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Propositions sur les questions stratégiques

10 juin 2009



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=781



en vue de l’AG des Communistes unitaires et de la réunion nationale de la Fédération

Ce texte concerne le positionnement stratégique de l’ACU et de la Fédération après le scrutin du 7 juin. Il s’agit d’une version provisoire, mise en discussion.

Le résultat du scrutin européen montre à la fois la persistance d’un espace politique pour la gauche de transformation - renforcée par sa concomitance avec l’affaiblissement du Parti socialiste -, l’effet de la division des forces de gauche opposées au traité de Lisbonne, aboutissant à ce qu’elles soient réduites à la portion congrue au Parlement européen quant elles auraient pu être nombreuses [1]

Front de gauche. Des centaines de milliers d’électeurs ont considéré qu’il exprimait un regroupement électoral certes partiel mais positif. Avec 6 % des voix, le FG atteint le score du PCF seul en 2004. Avec cinq élus qui feront partie du groupe de la gauche radicale au Parlement européen, il gagne deux sièges.

On peut dans le même temps penser que son élargissement à d’autres forces aurait permis qu’il obtienne un résultat beaucoup plus significatif, non principalement par le nombre de militants supplémentaires qui auraient ainsi été mobilisés mais par les signes qui auraient alors été donnés, par la diversité qui aurait pu s’exprimer dans la campagne, par son ouverture à des acteurs du mouvement social et parce que cela aurait pu exprimer sur la possibilité d’une autre manière de faire force politique.

La Fédération pour une alternative écologique et sociale n’offrait évidemment pas nécessairement la garantie d’un résultat extraordinaire, mais force est de constater qu’elle aurait pu signifier un pluralisme beaucoup plus large que celui dont le Front de gauche a donné l’image, incluant particulièrement la dimension écologique, ainsi que la recherche d’un nouveau type de rapport à la société civile et au mouvement social. Il se trouve que ces dimensions ont de fait été incarnées d’une certaine manière par la liste Europe Ecologie : sa forme « hybride  » - que l’on reproche parfois à la Fédération - a été loin d’être un handicap...

NPA. Même si le résultat du NPA est supérieur au résultat LCR-LO de 2004, son choix d’une candidature solitaire, donc non unitaire, a été jugé défavorablement par beaucoup de ceux qui espérait initialement (ou qui potentiellement auraient pu) donner de la force à la critique radicale du capitalisme en votant pour lui.

Nous verrons si le NPA modifie son orientation consistant à se focaliser sur sa propre structuration et son ancrage dans un espace politique séparé des autres composantes de la gauche de transformation - comme l’y appelle le courant « Alternative et convergences » qui se structure en son sein et comme y aspire beaucoup des jeunes membres qui l’ont rejoint au cours de son processus constitutif - ou s’il entend prendre durablement la place marginale qui fut longtemps occupée par la LCR (et dans une certaine mesure par Lutte ouvrière).

Bref, là où le défi pour la gauche de transformation sociale et écologique était de développer une dynamique unitaire du même type que celle de 2005 contre le Traité constitutionnel européen, où l’ambition d’un processus majoritaire avait été déterminante dans les choix de chaque composante du rassemblement, c’est la course entre les petites listes de cette gauche-là qui a mobilisé l’attention.

Vers une nouvelle force de transformation sociale et écologique

La recomposition de la gauche est une nécessité. Nous ne considérons pas qu’il s’agisse d’un problème en soi, ni d’un mauvais moment à passer : c’est au contraire un défi positif pour contester la domination social-libérale sur la gauche et construire une alternative politique anticapitaliste ; et c’est un défi pour que les citoyens qui veulent lutter contre les dominations et pour une alternative au capitalisme puissent faire force politique ensemble.

Dès sa création, l’ACU a manifesté sa volonté de contribuer à la création d’une nouvelle force politique de transformation sociale, rassemblant les différents courants de la gauche bien à gauche, en développant une conception nouvelle de l’action politique. Cette perspective reste pour nous d’actualité. Elle suppose que des citoyens issus de différentes formes d’activités, structurées ou non, se rapprochent et travaillent ensemble, explicitement, à forger des éléments d’un projet, de stratégie et d’organisation.

