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Contre la peine de mort aux États-Unis

 

Contre la peine de mort aux États-Unis

Un dépôt de gerbe symbolique au moment où Georges W. Bush prête serment

Samedi 20 février, au moment où Georges Bush prêtait serment, une cinquantaine de militants se sont retrouvés Place de la Résistance à Caenpour déposer une gerbe devant la stèle élevée aux victimes du racisme et de l’antisémitisme.

Ils étaient réunis à l’appel du Comité Mumia de Caen et de la Ligue des Droits de l’Homme du Calvados.

Deux prises de paroles éclairent le sens de cette action symbolique.


Intervention de Hervé Le Crosnier

Comité Mumia de Caen

Nous somme ici rassemblés à l’appel du Comité Mumia de Caen et de la Ligue des droits de l’homme du Calvados, au moment même où Georges W. Bush va prêter serment et devenir le 43ème Président des Etats-Unis.

Nous sommes venus déposer une gerbe à la mémoire des condamnés à mort qui ont été exécutés l’an passé au nom du cirque électoral. C’est au Texas, l’Etat dont Georges W. Bush fut le gouverneur que cette utilisation politique de la peine de mort a été la plus massive. Pas de semaine sans qu’un condamné ne fut exécuté.

Parmi eux, de nombreux innocents. En France, où un comité a été constitué, nous connaissons un peu le cas de Odell Barnes dont les journaux ont rendu compte. Un jeune noir, que chacun sait innocent car les avocats de ce comité ont fini par retrouver le vrai coupable, qui a lui-même reconnu les faits. Mais un noir trop pauvre pour engager un nouveau procès, surtout un procès qui montrerait au grand jour les failles de la justice étatsunienne.

Une évaluation veut qu’un condamné à mort sur cinq soit en réalité innocent. C’est énorme, et cela montre bien le caractère de la justice aux États-Unis : il vaut mieux éviter d’être noir et pauvre pour échapper à l’injection létale ou à la chaise électrique.

Le cas de Mumia Abu-Jamal est à ce titre exemplaire.

Les incohérences du procès de 1982 ont été soulignées par tous les juristes. Les témoins qui pouvaient aider Mumia ont été écartés avec des menaces policière, et les noirs exclus du jury qui l’a condamné à mort. Mumia passe depuis ce procès truqué, dont le juge a déjà été convaincu dans d’autres affaires de subornation de témoins, ses jours et ses nuits dans le couloir de la mort. 18 ans dans le couloir de la mort, c’est une forme de torture inadmissible, et contraire à tous les traités, que les &Eacut;tats-Unis ont pourtant signés, sur l’abolition de la torture.

Malgré cela, il est impossible d’obtenir pour Mumia un nouveau procès équitable. Ou plutôt à cause de cela, pour des raisons politiques : un nouveau procès équitable montrerait au grand jour le racisme de la justice, les pressions des association de policiers d’extrême-droite et le motif proprement politique de la condamnation du militant Mumia, la "Voix des sans voix".

Comme Mumia, ce sont tous les condamnés à mort qui ont au cours de l’année écoulée été les enjeux de sur-enchères politiciennes par les deux principaux candidats. Tous les deux prônaient "l’application effective de la peine de mort". Nous n’avons pas à les opposer sur cette question. Simplement à constater une différence de degrés. Mais quand ces degrés se mesurent en nombre d’injections létales, en nombre de cervelles grillées à l’électricité... alors nous ne pouvons nous taire, alors nous devons réagir.

C’est la raison de notre action aujourd’hui.

Avec Georges W. Bush la machine à excuter risque de s’emballer. La politique meurtrière qu’il a mené au Texas pourrait devenir celle de tout le pays. Et cela d’autant plus qu’il a nommé Attorney General (Ministre de la Justice) un fier représentant del’extrême droite étatsunienne : John Ashcroft. Un individu qui en plus d’activer la machine à injection létale demande d’interdire aux homosexuels d’enseigner, un farouche partisan des commandos d’assassins anti-IVG.

Oui, le changement de degrés se compte en assassinats légaux, couverts par une société carcérale et une justice arrogante et raciste. Et c’est cela que nous voulons dénoncer aujourd’hui, et que nous continuerons à dénoncer dans les temps à venir.

Car nos actions symboliques contre la peine de mort ont réellement un impact sur la société des Éats-Unis.

D’abord elles aident nos amis abolitionnistes d’outre-atlantique. Ce sont des militantes et des militants courageux, qui vont à contre-courant de la majorité de la population et nous devons les encourager et les soutenir.

Ensuite parce que nos actions peuvent influencer des responsables étatsuniens. Nous venons d’en avoir une preuve dans l’interview accordé au journal Le Monde du 17 janvier par Felix Rohatyn, ambassadeur des États-Unis en France, qui quitte aujourd’hui ses fonctions. Il retourne dans son pays en disant que ce qui l’a fait le plus réfléchir durant son séjour en France, c’est, je le cite : "l’énorme révulsion des français sur la question de la peine de mort". Il ajoute même , et prenons le comme un compliment devant nos actions régulières sur cette question, que la raison de son changement d’opinion est lié, je le cite encore, "à toutes les manifestations qu’il y a eu devant l’Ambassade, les consulats, etc... J’ai vu que les gens étaient vraiment très passionnés. Et finalement je me dis qu’ils ont probablement raison".

