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Face aux politiques d’austérité, la croissance, même verte, n’est pas une solution.

 

Ces 5 et 6 mai, Bruxelles a accueilli la conférence « UE en crise - Analyse, résistance et alternatives à l’Europe des entreprises » organisé par le Corporate Europe Observatory (CEO) et le Transnational Institute (TNI), réunissant plus de 300 personnes provenant de mouvements sociaux, syndicats et associations venus de toute l’Europe. Ayant pu participer à cette rencontre, voici quelques réflexions sur les pistes de sortie de crise et notamment sur les débats qu’il reste à mener.

Le constat est clair et largement convergent.

Les politiques d’austérité poursuivies actuellement en Europe nous mènent droit dans le mur. Incapables de réduire les niveaux de dette publique, l’austérité se conjugue avec un chômage massif, l’augmentation des inégalités et de la pauvreté, mais aussi l’abandon des droits et acquis sociaux, la casse et la privatisation des services publics. Sans que par ailleurs ne soient remis en cause l’impunité dont profitent ceux qui sont à l’origine de la crise, banques, marchés et acteurs financiers en tête.

Comme une évidence largement partagée, il a été répété combien il fallait impérativement combattre pied à pied les politique menées par la Troika1 qui promeut une offensive néolibérale au service des intérêts d’une minorité. Sous « couvert de réponse à la crise de la dette », les politiques économiques sont transformées en des dispositifs technocratiques profondément anti-démocratiques, favorisant la captation par les secteurs privé et financier des espaces de décision nationaux ou européens. Sans irruption populaire massive rompant l’apparent consensus « austérit-aire », point de politiques alternatives à attendre.

Les dates de mobilisation ne manquent pas. A commencer par celles des 12 et 15 mai convoquées par les mouvements 15M et indignés.

Auxquelles se succèderont les actions et manifestations prévues du 16 au 19 mai à Francfort contre la Banque Centrale Européenne (voir vidéo et site).

Il est également prévu d’appuyer la campagne pour le non au Traité européen (Pacte budgétaire) soumis au référendum en Irlande (vote le 31 mai), et d’ouvrir dans chaque pays des fronts larges pour que ce nouveau traité ne soit pas adopté. Enfin, des dates de nouvelle rencontre à l’automne sont déjà dans les agendas.

Si le constat est clair, il est pour partie incomplet.

Car les politiques d’austérité sapent également toute possibilité de transition écologique vers des sociétés soutenables. De deux façons.

En préconisant la privatisation, voire la financiarisation, des communs de l’humanité. Et en rendant impossible le financement des investissements nécessaires, dont les modalités et contenus restent à définir. S’il y avait un reproche à faire à la conférence, ce serait bien celui d’avoir insuffisamment su articuler les multiples dimensions de la crise. Tout du moins pas dans les panels d’intervenants initiaux. Car les réflexes de la salle furent vifs et de nombreuses remarques ont touché juste.

A ceux préconisant un Green New Deal ou l’ouverture d’une nouvelle phase de croissance, il fut rétorqué « Une croissance pour qui, pour quoi et comment ? », rappelant au passage que le compromis des Trente Glorieuses s’appuyait sur l’exploitation sans limite des populations et des ressources naturelles, notamment au Sud.

D’autres ont laissé entendre qu’il fallait séparer les objectifs de court terme - rupture avec les politiques d’austérité - des objectifs de long terme - définition de sociétés soutenables. Il leur a été répondu qu’une rupture nette et sans bavure avec les politiques d’austérité dépendait de l’envergure et de la qualité de l’objectif poursuivi et qu’il n’était pas (plus) possible de distinguer ainsi les différents objectifs compte-tenu de l’ampleur de la crise écologique et de ses impacts sur les populations.

Malheureusement, il n’a pas été possible de travailler plus en profondeur ces débats qui sont au cœur des défis que vont rencontrer les mouvements sociaux et écologiques européens dans les mois à venir.

Rompre avec les politiques d’austérité pour quoi faire ?

Mener une politique de relance économique plus ou moins keynesiano-marxiste sans s’interroger sur les modèles et les contenus de production et de consommation ? Ou entamer de véritables politiques de transition écologique et énergétique non productivistes tenant compte des exigences de justice climatique et du caractère fini de la planète ?

La crise multidimensionnelle à laquelle nous sommes confrontés n’est pas seulement une crise liée à la dérégulation du système financier.

C’est une crise civilisationnelle qui questionne en profondeur ce que certains appellent encore notre « modèle de développement ».

Y répondre exige de construire un imaginaire de la sobriété s’opposant à celui du « toujours plus », et de questionner le contenu du progrès, aussi bien sur ses versants économique et social que techno-scientifique.

Vaste chantier, c’est sûr. Mais déjà en cours. Notamment autour des réflexions et mobilisations (Journée d’Action Globale le 20 juin) contre « l’économie verte » qui sera promue lors du sommet de Rio+20 qui se tiendra en juin prochain au Brésil.

A la recherche de relais de croissance, les promoteurs de « l’économie verte » veulent s’appuyer sur la nature, les ressources dont elle dispose et les services écosystémiques qu’elle rend, pour relancer l’économie mondiale.

Pensée comme un capital naturel qu’il faut doter de nouveaux droits de propriété et de marchés financiers, la nature pourrait ainsi être incluse dans le cycle du capital, devenir profitable et la base d’un nouveau cycle de croissance. Saurons-nous nous opposer, avec force, et tous ensemble, aux marchandisation et financiarisation sans fin de la nature ?

Non à leurs politiques d’austérité. Non à leur économie verte !

Oui à la défense et promotion des communs de l’humanité !

Maxime Combes, membre d’Attac France et de l’Aitec, engagé dans le projet Écho des Alternatives.

9 mai 2012


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