Nous nous sommes engagés dans la démarche de la Fédération de citoyens et de forces pour franchir une étape en ce sens. Il s’agit d’un premier regroupement, une expérience inédite - 9 courants politiques travaillant ensemble depuis décembre 2008, au-delà de partenariats thématiques ou du seul soutien aux luttes. Son action se situe délibérément dans le champ de la "force politique d’un nouveau type à construire" : c’est tout son intérêt, même si cela est difficile. En développer la structuration, en préciser l’identité politique, développer ses initiatives et actions est utile si l’on veut faire bouger les lignes à gauche.

En ce sens, une étape à franchir rapidement est celle de mobiliser les comités locaux, les élus, les militants qui peuvent participer à cette démarche, pour l’élargir fortement. Il s’agit que la fédération constitue bien à la fois un processus ouvert, capable de se métamorphoser, de se dépasser si nécessaire, et un espace qui se donne les moyens d’agir : une visée de transformation sociale, écologique et démocratique, une stratégie, des moyens d’expression publique etc. Il faut dans ce cadre prendre de front la question de la représentation de la Fédération, de porte-paroles représentatifs de sa diversité, de sa communication et plus largement de sa présence sur le terrain.

Pour avancer dans le sens d’une meilleure identification, il serait particulièrement important de décider dès le week-end du 13-14 juin de dénommer la Fédération, « Fédération pour une alternative sociale et écologique ». En effet, le nom tel qu’il est ne donne ni la dimension d’une dynamique (« pour »), ni la volonté d’une transformation (« alternative »), ni le caractère indissociablement social et écologique de notre démarche.

Notre action au sein de la Fédération ne peut donc consister à créer une organisation de plus à côté des autres et à s’inscrire dans une structuration durable de forces politiques distinctes qui n’auraient vocation à se réunir et à converger que ponctuellement.

C’est ce que nous disons quand nous affirmons que nous ne voulons pas structurer une « petite gauche ». Et c’est aussi le sens qu’à pour nombre d’entre nous le maintien de leur adhésion et de leur engagement au sein du PCF ou, plus largement, la revendication de la « multi-appartenance ».

Et cela veut dire ceci : notre objectif n’est pas un regroupement avec telle ou telle composante seulement, même si nous développons avec les uns et les autres des relations très positives et même si nous pensons qu’il est « absurde » que nous ne soyons pas déjà dans la même organisation politique.

Notre objectif est de travailler au métissage des cultures politiques, car la domination d’un des pôles de la gauche de transformation sur le ou les autres est une impasse. C’est ainsi que par exemple la convergence avec le Parti de gauche serait une avancée importante, y compris pour une recomposition sur le fond des idées de la gauche de transformation sociale et écologique    Prendre la réalité telle qu’elle est veut dire constater que le PCF n’a pas décidé de se dépasser, même si en son sein des milliers d’adhérents, de différentes sensibilités, sont favorables à sa transformation ; que le PG se structure ; que le NPA a décidé au contraire de s’ancrer tel quel dans le champ politique.

La perspective d’une force politique rassemblant les différentes cultures de la gauche de transformation doit rester notre visée, mais des étapes seront à l’évidence nécessaires, et il est souhaitable de ne pas les différer car elles crédibilisent la visée du moment que celle-ci ne s’efface pas derrière l’expérimentation de rapprochements partiels.

Dans cette logique, l’ACU est disponible pour envisager les rapprochements possibles : pour des élaborations et des actions communes, pour le travail sur l’alternative politique, par exemple dans le cadre de l’Appel de Politis. Et il est fortement souhaitable que la Fédération soit force d’initiatives et de propositions.

Si par exemple il est possible de créer des convergences et des relations avec telle ou telle autre composante de la gauche de gauche, par exemple avec le PG, nous sommes pour aller le plus loin possible. Et si le PCF choisissait le dialogue plutôt que de considérer la Fédération comme un espace illégitime (et les Communistes unitaires comme des pestiférés), nous sommes immédiatement disponibles. Et il en est ainsi avec d’autres composantes, dont la Gauche unitaire, le N’Pep, le nouveau courant unitaire du NPA...