Un bel hommage à la force morale de notre combat abolitioniste et à la constance de nos actions militantes qui doit nous encourager à persévérer.

Alors oui, plus que jamais, nous continuerons à agir, à débattre, à informer et à manifester pour que la peine de mort soit abolie aux États-Unis. Et pour que le racisme, l’intolérance et l’injustice sociale soient extirpées de la machine judiciaire et des prisons étatsuniennes.

Même si notre pays connaît lui-aussi des dérives, notamment dans le sort qui est réservé aux immigrés clandestins, nous savons que ce combat mondial pour aider les abolitionistes aux États-Unis aura des répercutions partout. Qu’il fera progresser les droits de l’homme dans tous les pays, et qu’il apportera des promesses de paix, de justice et d’égalité réelle des droits.

Notre combat est une résistance de ceux qui suivent encore les idées des philosophes des Lumières face aux idéologues du néolibéralisme. Aujourd’hui, Georges W. Bush prend la présidence d’un pays où la libéralisation de l’électricité conduit la Californie à la panne, où la libéralisation de l’école conduit les élèves à passer sous un portique détecteur d’armes avant d’aller en cours, où la violence urbaine est une des plus élevée du monde. Il prend la présidence d’un pays qui compte plus de 2 millions de prisonniers, soit un quart de l’ensemble des 8 millions de prisonniers que compte le monde entier.

Et pourtant, malgré tous ces symptômes d’échec, Georges W. Bush s’entoure des idéologues, des apparatchiks et des leaders du néolibéralisme. Leur seule recette : encore plus de libéralisme malgré la désagrégation sociale, encore plus de peine de mort malgré la montée de la violence qu’elle entraîne, encore moins d’argent pour l’école publique malgré la ségrégation que cela produit. Voilà leur programme, que Georges W. Bush va affirmer haut et fort aujourd’hui, et qu’il a déjà mis en oeuvre dans le choix de ses ministres.

Alors, malheureusement, nous n’avons pas fini de venir déposer des gerbes aux morts des chambres d’exécution, aux innocents condamnés, aux victimes du racisme.

Mais nous viendrons et nous interviendrons encore parce que nous savons que l’espoir d’un monde plus juste et pacifié viendra de notre simple mobilisation, à la base, de notre Résistance. La place que nous avons choisie pour cette action porte bien son nom et renforce notre symbole : Place de la Résistance,... Place à la Résistance..


Intervention de Jacques Véron Bocquel

Ligue des Droits de l’Homme du Calvados

Aux États-Unis d’Amérique, Goerges W. Bush, le boucher, le "serial killer" vient d’être non pas élu, mais désigné Président.

Il a déjà présidé à plus de 140 exécutions en tant que Gouverneur du Texas, état raciste, xénophobe et maffieux. Il prête serment aujourd’hui sur la Bible, car ce pays n’est pas doté d’une constitution laïque. Trente deux États pratiquent les interdits professionnels à l’encontre d’enseignants qui défendent, face aux dogmes "bibliques", la théorie de l’évolution des espèces et de l’égalité entre les hommes.

Qu’est-ce que cet État qui emprisonne 2 millions de ses habitants, soit dix fois plus en pourcentage qu’en France ? Cet État aux 60 millions de pauvres, qu’ils aient ou non un travail ?

Cet État serait un modèle de démocratie, un modèle de réussite économique ? Pour qui ? Pour les seuls milliardaires et golfeurs texans ? En Californie se produit la plus grande panne d’électricité du monde... mais pas pour la chaise électrique. Un millions d’abonnés sont dans l’obscurité, dont les fleurons de la nouvelle économie libérale !

Georges W. Bush, l’ultra-réactionnaire, l’ultra-libéral, promet d’aller encore plus loin, de tout privatiser. En premier lieu l’éducation. Cet homme, et l’État qu’il dirige, sont dangereux, pour le monde entier et pour l’Homme.

Aujourd’hui les enjeux sont éclaircis. Avec cette journée nationale et internationale commence une phase nouvelle, décisive pour l’abolition de la peine de mort aux États-Unis.

Nous pensons à Mumia, journaliste, écrivain, avocat des pauvres, innocent de tout crime, esprit libre qui croupit dans le couloir de la mort. C’est Mandela, c’est Dreyfus aux USA !

Partout dans le monde l’opinion publique doit faire justice et libérer Mumia. Tout comme il faut refuser la peine de mort, surtout quand on sait qu’un exécuté sur cinq est innocent.

Plus que centenaire, la Ligue des Droits de l’Homme et du citoyen, née avec l’affaire Dreyfus, intervient et c’est nécessaire pour combattre toute atteinte aux libertés qui sont commises dans notre pays ou au nom de notre pays. En ce début de siècle et de millénaire que l’on dit de la mondialisation, notre Ligue s’honore d’être aussi de ce combat contre la peine de mort aux États-Unis d’Amérique. Un combat décisif pour l’avenir de l’humanité.

Ce combat pour la vie, tous ensemble nous allons le gagner aussi.

21 février 2001


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