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Dexia : hélas ! un cas d’école
après la réponse de Duron

16 décembre 2011

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=1138



Dans les coffres-forts de la bande

Ce qu’il a créé s’est fondu

En décrétant qu’on le lui rende

Le peuple ne veut que son du

Les explications apportées par Philippe Duron suite aux attaques publiques de la droite locale ont au moins le mérite de nous sortir des attaques de personnes, des sous-entendus sur la moralité de tel ou tel pour porter le débat sur le plan où il doit être posé, celui du financement des collectivités locales [1]

Il n’ y pas faute si l’on se place du point de vue de l’UMP qui a conduit Dexia et les collectivités locales où elles en sont : c’est bien la logique de privatisation des prêts, d’abandon d’un secteur public de financement qui a conduit à ce désastre.Nouvel article

Mais cette politique, qui offre aux organismes financiers une rente sur le compte des contribuables, n’est nullement remise en cause par Bayrou qui en redemande en matière d’austérité pour être encore plus sur que cette rente prospère. Lallier qui joue à Caen le défenseur des pauvres devrait en toucher deux mots à son chef de file avant de donner des leçons de morale.

Car ce n’est pas une affaire de morale : ce que nous reprochons nous à Philippe Duron c’est bien précisément de continuer à jouer dans cette affaire un rôle conforme à ce que voulait la droite et le capital financier.

Et ses « explications » ne nous satisfont pas au contraire : elles révèlent l’ampleur de nos désaccords .

Dexia une banque utile aux collectivités locales ?

Curieusement c’est le même argument que développent les dirigeants de Dexia devant la commission parlementaire, certains allant même jusqu’à affirmer que le bilan est positif pour les collectivités locales.

Tout ce beau monde « oublie » que Dexia n’est plus un organisme public de financement mais une banque privée dans une logique de profit bancaire. Le rapport avec les collectivités locales est un rapport marchand, de clientèle bien loi de celui de conseil d’intérêt général d’un service public.

Plutôt que de maintenir l’idée de l’utilité de la pseudo "représentation des collectivités locales", il vaudrait mieux reconnaitre due Dexia est aussi étrangère aux collectivités ( et surtout aux petites qui « trinquent  » le plus ) que le crédit agricole l’est aux petits paysans.

C’est d’ailleurs ce que dit un ami politique Claude Bartolome président de la commission parlementaire : « Tous nos interlocuteurs locaux, élus comme représentants de l’État, nous ont répété que Dexia était traditionnellement la banque de référence, notamment en matière de conseil. Or nous nous sommes rendu compte que, dans sa mission, elle n’avait pas été au rendez-vous : c’est là tout le problème. ».

La présence dans le Conseil d’administration de Dexia de représentants des collectivités locales est là pour servir de caution et de gage vis à vis des autres élus. D’ailleurs nous apprenons qu’un «  on   » discret est venu chercher le président de région de l’époque. Nouvel article Cette sollicitation à des élus (choisis par qui ?sur quel critères ?) place les élus dans une situation où il ne sont plus là en tant que représentants mais comme personne dont la notoriété est utilisée.

C’est pour cela qu’aux premières alertes, dès 2007 (mais certains avaient avaient prévenu bien avant sur la dérive libérale) les élus se réclamant de la gauche auraient du démissionner pour ne pas cautionner une banque qui se servait d’eux.

Mais au PS l’idée d’un pole financier public et la rupture avec le financement de l’Etat par « les marchés » est encore à l’ordre du jour.

Sauver Dexia ???

Philippe Duron affiche un regret, celui de n’avoir pu sauver Dexia comme si cette boite privée méritait d’être sauvée !

Au bout de la déroute de Dexia il y a bien eu un sauvetage organisé par le gouvernement avec l’argent public : reprise du portefeuille et de l’activité de financement des collectivités locales dans le cadre de deux structures partenariales publiques réunissant la CDC et la Banque Postale.

Le cout pour la collectivité est considérable quand on sait qu’une partie de la collecte du livret A destiné au logement social vient financer le sauvetage de Dexia. Nous n’avons pas entendu la position de Philippe Duron sur ce sauvetage.

Nous n’avons pas entendu non plus ses regrets pour les emprunts toxiques placés par Dexia auprès de collectivités locales ou d’hôpitaux.

Aujourd’hui les unes et les autres trompés par les offres alléchantes et lâchés par le financement public se débattent dans des difficultés quelquefois dramatiques : « Le secteur local, qui est un très important acteur économique, a évidemment souhaité bénéficier des opportunités de marché en pratiquant, dès les années 1980, une gestion active de la dette, conformément aux souhaits des gouvernements successifs » résume l’ancien président de Dexia.

