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Mumia et Léonard

 

En parallèle des trois journées de mobilisation (du 8 au 10 décembre) en faveur de Mumia Abu-Jamal et Leonard Peltier aux États-Unis, la Coordination Hexagonale des Comités Mumia a lancé une semaine d’action du 22 Novembre au 2 Décembre.

Dans ce cadre, une tournée de conférence/débat constituée de personnalités et de militants des mouvements pour la libération des prisonniers politiques américains Mumia Abu-Jamal et Leonard Peltier, circulera en France toute cette semaine. La première étape avait lieu au Café des Images à Hérouville Saint-Clair le 23 Novembre 2000, dans le cadre de l’action menée par ce cinéma pour l’abolition de la peine de mort.


Au fil des année de luttes internationales pour que justice soit rendue à Mumia et Leonard Peltier, ces deux militants sont progressivement apparus comme les symboles des combats -toujours plus d’actualité- à mener aux Etats unis et dans le monde contre la peine de mort, l’(in)justice raciste, l’oppression de la société carcérale et pour le droit des peuples.

Mumia Abu-Jamal, journaliste noir militant, est condamné à mort pour un crime qu’il a toujours nié et attend son exécution depuis plus de 18 ans dans un des tristement célèbre ``couloir de la mort’’ américain. Le militant de l’AIM (American Indian Movement) Leonard Peltier croupit dans une cellule de haute sécurité depuis 1975, condamné pour un crime pour lequel a été apporté la preuve de son innocence.


C’est au nom de la Liberté, de la Justice et d’un engagement militant profond que quatre acteurs et témoins du combat pour la libération des prisonniers politiques américains se sont exprimés devant une salle comble et incroyablement attentive.

En dépit de la barrière de la langue et des traductions simultanées (un excellent travail des traductrices bénévoles), l’intensité et la force de conviction de ces militants engagés au quotidien a profondément touché le public.

Après la projection d’un reportage vidéo sur le procès de Mumia -et ses irrégularités-, et ses conditions de détention dans un couloir de la mort, les différents intervenants ont eu loisir de délivrer leur message de résistance venu de l’autre coté de l’atlantique.

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Sylvain Duez-Alesandrini est coordinateur du LPDC (Leonard Peltier Defense Committee), et ses premiers mots seront pour relier la situation de Mumia et de Leonard Peltier dans un même mécanisme d’oppression généralisé sur le sol américain, qui commence avec le génocide indien, continue avec la traite des noirs et se poursuit encore aujourd’hui. ``500 ans de génocide’’, formule lapidaire pour résumer deux des plus grands crimes de l’humanité.

Il abordera ensuite le cas de Leonard Peltier, militant de l’AIM qui se trouve sur les lieux de la fusillade entre le FBI et des membres de l’AIM sur le territoire des Oglala le 26 juin 1975. Cette fusillade est la conclusion logique d’une escalade de violence attisé par le gouvernement étatsunien afin de détruire le mouvement de conscientisation politique des peuples indiens. Il est aujourd’hui établi par des documents récemment déclassifiés en provenance du FBI lui-même que Leonard Peltier n’est pas coupable du meurtre d’un des deux agents du FBI tué dans cette fusillade, meurtre pour lequel il a été condamné à la prison vie. Pourtant, en dépit de promesses antérieures, Bill Clinton n’a toujours pas signé la grâce présidentielle, qui seule peut le libérer : il est urgent de faire pression afin que cette signature soit obtenue avant son départ de la Maison Blanche le 20 janvier.

Sylvain passera ensuite la parole à Bobby Castillo, porte-parole international du LPDC.


Bobby Castillo est d’origine indienne (Apache Chiricahua) et vit en Californie. Bobby a rencontré Leonard Peltier en prison ou il a passé 14 ans pour vol.

``Quand ont est noir, indien ou portoricain aux États-unis, particulièrement si l’ont est un homme, on sait où est son futur : en prison. Quand j’étais enfant, j’ai toujours sus que j’irais en prison, ça devient une partie de notre culture.’’.

