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Loi "prévention de la délinquance"=danger

une lettre aux élus , partis , associations

Au moment même où il met en cause le laxisme des magistrats après la publication bien opportune de la lettre du préfet du 9-3, Sarkosy fait voter une loi qui lui tenait à coeur depuis longtemps : la loi dite "prévention de la délinquance".

Comme son nom ne l’indique pas cette loi met en cause des libertés publiques essentielles, bouleverse l’organisation de l’Etat en soumettant tout aux ordres de la police et de son ministre.

Elle est aussi lourde de conséquences sur la démocratie locale même si certains maires peuvent trouver là de quoi satisfaire leurs appétits de pouvoir absolu.

Lisez la lettre ci dessous même si vous n’êtes pas délinquant, cela vous concerne !

 

Comité de veille de l’action sociale du Calvados

aux élus municipaux

aux conseillers généraux

aux syndicats

aux associations

aux partis politiques

aux associations gestionnaires du secteur social

Madame, Monsieur,

Le 13 septembre a commencé au Sénat l’examen du projet de loi dit « prévention de la délinquance ». le calendrier prévoit sa présentation à l’Assemblée Nationale début octobre.

Professionnels de l’action sociale, de l’éducation et de la santé nous nous intéressons depuis 3 ans déjà à toutes les rédactions de cette loi qui bouleverse nos métiers.

Plus de 400 personnes ont signé un engagement à ne pas appliquer cette loi contraire au fondement même de nos professions et de notre éthique professionnelle.

Mais c’est en tant que citoyennes et citoyens que nous voulons vous faire part de nos réflexions et de nos craintes face à ces considérables modifications législatives.

Cette loi apparaît dans un contexte de recul des droits et de contrôle des populations dites «  à risques » : des lois Perben à la loi « égalité des chances » nous voyons se modifier insidieusement le cadre de nos pratiques professionnelles sous l’effet de la pénalisation des problèmes sociaux.

A une vision humaniste de l’action sociale et du traitement de la délinquance des mineurs en particulier, issue de la Résistance et de l’expérience de la Déportation se substituent des techniques de normalisation « comportementaliste » des personnes issues elles d’une idéologie anglo-saxonne qui est bien loin d’avoir fait ses preuves au USA et en Grande Bretagne.

Notre opposition au projet de loi « prévention de la délinquance » ne peut se résumer à la défense corporatiste du travail social et des pratiques éducatives même si nous considérons qu’il s’agit d’une véritable démolition de la prévention que nous pratiquons, au profit d’une vision étroitement policière de la prévention conçue comme technique d’encadrement et de renseignement pour lutter contre des populations potentiellement dangereuses.

Cette loi fondée sur une conception de la guerre préventive intéresse tous les élus, les partis et les associations et toutes les citoyennes et les citoyens parce qu’elle met en cause :

-  les libertés individuelles puisqu’elle met fin pour « ceux qui présentent des difficultés sociales éducatives et matérielles - art 5 du projet de loi - » (ce flou est inquiétant !) au respect de la vie privée auquel chacun a droit, par la fin du secret professionnel qui garantit encore aujourd’hui ce droit. Cette loi réduit à néant la loi de 2002, votée à l’unanimité, sur le respect des droits des usagers de l’action sociale ou celle sur le droit des malades, du moins pour les malades mentaux traités ici comme des dangers.

-  sous prétexte de rapprocher les décisions des acteurs de terrain, la loi « prévention de la délinquance » donne aux maires des pouvoirs exorbitants, créant une confusion entre les pouvoirs administratifs et judiciaires. En fait les maires sur lesquels les élus municipaux n’auront plus de contrôle, deviennent des rouages du ministère de l’intérieur : le vrai pouvoir sera entre les mains des marchands de soupe sécuritaires qui font, avec les communicateurs, la politique de Mr Sarkozy et qui tirent le plus grand profit du sentiment d’insécurité.

-  l’action sociale va disparaître comme politique autonome, elle devient un simple outil du «  maintien de l’ordre sécuritaire ». L’absence dans les débats des ministres de la solidarité, de la santé , de la justice et de l’éducation est tout à fait révélatrice, alors que cette loi modifie considérablement ce qui était jusqu’à aujourd’hui leurs compétences. Avec cette loi les conseils généraux sont exclus d’une part importante de leurs compétences en violation des lois de décentralisation. Tous ces domaines de l’action publique sont désormais soumis au ministère de l’intérieur.

C’est un changement institutionnel qui ne dit pas son nom : c’est lourd de conséquences de toute nature en particulier quant aux priorités budgétaires et aux financements des secteurs de la santé, de l’éducation et de l’action sociale devenus mineurs.

Nous pensons que cette loi, « couronnement » des dispositifs mis en place depuis plusieurs années ne répond pas à l’objectif affiché : prévenir les délits et assurer à nos concitoyens plus de sécurité.

Au contraire, malgré les affichages et la culture du résultat au ministère de l’intérieur, la montée, par exemple, des violences aux personnes vient contredire l’optimisme du ministre qui nous propose de continuer dans cette voie de l’échec.

Le pas supplémentaire franchi par cette loi -en discréditant les travailleurs sociaux, les personnels de santé et en transformant les élus en shérifs - viendra encore dégrader les actions réelles de prévention, celles qui ne sont pas l’objet de coups médiatiques mais se font dans la durée et la discrétion, celles menées par nos institutions , par le milieu associatif et par les élus qui pour une grande partie d’entre eux jouent encore le rôle de médiateur et de défenseurs de leur concitoyens.

Nous nous tenons à votre disposition pour répondre à toutes vos questions remarques et pour débattre avec vous du contenu de cette lettre.

Mais surtout nous comptons sur vous pour informer autour de vous et prendre position dans le débats publics. Le problème est complexe mais il nous concerne tous.

Le comité de veille de l’action sociale du Calvados

29 septembre 2006


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