger devient extrêmement difficile pour un nombre croissant, générant des processus de désinsertion.

Il faut d’urgence des politiques et des investissements publics pour faire respecter le droit au logement, en construisant massivement des logements sociaux.

Faute de quoi la rénovation urbaine laissera de côté les gens qui connaissent le plus de difficultés.

C’est ce que craignaient -et leurs craintes se vérifient nationalement- les associations qui agissent sur le terrain du logement (défense des locataires) ou de la pauvreté et que la fondation Abbé Pierre résume d’un titre : « Démolir et reloger, pour qui ? »

Faute de pouvoir répondre votre dispositif se traduira, quelles que soient vos intentions, par une relégation de plus fragilisés.

En cette journée de lutte contre la misère, plus que jamais apparaît un décalage - un gouffre - entre votre politique, ses présupposés idéologiques auxquels vous vous accrochez, et les besoins sociaux : la coïncidence de dates le rend encore plus criant aujourd’hui.

Je vote contre cette délibération.

Etienne Adam

18 octobre 2005


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