En dépit des quelques rares personnalités des minorités qui arrivent à déchaper à ce cercle infernal, rien n’a vraiment progressé aux Etats unis dans ce domaine. L’univers carcéral américain concentre plus de 2 millions de prisonniers (auxquels il faut ajouter les 6 millions de personnes sous contrôle pénitencier), soit plus d’un quart de l’ensemble des prisonniers de la planète. Cette logique carcérale est dirigée contre les minorités ethnique, contre les pauvres : en Pennsylvanie, ou a été condamné Mumia, 70% des condamnés à morts sont noirs, alors que ces derniers ne représentent seulement que 9% de la population de cet état.

Les personne qui osent se dresser pour dénoncer cette oppression et demander justice, ou réparation pour les terres indiennes volées et pillées seront broyés dans la machine judiciaire ``Un noir ou un indien qui demande liberté ou justice, le paiera. S’il n’y a pas de crime ou de preuves ils les fabriqueront’’.

Bobby Castillo parlera aussi, avec sa voix déterminée et claire, de la manière dont on peut tuer des détenus gênant dans une prisons, en les faisant assassiner par d’autres détenus. Leonard Peltier aurait déjà plusieurs fois pu être la cible de telles machinations.

Les États-Unis ont violé la quasi-totalité des traités conclus avec les indiens, ils dorment sur un oreiller de richesses qui sont le produit d’un génocide et de violations répétées de traités signés et d’une négation sur leur propre territoire des droits humain les plus élémentaires. C’est pourquoi, de peur de se réveiller devant ce cauchemar américain et devoir l’assumer, le gouvernement et les corporations des Etats-Unis continuent à oppresser toute velléité de justice : la condamnation de Leonard Peltier, une figure emblématique des mouvements indiens en est une démonstration évidente. Les programmes de destruction (y compris par assassinat) des mouvements identitaire indiens (AIM) ou noir (Black Panther) comme le COINTELPRO du FBI sont la poursuite de ces mécanismes d’oppression.

Dernier cadeau aux minorités, les rares territoires (réserves) concédés aux indiens servent de poubelles pour tous les États-Unis (essais nucléaire, stockage de déchets toxiques) avec les conséquences sanitaires que l’on voit se développer. Pour les indiens aujourd’hui, il n’est pas sur qu’il existe encore un avenir.

``Toutes les femmes de ma familles sont morte du cancer’’. Les ouvriers agricoles de la verte Californie sont presque tous des indiens (beaucoup venant du Mexique tout proche), sous payés et intoxiqués aux pesticides cancérigènes qu’ils doivent manipuler sur les cultures au mépris de leur santé.


Julia Wright est une militante de longue date. Des mouvements de libérations africains (au moment des luttes d’indépendance, elle vécu au Ghana de N’Kruma) au Black Panthers, elle a été de tous les combats depuis le début des années 60. Cela fait plus de 5 ans, qu’elle anime le combat pour la libération des prisonniers politiques américain, en particulier de Mumia Abu-Jamal, en tant que coordinatrice du COSIMAPP (Comité de solidarité internationale pour Mumia Abu-Jamal et les Prisonniers Politiques aux États-Unis).

Elle a tenu à faire part de son inquiétude vis à vis d’une possible non issue à la lutte pour la libéralisation de Mumia : la tranformation de sa peine de mort en condamnation à perpétuité. Ce serait un double échec. Tout d’abord celui des mouvements pour la libération de Mumia qui n’atteindrait pas leur but. Ensuite, en dissociant la lutte pour la libération de Mumia de la lutte contre la peine de mort, les deux combats seront diminués. ``quoi qu’on en dise Mumia n’est pas l’arbre qui cache la foret de la peine de mort,mais au contraire l’arbre qui illumine cette foret’’. Si cette lumière venait à disparaître, il est à craindre que l’on cesse de voir la foret, et que beaucoup abandonnent la lutte pour les 300 autres condamnés à morts qui attendent leur exécution.

