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Bilan et perspectives des négociations sur le climat

Un an après Cancún et à quelques jours de Durban : Plus 4 ° C.

A la veille de la prochaine Conférence des Nations-Unies sur le climat (COP-17) qui se tiendra du 28 novembre au 9 décembre 2011 à Durban (Afrique du Sud), l’association Alter-Echos www.alter-echos.org poursuit son travail d’information sur les enjeux climatiques.voici la traduction d’un article de Pablo Solon, ancien négociateur en chef sur le changement climatique et Ambassadeur aux Nations-Unies de la Bolivie

 

Cela fait presque un an que les résultats des négociations sur le climat à Cancún ont été imposés malgré les objections de la Bolivie. Il est temps de faire le point et de voir où nous en sommes.

A Cancún, les pays développés ont fait la liste de leurs engagements de réduction d’émissions de gaz à effets de serre pour la période 2012-2020. Les États-Unis et Canada ont annoncé qu’ils réduiraient leurs émissions de 3 % par rapport à 1990. L’Union européenne entre 20 % et 30 %. Le Japon 25 %. La Russie entre 15 % et 25 %1. En ajoutant toutes les promesses de réduction des pays développés à l’horizon 2020, on obtient 13 % à 17 % de réductions d’émissions2 par rapport à 1990.

Les engagements actuels conduisent à une augmentation de 4°C Traduit de l’espagnol par Maxime Combes dans le cadre du projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org) Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement, l’Institut d’Environnement de Stockholm et le propre secrétariat exécutif de la Convention sur le changement climatique, ces engagements de réduction d’émissions conduisent à une augmentation de la température globale d’environ 4°C, ou plus3. C’est deux fois plus que le but qu’ils ont pourtant établis à Cancún qui est de limiter la hausse des températures à 2°C.

Avec un accroissement de la température globale de 2ºC, le nombre de décès annuel dû aux dérèglements climatiques se comptera en millions alors qu’il était déjà de 350 000 en 20094. Entre 20 % et 30 % des différentes espèces de plantes et d’animaux disparaîtront. De nombreuses zones côtières, y compris les pays insulaires, seront recouverts par les eaux. Les glaciers des Andes - qui ont déjà diminué d’un tiers avec l’actuelle augmentation de la température de 0,8°C - risquent de disparaître complètement.

Cancún a ouvert la voie à une augmentation de cette ampleur

Maintenant, imaginez ce que signifie une augmentation de la température moyenne mondiale de 4 °C ou plus ?

Personne dans les négociations sur le changement climatiques ne défend ou ne justifie une augmentation de cette ampleur. Toutefois, Cancún a ouvert la voie pour cela.

Quand la Bolivie s’est opposée à ce résultat, les négociateurs nous ont dit que l’important était de sauver le processus de négociation diplomatique et qu’à Durban, on sauverait le climat. Quelques jours avant que la conférence de Durban ne commence, les données n’ont pourtant pas bougé d’un pouce. Pire, certains annoncent qu’ils pourraient en rester au minimum de la fourchette de leurs engagements de réduction.

Malheureusement, durant l’année 2011, les négociations sur le climat qui se sont tenues en Thaïlande, en Allemagne et au Panama ont porté sur la forme plutôt que sur le contenu. Ce qui est en cours de négociation n’est pas de savoir comment augmenter les promesses de réduction d’émissions, mais quelles formes elles peuvent prendre.

On est passés à un régime volontaire du laisser faire, laisser passer

« L’accord » de Cancún nous a fait passer d’un régime obligatoire avec des objectifs globaux de réductions d’émissions à un régime volontaire sans objectifs globaux. C’est comme si vous disiez aux habitants d’un petit village qui peut être détruit par une inondation : « apporter les pierres que vous pouvez et nous verrons si le barrage sera suffisamment haut ». Quand en réalité, il est opportun de définir d’abord la hauteur du barrage pour contenir la rivière, et en fonction de cela, attribuer à chaque famille le nombre de pierres qu’elle doit ramener pour que le barrage puisse sauver toute la population.

A Durban, ce « régime volontaire du laisser faire, laisser passer » va se discuter de deux façons : l’une est de mettre un terme au Protocole de Kyoto et établir une liste des engagements de réduction d’émissions « que chacun souhaite » dans une décision de la COP 17. L’autre est de faire la même chose en vidant de contenu le protocole de Kyoto. Dans les deux cas, l’accord vise à éliminer le Protocole de Kyoto avant 2020.

Pour mieux comprendre cette seconde voie, il faut rappeler que le protocole de Kyoto fixe un objectif global de réduction des émissions mondiales de 5,2 % pour la période 2007-2012. Pour limiter la hausse des températures à 2°C, il faudrait les réduire entre 25 % et 40 % pour la période 2013-2020 selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat des Nations Unies. Ce qu’ils veulent faire revient simplement à énumérer les « engagements de réduction volontaire » sans établir aucune référence à un objectif global qui soit lui-même relié à une limite d’augmentation de la température globale.

« Faire disparaître le Protocole de Kyoto à Durban est un suicide »

Les partisans du maintien d’un protocole de Kyoto vidé de sa substance sont les pays qui ont peur de la réaction de leur opinion publique : « A minimum, il faut donner l’illusion que le Protocole de Kyoto se poursuit pour rassurer nos électeurs ». Mais la raison supplémentaire qui les amène à poursuivre avec un Protocole de Kyoto vidé d’objectifs de réduction sont ses mécanismes de marché qui sont en train de s’effondrer.

Le Protocole de Kyoto a beaucoup de faiblesses, mais le transformer en une coquille vide ou le faire disparaître à Durban est un suicide. La seule alternative responsable est de préserver le protocole de Kyoto avec un objectif de réduction d’émissions qui ne revient pas à incendier la planète.

Pablo Solon, analyste international et activiste social. Il a été négociateur en chef pour le changementTraduit de l’espagnol par Maxime Combes dans le cadre du projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org) climatique et Ambassadeur aux Nations-Unies de l’Etat plurinational de Bolivie (2009-Juin 2011).

Traduit de l’espagnol par Maxime Combes dans le cadre du projet Echo des Alternatives www.alter-echos.org

28 novembre 2011


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