Nous sommes convaincus que beaucoup de choses sont possibles si l’état d’esprit est bien à la co-construction d’un espace politique commun respectant les histoires, les identités de chacun, et si chacun comprend bien et accepte les différences des autres.   En ce sens, trois grands enjeux sont devant nous (nous, cette fois : toute la gauche bien à gauche) :

-  le mariage du social et de l’écologique, donc une visée politique qui réussisse une forme de synthèse entre des approches excessivement décrétées comme inconciliables par ceux qui ne veulent pas mettre en cause le capitalisme,
-  le métissage des cultures autogestionnaires et des cultures républicaines de gauche, par le dépassement progressif des lignes de fractures qui ont structuré depuis si longtemps la pensée et l’action politiques de la gauche toute entière,
-  l’irruption des mouvements et des mobilisations dans l’espace politique, y compris institué.

Si une telle évolution appelle des mutations culturelles importantes de chacun et de tous, qui nécessitent du temps, nous pensons qu’il faut en énoncer délibérément l’objectif. Nous ne pensons pas qu’il faille d’abord régler les problèmes de fond - comme on croit le faire parfois au travers d’une négociation sur un programme - puis se rapprocher : nous pensons qu’il faut ouvrir des espaces d’élaboration, énoncer, travailler, dépasser peu à peu les contradictions, les désaccords, quitte à acter ceux qui subsistent tout en agissant ensemble sur l’essentiel.

Inventer une organisation qui concilie efficacité et pluralisme, c’est se tourner vers les aspirations si largement partagées par les jeunes générations, qui ne veulent pas que l’on pense et que l’on décide à leurs places.

C’est un pari qui s’appuie sur quatre idées :

-  ce qui nous unit est beaucoup plus fort que ce qui nous divise,

-  les contradictions idéologiques ont certes des racines historiques légitimes, mais aucune des composantes ne dispose d’une cohérence politique qui s’imposerait comme viable et pertinente, et il ne suffit pas d’affirmer une telle cohérence pour réunir largement, puisque, de fait, la diversité des idées parmi ceux qui ne veulent pas de l’alternance entre la gauche molle et la droite dure est beaucoup plus vaste que ce qu’exprime n’importe quelle composante déjà organisée ;

-  la confrontation d’idées et le métissage des cultures politiques peuvent ne pas être la recherche du plus petit dénominateur commun et de compromis boiteux mais signifier un aggiornamento idéologique transformant la gauche bien à gauche pour lui donner enfin l’identité politique et la visibilité politique qui lui font défaut,

-  le pluralisme, valorisé et organisé, peut devenir une des forces d’une nouvelle forme d’organisation politique, en contravention avec les formes d’organisation du 20ème siècle. Il est l’un des fondements pour une culture politique vivante.

Il y a là à la fois une modestie et une très grande ambition, qui nécessitent une grande détermination, pour ne pas être cassée à la première difficulté stratégique, à la première échéance électorale, ou lorsque les enjeux de pouvoir prennent le pas sur l’essentiel : le combat pour l’émancipation.

Précisons donc que si la vocation des Communistes unitaires est de contribuer à l’élan évoqué ici, il n’existe pas de recettes pour réussir par un coup de baguette magique ce que des années de tentatives pour qu’émergent de nouvelles constructions politiques n’ont pas permis d’amorcer vraiment jusqu’à présent.

Questions clefs et débats à approfondir

Le déficit de citoyenneté est au cœur des problèmes contemporains : de la main laissée au marché omnipotent, de la « crise de l’État », du divorce entre critique sociale en actes et constructions politiques, du sentiment d’éloignement à l’égard de « la » politique.

Pour combler ce déficit, quelles sont les habitudes dont il convient de se débarrasser ?

-  Celle qui confond étatisme et sens du public (par exemple, le service public est autant à défendre qu’à transformer démocratiquement)
-  Celle qui confond égalité et méfiance des différences
-  Celle qui confond sens du collectif et relativisation de l’autonomie des individus, affirmation de l’urgence sociale et sous-estimation des droits de la personne
-  Celle qui confond développement des capacités humaines et croissance des marchandises, des biens et des signes monétaires.
-  Celle qui confond responsabilité des partis et monopole partisan des fonctions politiques.

Quelles sont, dans le « bien commun » des luttes et des avancées antilibérales des dernières années, les quelques points qui nous semblent les plus propulsifs pour montrer l’ambition pleinement émancipatrice de tout projet de transformation sociale :

-  La primauté des droits
-  La prévalence d’une appropriation sociale qui ne se confond pas avec et donc ne se limite pas à l’extension des compétences de l’État
-  La réforme radicale du champ démocratique (une République qui ne soit pas seulement la Sixième d’une longue série passée, mais la première d’une République de nouveau type)
-  Le désir de politisation démocratique de tous les espaces, du local au transnational etc.

