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Et si la révolte des peuples arabes faisait école en Europe ?

 

Tel est le titre d’un article de Philippe Mabille rédacteur en chef « éditoriaux et opinions » au très sérieux journal des milieux économiques « la Tribune  ».

Bien sur la conclusion de l’article est un vibrant appel à l’austérité, à éviter la « dernière des bêtises à faire » que serait une hausse des salaires comme le dit sans pudeur le dirigeant de la banque centrale européenne Trichet.

Mais cet article traduit aussi la crainte des milieux économiques dominants devant ce qui vient de ce passer dans les pays arabes, comme élément d’un changement de rapport de forces entre pays du sud et ceux du nord « La révolte du monde arabe fait flamber le pétrole et pénalise le pouvoir d’achat dans les pays riches ».

Mais Mabille va au delà en s’appuyant sur des évènements qui ont déjà eu lieu dans les pays du Nord : la révolte des grecs qui continue, la crise d’ampleur en Irlande hier tigre celtique triomphant aujourd’hui pays d’émigration comme à la pire époque de son histoire.

Il développe très largement sur la révolte de Madison : dans cet état du Midwest des USA, des dizaines de milliers d’ouvriers et de fonctionnaires mais aussi des étudiants ont marché sur la capitale de l’état pour dénoncer les projets radicaux du gouverneur républicain, Scott Walker, de couper les prestations sociales et de supprimer les droits de négociation collective des employés du secteur public et municipal.

Cette protestation contre la remise en cause d’un modèle social gagne d’autres états où les dirigeants souvent proches de l’extrême droite « Tea Party  » veulent faire payer les pauvres.

Il aurait pu ajouter l’Espagne où l’on émigre à nouveau vers l’Amérique latine, le Portugal où les résistances grandissent et la crise politique s’accentue. Et bien sur l’Islande dont la presse ne parle pas tant ce pays donne le mauvais exemple en refusant de faire payer à tous les islandais les erreurs des banques et des spéculateurs.

Mais il a raison de s’interroger : face aux politiques libérales «  le Wisconsin, nouvelle frontière de la révolution mondiale ? ».

C’est à partir de ces constats qu’il demande aux dirigeants occodentaux de s’appliquer à eux mêmes les conseils qu’ils donnent aux dirigeants arabes : « car la révolte des peuples, désormais, c’est aussi à l’Ouest (ou au Nord, question de point de vue) ».

Depuis ce qui s’est passé en Tunisie puis en Egypte, l’idée même d’une révolution possible s’est renforcée. Cette idée avait déjà pris du poids dans les mouvements sociaux gagnant une partie non négligeable de la jeunesse.

Les jeunes des pays arabes ont refusé, certains disent au nom de la morale, la collusion entre des dirigeants autoritaires qui semblaient inébranlables et les intérêts privés les plus sordides, les plus cyniques pour se servir ouvertement de l’Etat à leur profit et ceux de leurs amis.

Ici et ailleurs en Europe cette complicité du président des riches n’est elle pas aussi visible, aussi scandaleuse ? Les affaires des parents de MAM, les voyages des uns et des autres, Fillion ralliant la Sarthe en jet le week-end... viennent alimenter le dégout.

Les jeunes d’ici ne sont ils pas aussi écœurés que leur semblables du Sud de la méditerranée devant cet étalage de luxe quand eux mêmes subissent la galère ?

Et demain ils veulent imposer un plan d’austérité européen qui ira encore plus loin dans la régression sociale. Même l’éditorialiste de La Tribune pense que l’annonce de ce plan est pleine de dangers.

Face à cela la seule réponse est de cultiver la peur de l’invasion arabe comme le font l’extrême droite et Sarkozy, devenu leur propagandiste, dans sa dernière allocution.

C’est pourquoi le terrain de lutte contre les discriminations est nécessaire : mais comme là bas les différences religieuses et ethniques peuvent disparaître dans les luttes communes.

C’est aussi là une grande leçon des révolutions arabes. A nous d’en tirer les conclusions.

1er mars 2011


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