De plus, Mumia pourrait aussi être tué ``par accident’’ selon des méthodes apparemment déjà utilisées contre d’autres détenus par les autorités pénitencières.

Il faut agir d’urgence pour demander un nouveau procès.

Une journée de de mobilisation internationale est prévue le le 2 décembre,mais cela seul ne suffira pas.

Il faut inciter les personnalités politiques à agir pour Mumia, en ce sens, les visites de figures politiques tels que Danielle Mitterrand ou Aline Pailler députée européenne, les résolutions votées par les parlements européens, ou les Assemblées nationales française ou belge sont des éléments de mobilisations essentiels, auquel chaque citoyen doit encourager ses élus. Il faut noter la part particulière que jouent les militants français dans toutes ces actions : bien souvent ce sont les plus actifs.

Julia Wright a aussi repris les terme de Mumia qui ajoute que tout ceci n’est pas encore suffisant. ``Il faut lutter contre la culture de mort’’ dit-il, lutter contre une banalisation de la violence quotidienne et oppressive, qui seule peut conduire les habitant d’un pays à tolérer une pratique aussi barbare et rétrograde que la peine de mort. Aujourd’hui, les mouvement abolitionnistes américains commencent à se faire entendre, le chemin est encore long, mais les mentalités peuvent évoluer.

En commentant les élections américains, dont l’incidence sur le devenir des condamnés est important, Mumia dit ``Si Bush est élus ça sera le Texas a l’échelle des Etats-unis’’. D’où l’urgence, conclura Julia Wright de ``sauver une société qui est carcérale dans sa totalité’’, la sauver de sa propre violence autodestructrice.


En passant la parole à Kiilu Nyasha, Julia insistera sur le caractère exceptionnel de cette militante noire américaine de 60 ans, d’une vitalité extraordinaire. De sa chaise roulante, Kiilu commencera par critiquer -avec raison- le sous-équipement français en matière d’accessibilité des bâtiments et autres dispositifs adaptés aux handicapés moteurs, appelant à la constitution d’un mouvement national pour les exiger.

Kiilu a été membre du Parti des Black Panthers de 69 à 71 et rejoint ensuite les mouvements de libération des prisonniers politiques en particulier d’Angela Davis. Elle milite pour l’abolition de la peine de mort et contre le complexe carcero-industriel. C’est d’une voix claire et convaincue qu’elle parlera de l’engagement de Mumia et de son propre engagement pour une société meilleure. ``je suis une radicale : je crois que des conditions extrêmes d’oppression de meurtres et de brutalité demande une réaction radicale’’ dit-elle. Puis ``Comme Mumia vous le dirait, chacun a le droit de vivre. En l’an 2000 au vue de nos moyens techniques, il n’y a plus aucune excuses pour que des gens au monde aient encore faim. il est évident que nous avons les moyens de donner à chacun les soins médicaux, une éducation, un logement, un emploi et tout ce qui fera une société harmonieuse, en paix, productive et créative’’.

Elle insiste sur les ressources de l’Internet ``l’Internet est révolutionnaire parce qu’ils n’ont pas encore trouvé moyen de l’arrêter. J’ai pu reprendre contact avec des ex-Black Panther que je n’aurais pu recontacter autrement, nous nous réunifions, lentement mais sûrement’’. La région de la baie de San-Frascisco, dans laquelle elle vit, est très dynamique et progressiste. Elle pense que là-bas les jeunes construisent en ce moment une culture révolutionnaire, faite d’art, de danse, de hip-hop, de musique et de savoir vivre ensemble. ``Nous ne pouvons abattre ce monstre avec des armes, mais on peut changer la culture, nous pouvons apprendra vivre ensemble’’.

