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Des propositions liberticides

 

Patrick Braouezec

député de Seine-Saint-Denis

maîtrise immigration, intégration, asile

explication de vote

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Chers collègues,

Nous serons 23 à voter à 4h30 du matin pour ou contre ce texte, qui aura de graves pour des dizaines de milliers de personnes. Nous n’étions que 15 à décider de l’adoption de la loi Pasqua, qui a créé tant de sans-papiers.

Je suis satisfait qu’un débat de qualité, sans caricatures, ait pu se dérouler dans cet hémicycle, notamment sur les test ADN. Je regrette que vous n’ayez pas entendu la voix de la raison exprimée, y compris par certains députés de votre majorité.

Avec ce texte, vous imposez à la société française un modèle basé sur l’exclusion et le renfermement. Des bancs de cet hémicycle, nous vous avons mis en garde, mais sans résultat. Toujours plus d’interdictions, toujours plus d’injonctions, toujours plus de dureté à l’égard de ceux que vous ne voulez plus subir au prétexte -jamais prouvé- qu’il y a trop de migrants, et de surcroît jugés incultes, analphabètes, fraudeurs et revenant trop cher à l’Etat...

Pour les choisir, vous rétrécissez le champ du regroupement familial, en imposant un apprentissage du Français et des valeurs de la République -ce qui n’est demandé à nul autre-, en exigeant des ressources modulables selon la taille de la famille, en faisant obligation aux parents d’avoir des enfants exemplaires, sinon il leur en coûtera leur contrat d’accueil et d’intégration ; en recourant aux tests ADN. S’agissant des demandeurs d’asile, vous remettez en cause leur droit à un procès équitable, le référé liberté et vous réduisez leur délai de recours auprès de la Commission de recours des Réfugiés. Vous niez le droit à l’amour entre les hommes et les femmes et pour cela ce projet s’attaque aux migrations de droit.

Vous n’avez pas entendu ceux d’entre vous qui se sont qui se sont élevés contre certaines propositions, les jugeant liberticides, discriminatoires. Rien n’a été cédé. Ce gouvernement ne manifeste aucune volonté d’assurer la mixité et la cohésion sociales, pas plus d’ailleurs que de lutter contre les discriminations. Ne sachant pas comment gérer les problèmes sociaux, vous fustigez, vous dénoncez, vous pointez toujours les mêmes personnes depuis des années : les migrants, leur famille, leurs enfants, leurs conjoints, les jeunes. Qu’allez vous inventer lorsque le gouvernement -faute d’avoir résolu les problèmes sociaux- voudra encore réduire les possibilités de migration ? Nous craignons le pire.

Mais aucune loi, aucune politique, aucun gouvernement ne peut et ne pourra jamais maitriser le droit légitime qu’a tout être humain à chercher un horizon meilleur et à vivre en famille. Migrer est, malgré la volonté du gouvernement de le nier, un droit fondamental. Vous avez imposé des arguments simplistes teintés d’une identité nationale primaire qui ignorent l’apport dynamique des migrants.

Ce projet contient des dispositions contraires aux pactes garantissant le respect des droits humains ; il bafoue, démantèle et détruit les droits fondamentaux, il rompt avec toute une tradition d’accueil et de consensus sur une certaine éthique. Il met la France en situation de violation constante du cadre international de protection de ces droits.

A l’ère de la mobilité, il vaudrait mieux travailler, pour faire reculer la misère, les guerres, le sous-développement, à l’émergence d’une citoyenneté ouvrant des droits sociaux pour tous et construire des relations de coopération, de solidarité entre les peuples, avec des frontières ouvertes aux femmes et aux hommes et pas seulement aux capitaux financiers, à la spéculation et au transfert des richesses du Sud vers le Nord.

Notre groupe ne peut voter ce projet qui n’a pour seul fondement et seule motivation, qu’une approche et une pratique répressives, voire liberticides, discriminatoires et surtout qui s’aligne sur une logique de criminalisation de la migration et des migrants, une part importante de notre société.

Nous ne voterons pas un texte qui déstructure le droit, les liens sociaux, les relations humaines et institue deux catégories de Français.

25 septembre 2007


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