Il s’agira aussi de traiter de manière explicite les questions difficiles et celles « qui fâchent » : celles ayant trait aux rapports entre questions économiques et sociales, questions environnementales et questions sociétales, pour sortir de la hiérarchisation des combats ; celles des libertés individuelles et collectives  ; celle des modes de développement, incluant la question de l’énergie et du nucléaire, et celles des modes de vie...

Sur tous ces points et sur bien d’autres, nous sommes prêts à tout débat élargi, à toute initiative qui permette de valoriser ce qui nous est commun (commun, pas unique) et qui permettrait à la gauche rassemblée d’assumer ses fonctions dans le mouvement social.

C’est avec la volonté d’ancrer toutes ces questions dans les réalités des territoires que nous appelons à aborder les élections régionales à venir.

Elections régionales

Nous avons besoin de clarté stratégique. Au plan électoral, la même logique que celle en vue de la création d’une nouvelle force politique de transformation sociale devrait prévaloir. Tout faire pour l’unité la plus large et concrétiser dès que possibles des premières convergences, les plus larges possibles.

Concrètement, les prochaines élections régionales marqueront-elles un nouvel épisode de l’éloignement des milieux populaires de la vie politique et de la division de la gauche de gauche, ou permettront-elles des pas significatifs face à la droite et au social-libéralisme, dont l’empreinte sur la gestion des Régions reste fortement marquée par l’absence d’une alternative à la hauteur des défis actuels ? La possibilité pour les habitants de peser fortement pour élaborer et imposer des politiques différentes dans les régions - pour réduire les fractures territoriales et sociales, pour le développement économique et social ; pour répondre aux besoins de logement, d’emploi, de santé, de formation... - sera-t-elle renforcée ou diminuée ?   Il convient sur ce point d’être beaucoup plus clair que nous ne l’avons été, à l’ACU et avec la Fédération.

D’abord, notre démarche ne peut être de présenter aux élections des candidatures de simples témoignages. Nous voulons contribuer à ce que s’exprime dans la société, dans les urnes et jusque dans les institutions une alternative politique.   Nous devons à la fois poursuivre le combat unitaire - que certains considèrent comme une simple incantation tandis qu’il est pour nous une impérieuse nécessité - et dire d’emblée notre détermination à aller jusqu’au bout jusqu’au bout : nous entendons être partie prenantes de listes de la gauche de transformation sociale et écologique au premier tour des Régionales, et fort de la dynamique politique à laquelle nous aurons contribué pour des politiques régionales fortement ancrées à gauche, nous sommes en faveur d’une fusion des listes de gauche au deuxième tour, pour une gauche qui transforme les politiques régionales.

Mais nous avons à être plus précis, à l’inverse de la situation qui s’est produite aux Européennes, où nous avons de fait laissé le champ libre à la fermeture du Front de gauche à la Fédération et où le NPA a pu multiplier ses prétextes en forme de préalables.

Nous disons ceci :

-  aux élections régionales, une telle dynamique est possible avec le PCF, le PG, la Gauche unitaire, ou le Front de gauche, et le NPA y a sa place [2]

-  mais aussi, contrepartie inséparable du point précédent : aucune alliance n’est possible avec la droite, notamment pas avec le Modem. Et pour être précis, dans le cas où le Parti socialiste déciderait de fusionner au second tour avec le Modem, nous pensons indispensable de choisir de ne pas fusionner avec des listes gauche-droite et de maintenir partout où cela serait possible les listes de la gauche de transformation sociale.


[1] Front de gauche + NPA = 11 %. Une dynamique unitaire aurait problablement permis de se rapprocher considérablement des scores d’Europe écologie et du PS.

Le choix du NPA de poser comme condition préalable à une convergence électorale un engagement pour les futures échéances a contribué à stériliser le champ politique qu’une dynamique unitaire aurait bouleversé, imposant aussitôt une autre configuration pour la suite, notamment dans la perspective des élections régionales. Quel gâchis !

[2] En sachant que ces listes unitaires doivent inclure la perspective d’une fusion des listes de gauche au deuxième tour, avec une vocation majoritaire.

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