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Adieu Claire

Claire est morte ce matin vendredi 3 décembre 2010. C’est, au delà de la FASE, le sentiment d’une grande perte.

 

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Il est des gens qui vous marquent quand vous les rencontrez et qui pour autant ne font rien pour se distinguer, se montrer, s’imposer.

Claire était de celles là, sachant dire ce qu’elle pensait utile de dire sans souci du paraître ou de la carrière. A la recherche de la mise en cohérence de ses conceptions et de sa manière d’être, elle est, je crois exemplaire. Exemplaire ne signifie pas la transformer en idole, en symbole, elle n’aimerait sans doute pas être traitée ainsi, mais reconnaître ce qu’il y a d’utile, de beau dans sa vie.

Ceci nous crée, à nous qui l’avons connu, qui avons partagé accords et désaccords avec elle, une obligation de témoigner de ce qu’elle fut. Parce que cette existence, ce parcours méritent d’être connu.

J’ai rencontré Claire dans les réunions de l’opposition CFDT pour la préparation du congrès de Bordeaux en 1985. Mais le premier souvenir bien précis que je garde d’elle est celui d’une réunion à Paris où j’étais intervenu pour parler de l’action de la CFDT Basse Normandie auprès des précaires. Travaillant à l’ANPE, elle voulait confronter ses interrogations professionnelles et syndicales avec les nôtres : de cette période date entre nous une certaine complicité sur un sujet qui allait faire sa vie , la prise en charge des chômeurs et des précaires. Elle a joué un rôle central dans l’appel et la constitution d’AC !, et pendant longtemps malgré sa solitude et les difficultés dans l’existence même de ce mouvement si particulier d’engagement de syndicalistes auprès des chômeurs , puis de mouvement de chômeurs. Elle s’y est donné comme le savait le faire avec passion, de toutes ses forces mais aussi avec ce sérieux que donne le souci de faire bien surtout pour ceux là que la société laisse, cassés, au bord de la route.

Dire que le sort des chômeurs lui tenait à cœur est un euphémisme son investissement personnel allait bien au delà. Au dernier congrès de la CFDT, tous ensemble avait décidé de présenter un amendement sur une union des chômeurs et précaires qui leur donnerait à une place dans le syndicat. Si l’amendement fut présenté par la basse Normandie, Claire en fut largement l’inspiratrice, et la rédactrice de la défense de cet amendement. Ce fut pour nous douloureusement symbolique que ce fut amendement qui a recueilli le moins de suffrages : Claire conçut, je crois, une certaine amertume de voir que pour certains de nos camarades, pourtant proches, la place particulière des chômeurs et précaires dans le syndicalisme n’allait pas de soi.

C’est connu mais il faut le redire : elle mit, dans ce combat pour la défense des chômeurs et des précaires, la fougue que lui donnait sa colère envers ces pseudo-syndicalistes qui sacrifiaient ces millions de personnes humaines à la bonne gestion du partenariat social.

On ne peut saisir le parcours de Claire, me semble t-il sans parler de son engagement dans l’opposition interne à la CFDT, dans la résistance au social libéralisme qui dominait peu à peu ce syndicat. Comme beaucoup d’autres sa démarche antérieure l’avait conduit dans une CFDT agissant pour la transformation sociale, par la mobilisation et la défense radicale des salariés.

Pour Claire il n’était pas question d’accepter sans combattre que cette CFDT disparaisse au profit de ces professionnels de la médiation sociale libérale qui font carrière dans le syndicalisme. Ce ne fut pas un combat de tout repos, ce n’était pas, là encore, une solution de facilité. Et de quelle utilité fut la présence de Claire dans ce combat : sa capacité de tracer des pistes, son pessimisme déguisé d’humour et de volonté furent précieux à chacun d’entre nous. Mais cette aventure ne fut pas seulement faite de relations politiques, grâce à Claire et à la chaleur humaine qu’elle savait partager, ce fut aussi d’autres liens, d’amitiés, qui se sont noués.

Dans les années qui ont suivi les événement nous rendu moins proches, même si nous nous sommes si nous nous sommes encore beaucoup croisés jusqu’à’ à la dernière fois cet été à l’Université de la FASE.

A la veille d’inaugurer une nouvelle expérience pour les régionales en Ile de France, Claire avait demandé à me rencontrer pour parler de l’engagement de syndicalistes en politique : elle voulait bénéficier de mon expérience d’ancien syndicaliste devenu élu et demandait des conseils . Cette démarche m’a surpris à l’époque, je ne voit toujours pas bien ce que je pouvais lui apporter. Mais elle est si révélatrice de sa démarche, de sa manière d’être politique. Une certaine fragilité que ne laissait pas voir son comportement habituel , une certaine humilité aussi, qui lui faisaient craindre de ne pas être à la hauteur dans un rôle qu’elle ne connaissait pas et qu’elle ne pouvait concevoir comme un métier , une carrière. La crainte aussi de « perdre son âme » dans le fonctionnement institutionnel Chacun est aujourd’hui en situation de voir que ces craintes n’était pas justifiées mais c’était l’expression d’une honnêteté, d’une rigueur morale qu’il faut porter à son crédit.

Ces quelques lignes pour faire comprendre pourquoi elle nous est chère, et pour quoi sa disparition me peine.

A l’heure où elle nous quitte les images remontent à ma mémoire, sa présence ne m’a jamais semblé aussi forte.

Claire, il faut essayer de continuer de lutter sans toi, ce sera, un peu, continuer pour toi.

Mais, franchement, ce n’est pas si facile.

A ton fils Pierrot, tes sœurs, tes proches et fidèles amis : nos pensées fraternelles.


Revoir Claire (merci à Guy Dutron pour ce lien)

Meeting de la gauche antilibérale au Mans, 6 nov 2006. Discours de Claire VILLIERS, (pour une convergence citoyenne)

http://www.dailymotion.com/video/xl...

3 décembre 2010


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