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Délocalisations, rideau de fumée patronal et gouvernemental.

Délocalisation voilà le nouveau terme à la mode en cette rentrée, voilà qui crée un climat de peur chez les salariés.

Mais qu’en est-il de ce phénomène dont des organismes officiels nous disent qu’il est marginal ? Pourquoi, alors, tout ce bruit.

 

On a trouvé !

On a trouvé la cause de la montée du chômage, nous disent d’une seule voix gouvernement et Medef, les délocalisations.

La concurrence effrénée à la baisse du coût du travail de la Chine, de l’Inde et, à l’intérieur de l’Union Européenne de la Pologne et autre PECO - Pays de l’Europe Continentale et Orientale - obligerait les entreprises françaises à fermer en France pour ouvrir à l’étranger.

Et ainsi augmenter leur profit. A moins que la législation française du droit du travail ne change. A moins que la semaine de 35 heures ne soit plus appliquée, à moins que les salariés acceptent une dégradation de leur condition d’emploi et de salaire, acceptant de travailler gratuitement. Ce « dumping social » étant seul à même, suivant ce discours patronal et ce chantage - utilisons le mot qui convient - de sauvegarder l’emploi.

Le gouvernement, quant à lui, propose, dans le projet de budget qu’il distille au compte goutte - il a sans doute peur d’une réaction sociale de grande ampleur -, de diminuer et l’impôt sur les sociétés et les charges sociales soit le salaire indirect des salariés au moment où l’assurance maladie affiche un déficit important. Il veut tout faire pour augmenter plus encore le profit des entreprises, le dit profit ne sert pas à la hausse des investissements productifs, les entreprises préférant le distribuer à leurs actionnaires de plus en plus gourmands ou le garder en réserve.

Cette politique patronale et gouvernementale est folle.

Baisser les salaires - directs et indirectes - revient à diminuer le marché final et par la même de favoriser et la hausse du chômage et la récession conduisant à l’approfondissement des restructurations.

Folie aussi que de favoriser les actionnaires conduisant les entreprises à adopter les règles des marchés financiers - avec le dictat du court terme. Le poids des revendications des actionnaires, la soumission aux règles des marchés financiers réellement internationalisés conduisent les entreprises à se restructurer de plus en plus rapidement et à supprimer des emplois pour intensifier toujours davantage le travail et l’exploitation des salariés pour hausser le profit toujours plus pour des raisons qui n’apparaissent plus légitimes.

Le délocalisations deviennent dans ce contexte un chiffon rouge agité devant les salariés pour leur faire accepter ces politiques.

Peu de suppressions d’emploi sont liées à de véritables délocalisations, fermer en France pour ouvrir à l’étranger. Elles représentent au plus 25% des IDE - Investissements directs à l’étranger, les exportations de capital. Pour le reste, ces nouvelles localisations répondent à la nouvelle donne de la Division Internationale du Travail (DIT), à l’émergence de nouveaux marchés porteurs comme celui de la Chine ou d’autres pays que les investisseurs promettent à un bel avenir... Jusqu’à la prochaine crise.

Cacher des réalités

Dans l’état actuel des choses, les délocalisations ne sont qu’un thème idéologique pour cacher deux types de réalité.

Le premier porte sur la stratégie internationale des firmes dans un contexte dominé par les critères des marchés financiers. Les firmes envisagent leur développement sur le terrain mondial. Mis à part la Chine, elles investissent surtout dans les pays du Nord, les pays développés. Les pays du Sud n’acceptent pas facilement ces IDE. Ils remettent en cause leur indépendance et, lorsque ces capitaux sont spéculatifs, ils sont un facteur de crise comme le montrent l’exemple récent de l’Argentine. La crise financière s’est traduite par une crise économique, une récession qui a déstructuré toutes les institutions déterminant une crise politique et sociale.

Le second sur la responsabilité des politiques gouvernementales et patronales dans la montée du chômage et de la pauvreté. A vouloir baisser toujours plus le coût du travail, à contester tous les acquis sociaux, à commencer par le droit du travail - cette déréglementation explique le climat conduisant à l’assassinat de deux inspecteurs du travail parce que les patrons se croit tout puissant et au-dessus des lois - est programmée la récession, la baisse de la croissance. Les entreprises se restructurent pour diminuer plus encore le coût du travail et augmenter leur profit...

Combattre le chômage de masse

Au lieu de vouloir lutter contre les délocalisations - thème qui nous vient des Etats-Unis ; c’est l’un des points du programme de George « W » Bush - il faudrait déterminer les moyens de combattre le chômage de masse.

Au niveau de la France comme de l’Europe, ils supposent de reconstruire un modèle social. La question posée est celle des formes du processus de mondialisation qui s’effectue, par le biais des décisions politiques de l’OMC et des accords bilatéraux, sous la forme du « dumping social ». Le modèle à suivre serait celui des pays à faible niveau de salaire et à faible protections sociale. Au contraire, l’UE - au lieu d’un projet de traité dit constitutionnel faisant la part belle a libéralisme - devrait construire un modèle social permettant de montrer qu’il existe d’autres voies et favoriser les luttes altermondialistes. Cette Europe là serait la notre et éviterait de diviser les populations sous prétexte de délocalisations.

Michel Camdessus - l’ex directeur du FMI - se fait encore remarquer en affirmant - mais où est la démonstration ? - que « l’essentiel des différences avec les performances de nos partenaires s’explique par la moindre quantité de travail que nous fournissons » rejoignant les assertions de Nicolas Sarkozy et de Jean-Pierre Raffarin comme celles du Medef. Travailler plus serait une protection contre les délocalisations ? On croit rêver. Qui peut croire un tel discours ? La question n’est pas là. Elle se trouve dans la volonté, réaffirmée, de la mise en œuvre d’une politique que l’on est obligée de qualifier d’ultra libérale. Elle se dissimule derrière ce rideau de fumée. Dans le même temps, il permet de cacher que le gouvernement ne fait rien contre les patrons voyous, de ceux qui ferment une fois qu’ils ont empoché toutes les primes, toutes les subventions.

Une des conséquences prévisibles de ce processus de mondialisation, de ces politiques d’ouverture à la concurrence, de remise en cause des services publics - allant de pair avec la déstructuration de l’Etat social -, de baisse des dépenses publiques, de diminution du coût du travail est la récession au niveau de tous les pays du monde. Qu’on ne s’y trompe pas la surchauffe de la Chine ne durera pas si le nombre d’entreprises - et la production - augmente au-delà des capacités d’absorption du marché.

Définir des normes sociales pour tous les pays du monde est la seule manière de s’en sortir à la fois sur le terrain éthique et sur le terrain économique.

Voir Le Monde 12.15 mercredi 22 septembre 2004

FRANCE - 8:45 La consommation des ménages s’essouffle cet été. Recul sensible en juillet, de 2,9 %, suivi d’un léger rebond en août, de 0,5 %. L’Insee revoit par ailleurs en baisse le dynamisme de la consommation enregistrée en juin, à 3,1 % contre 4,2 % précédemment. Sur les 4 derniers mois cumulés, la consommation ne progresse que de 0,3 %. La clé d’un dynamisme durable de la consommation se trouve dans la reprise du marché de l’emploi, pour Marc Touati. Or, selon l’économiste de la banque Natexis, les Français consomment surtout si les prix sont bas, c’est-à-dire des produits provenant majoritairement de l’étranger. Ils contribuent ainsi à la morosité de l’emploi en France, qui érode "in fine" la vigueur de la consommation.

20 septembre 2004


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