Et cette gestion active ce furent les produits nouveaux qu’on qualifie de « structurés » qui dans un premier temps faisait baisser les taux d’intérêts en faisant l’impasse sur les risques à terme que les dirigeants de Dexia ne pouvaient -ou enfermés dans leurs certitudes idéologiques - ne voulaient pas voir.

Encore aujourd’hui P Richard, le président responsable de cette débâcle, continue de nier toute responsabilité : « J’insiste surtout sur le fait que personne n’avait prévu une crise d’une telle intensité, la pire que nous ayons connue depuis les années 1930. » On croit rêver quand on entend un tel aveu d’incompétence ! [2]

Apparemment Philippe Duron ne s’est pas opposé et ne s’oppose toujours pas à ce que nous considérons comme une dérive libérale du financement public.

Évidemment nous ne faisons pas de faux procès [3] : ce sont là des problèmes très techniques qui ne sont pas de la compétence normale d’un élu, même maire d’une grande ville : l’audition des élus et des directeurs d’hôpitaux par la commission de l’assemblée nationale le montre bien.

Il était irresponsable, voire coupable de la part des gouvernants de laisser les élus ou des gestionnaires sans compétence affronter les requins de la finance : la responsabilité première - qu’un élu local devrait dénoncer- est celle des gouvernements qui ont volontairement créé cette situation.

Aujourd’hui certains hôpitaux, pour arriver à se financer payent des experts ou des services pour faire face à leurs emprunts, et ceci au détriment des emplois de soins ! [4]

Qui fait au bout du compte les frais de cette situation : toujours les mêmes, les personnels pressurés comme des citrons et les usagers qui attendent désespérément des soins de qualité et voient leur droit à la santé remis en cause !

Depuis longtemps, des syndicalistes, des économistes ( y compris dans le PS) tirent la sonnette d’alarme sur le recours aux banques privées pour le financement public et les dangers pour la qualité même des services publics.

Pour la gauche, il ne saurait être question de regretter un « outil » de cette sorte, outil qui était surtout un moyen de piller collectivités locales et service public par une rente au profit des groupes financier.

Dexia un cas d’école

Ceci va bien au delà d’un « certain nombre de critiques » méritées par Dexia, il s’agit d’un désaccord de fond.

Dans les « explications » de Philippe Duron il y a de manière implicite une analyse de la crise qui n’est pas la notre, en particulier le silence sur les véritables crimes économiques commis par les dirigeants des banques contre de très confortables rémunérations [5]

Il y a aussi des réponses sur le rôle des banques, bien éloignées de ce qu’avance le Front de gauche sur un pôle financier public ?

C’est bien la ligne sociale- libérale, hégémonique dans le PS, qui s’exprime dans ces explications.

Si je me trompe, un débat public d’explication devient urgent

Etienne Adam


[1] ceci dit le scandale du montant de ces jetons de orésence devrait finir : un petit exemple : Robert Peugeot touche 40000 euros par an - soit 3000 par mois- rien que pour sièger chez Hermés, qui s’ajoutent aux 24000 de chez Faurecia une entreprise largement aidée par la région Basse Normandie. De plus il est membre de conseil, ou administrateur, de 9 autres sociétés...Nous n’avons entendu ni Le Brethon, ni Lalier dénoncer ces rentes de situation et contester des telles rémunérationsl entre une fois et demi et deux fois le SMIC à chaque foispour quelques heures de présence !

[2] Pour cette incompétence, au moins égale à celles des agences de notation, Pierre RICHARD coule aujourd’hui une retraite tranquille à 600 000 euros par an. Quasiment toutes ses décisions appuyées ou initiées par des gouvernements ou des majorités de droite (1987 ; 1993 ; 1996...), force est de constater qu’elles ne furent pas remises en cause par des majorités ou des gouvernements de gauche (1988-1993 ;1997-2002).

[3] nous l’avons déjà dit dans un article précèdenthttp://anpag.org/article.php3?id_ar... qui reste largement sans réponse mais ce n’est pas à nous que Duron répond dans la presse

[4] l’une des victimes locales des emprunts toxiques est l’hopital de Vire menacé dans son existence meme

[5] au fait un des dirigeants de Dexia a obtenu pour ce type de service rendu la Légion d’Honneur : dans leur lutte contre les mauvais coups des banquiers Brigitte Le Brethon et Lallier vont ils demander à Sarkozy qui l’a donnée de la lui enlever ?

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