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Immolation lente

Sahara occidental

Il n’y a pas qu’en Palestine que l’ONU, et en particuier la France, fait preuve de son impuissance ou plutôt de sa complicité avec les puissances occupantes !

 

Immolation lente

par Jean-François Debargue

Une fois de plus un accord des Nations Unies vient de sceller pour une année supplémentaire le sort des Sahraouis en reconduisant pour la vingtième fois le mandat de la Minurso.

Les responsables et les médias s’étonneront encore de n’avoir rien vu venir. On peut craindre cependant que ne finissent par arriver des actes désespérés, bien que jusqu’ici maitrisés par un peuple qui préfère mourir à petit feu dans les négociations plutôt que de recourir au terrorisme.

Face à ce peuple oublié, la barbarie peut se réclamer de son pouvoir et de ses richesses, s’affubler des Droits de l’homme, elle n’en demeure pas moins la barbarie, lorsqu’elle met en exergue l’un de ses principes les plus cyniques : « Il n’est pas de problème politique qu’une absence de solution ne finisse par résoudre ! ».

Car la reconduction du mandat de la Minurso est bien « une absence de solution ». La démission politique, le laisser faire des majorités silencieuses et l’aide humanitaire prennent alors possession de ce désert.

Face aux décideurs arbitraires, un peuple.

Un peuple séparé en deux par un mur miné de plus de 2500kms de long. Un peuple dont la moitié vit en exil depuis 35 ans, réfugiée dans le Sahara algérien, zone à ce point inhospitalière que même les nomades les plus avertis ne s’y hasardaient pas. L’autre moitié est restée dans son pays, le Sahara Occidental, dernière colonie d’Afrique, classé « non autonome » depuis les années 60 par les Nations unies et à qui l’ONU promettait « un référendum d’autodétermination ».

Que l’on soit de part ou d’autre de ce mur de la honte séparant l’exil du colonialisme, la vie y est en danger ; et ne cessera de l’être. Pour combien de temps encore ?

Qui expliquera à ces enfants que leur situation n’est pas le choix d’une décision familiale mais la résultante d’une démission internationale ?

Face à des intérêts économiques et géopolitiques, que pèsent les générations nées dans les camps, frappées d’anémies chroniques, de retards de croissance, de diabètes, de problèmes de thyroïde ...

Quels arguments faudra t’il trouver pour mener à bien des missions souvent financées par des filiales humanitaires d’ Organisations ou d’Unions qui leur refusent par ailleurs la possibilité de choisir un retour prôné par des décisions internationales ou de garantir leurs droits élémentaires ?

Qui convaincra qu’un mieux vivre dans les camps peut remplacer une terre promise ? Qui peut accepter que des innocents payent les pénalités de ceux qui ne se donnent aucune obligation de résultat depuis vingt ans ?

Je pense à tous ces amis sahraouis, prisonniers chez eux ou à ciel ouvert dans les camps, à qui l’aide humanitaire est une honte offerte en compensation d’une réparation de justice qui ne viendra pas, d’une restauration de dignité qu’on a choisi d’ignorer, d’une application des Droits de l’Homme à chaque fois rejetée.

Chacun sait que les positions défendues par les deux parties sont inconciliables. Le problème est là et pourtant l’Onu dont le rôle est d’organiser un référendum ne mandate pas sa mission pour le faire expressément, préférant geler une situation de rente en des discussions informelles et inutiles.

L’heure n’est pas à de nouvelles propositions de moins en moins négociables mais à la mise en oeuvre du référendum prévu en 1992 sur lequel chaque partie s’accordait, proposant soit le rattachement au Maroc, soit l’autonomie sous responsabilité marocaine ou, troisième alternative, l’indépendance totale.

Le refus réitéré par le pouvoir d’abstention ou de véto d’un état membre du Conseil de sécurité, la France, d’habiliter la seule mission de l’Onu au monde qui n’ait pas ce droit, de l’observation de l’application des Droits de l’Homme, pose cette seule question : Faut il que les enjeux soient si importants pour brader jusqu’à l’honneur ? Avant même qu’on ne le lise en Une, j’ai entendu des voix sahraouies le dire : «  ONU, dégage ! » Il nous faut souhaiter aujourd’hui la violence d’un ultime engagement pacifique afin d’éviter l’engagement d’une violence destructrice.

Jean-François Debargue

9 mai 2011


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