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Un match gagné ! Hamé : 4 / Sarkozy : 0

Pour rendre compréhensible l’article ci dessous, il nous semble utile de publier l’arrêt de la cour de cassation au terme d’une procédure judiciaire où le parquet a fait montre d’un acharnement particulier (30.000 euros de frais de justice, 8 ans de précédure pour le groupe "La rumeur") : le parquet devrait garder un peu de son énergie pour la délinquance en col blanc, par exemple et au hasard vis à vis de riches contribuables qui fraudent...

 

Arrêt n° 585 du 25 juin 2010 (08-86.891) - Cour de cassation - Assemblée plénière

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 23 septembre 2008), rendu sur renvoi après cassation (chambre criminelle, 11 juillet 2007, pourvoi n° 06-86.024), et les pièces de la procédure, que, sur plainte du ministre de l’intérieur, le ministère public a fait citer devant le tribunal correctionnel, du chef de diffamation publique envers une administration publique, M. M... X..., dit "Z...", membre du groupe de rap "A..." et auteur de propos publiés, sous l’intitulé "Insécurité sous la plume d’un barbare", dans le livret promotionnel destiné à accompagner la sortie du premier album du groupe, ainsi que M. E... Y..., dirigeant de la société éditrice du livret, en raison de passages mettant en cause la police nationale en ces termes ;

"Les rapports du ministre de l’intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété" ;

"La justice pour les jeunes assassinés par la police disparaît sous le colosse slogan médiatique ’’Touche pas à mon pote’’ ;

"La réalité est que vivre aujourd’hui dans nos quartiers, c’est avoir plus de chance de vivre des situations d’abandon économique, de fragilisation psychologique, de discrimination à l’embauche, de précarité du logement, d’humiliations policières régulières" ;

que le tribunal correctionnel ayant relaxé les prévenus, appel a été interjeté par le ministère public ;

Attendu que le ministère public fait grief à l’arrêt de renvoyer les prévenus des fins de la poursuite, alors, selon le moyen, "que constitue une diffamation envers une administration publique, ne pouvant être justifiée par le caractère outrancier du propos, l’imputation faite aux forces de police de la commission, en toute impunité, de centaines de meurtres de jeunes des banlieues" ; qu’en statuant ainsi qu’elle l’a fait, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 qu’elle a violé ;

Mais attendu qu’ayant exactement retenu que les écrits incriminés n’imputaient aucun fait précis, de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire, la cour d’appel en a déduit à bon droit que ces écrits, s’ils revêtaient un caractère injurieux, ne constituaient pas le délit de diffamation envers une administration publique ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Hamé : 4 / Sarkozy : 0

Nicolas Sarkozy a fini par perdre, définitivement, la guerre judiciaire qu’il avait déclarée en 2002 au rappeur Mohamed Bourokba, dit Hamé, du groupe "La Rumeur".

Parce qu’il avait osé évoquer les crimes policiers restés impunis, dans un texte remarquable et toujours d’actualité, "Insécurité sous la plume d’un barbare". Hamé s’est vu contraint depuis huit ans à un pénible marathon judiciaire.

Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, avait choisi de le poursuivre pour diffamation à l’encontre du corps constitué de la police nationale : le tribunal correctionnel de Paris avait prononcé sa relaxe Un à zéro.

Le parquet - dont la fonction est d’être aux ordres - avait fait appel de la décision, mais la Cour d’appel de Paris avait confirmé la relaxe. Deux à zéro.

Fait rarissime en matière de délits de presse, le parquet s’était pourvu en cassation, et la chambre criminelle de la cour de cassation, sans se prononcer sur les faits reprochés à Hamé, avait contesté un aspect des motivations qui fondaient l’arrêt de Paris, renvoyant l’(affaire devant la Cour de Versailles pour y être à nouveau jugée. Il n’est pas si fréquent qu’une cour d’appel, saisie après la cassation d’un arrêt, statue dans le même sens que l’arrêt cassé ; mais c’est ce qu’avait fait la Cour de Versailles, en confirmant une fois de plus la relaxe. Trois à zéro.

Le parquet avait une fois de plus formé un pourvoi en cassation, et c’était cette fois du jamais vu : pour un texte qui n’avait été que peu diffusé, la cour de cassation devait se pencher une deuxième fois sur la même affaire. Vendredi dernier, la chambre criminelle vient de rendre son arrêt, rejetant le pourvoi du ministère public. Quatre à zéro.

Cette fois ci, la relaxe de Hamé est définitive, et il n’existe plus de recours judiciaire à ce malheureux Nicolas Sarkozy - à moins qu’il n’entende saisir contre l’Etat français la Cour Européenne des Droits Humains... (sait-on jamais !!)

Huit années de procédures épuisantes pour le talentueux rappeur. Epuisantes et coûteuses.

Mais en se battant pour son droit à l’expression, c’est pour nous tous qu’il s’est battu. Félicitations, Hamé, et merci pour tout !

29 juin 2010


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