Kiilu parlera du climat terriblement raciste qui sévit dans la région où Mumia a grandit. ``La zone dont il provient est très répressive, la police y est notoirement fascistes et brutale’’. Lors d’une manifestation antiraciste en soutiens à Georges Wallace en 1967, Mumia sera agressé par un groupe de raciste blanc. Appelant la police à son secours, il aura la surprise douloureuse de se faire arrêter lui-même ! Comment, dans ces conditions ne pas se rapprocher des mouvements de lutte tels que les Black Panthers ?

Mumia a alors créé la délégation de Philadelphie des Black Panthers à l’age de17 ans. Son talent reconnu et il est devenu responsable de l’information au Black Panthers Party. Il poursuivi ses études en journalisme afin de pouvoir contribuer à la presse des Black Panthers qui avaient alors une très large audience, reflétant d’ensembles des luttes politiques progressistes aussi bien nationales qu’internationales.

``Mumia est un grand révolutionnaire. Il a servi le corps et les âmes des gens au travers de son action au sein des Black Panthers, de son activité de journaliste radiophonique, de son témoignage et de sa conduite conduite exemplaire’’, dira Kiilu, ``c’est un vrai révolutionnaire, car comme le Che l’a dit ``un vrais révolutionnaire est motivé par un grand sentiment d’amour’’ Mumia a a constamment démonté son amour pour les gens’’. Lorsque Kiilu s’exprime, il est possible alors de comprendre qu’elle aussi est une vraie révolutionnaire : on sent que conviction et force viennent de l’amour des gens qui l’habite.


S’il a pu se créer une mobilisation internationale aussi forte autour de Leonard Peltier comme de Mumia Abu-Jamal, c’est parce que ces deux personnes méritent le plus grand respect pour leur engagement politique et humain au delà même de leur propres conditions carcérales déshumanisantes : ils se sont toujours et avant tout préoccupé du bien-être et de la justice pour l’ensemble de leurs frères, avant leur cas personnel. Mumia aurait été présent à ce débat, qu’il aurait parlé de tous les autres prisonniers aux Etats unis, pas de lui même. Ils sont les emblèmes d’un vaste combat progressiste et humaniste, contre la barbarie de la peine de mort, contre une société et une justice raciste, contre une logique de résolution des problèmes sociaux et politiques par le musellement carcéral. Ils travaillent pour la justice et la liberté des peuples.

Au delà d’une démarche visant à libérer un homme ou sauver la vie d’un autre, ce sont les fondement même d’une société qui sont questionnés et ébranlés par l’engagement des militants à leurs cotés.


Dates

La tournée militante de Kiilu, Julia, Bobby et Sylvain poursuivra sa route sur les villes suivantes :

Amiens, Vendredi 24 Novembre. Place Dewailly, salle Dewailly, Amphi B à 20h30.

Genève, Samedi 25 Novembre, Manifestation à 17h (gare de Cornavin puis place des Nations Unis pour aboutir à l’ambassade américaine). Conférence à 20h au forum 1 de Sainte Clothilde, 9, rue Sainte Clothilde à Genève

Lyon, 27 Novembre. Horlieu, 30 rue Leynaud, 69001 Lyon. à 20h

Montpellier, Mardi 28 Novembre. Rencontre et débat à la Fac de Lettre Salle Jourda de16h à 18h. Meeting à 21h Salle Louis Feuillade à la Paillade Ex. Diagonale, avenue de Barcelone.

Paris, Jeudi 30 Novembre, CICP, 21 ter rue Voltaire, 11ème à 19h30.

A CAEN :

  • Rassemblement le 2 Décembre devant la fontaine à 15h
  • Le 8 Décembre, Au cinéma LUX, à 20h30 Projection du Film Mister Death suivit d’un débat sur la peine de mort aux USA. Le débat sera animé par
    • Marie-Laure Dufresne-Castet, Présidente de la Ligue des Droits de l’Homme du Calvados
    • Didier Liger, animateur du Comité de soutien pour éviter l’éxécution de Odell Barnes

16 décembre 2000


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