Accueil > Agir Local

0°C dehors

et pas besoin de chauffage dans mon HLM

 

L’article de Ouest-France (13 février 2012) que nous mettons en ligne ici est intéressant à plusieurs titres.

D’abord le témoignage démontre que les économies d’énergie domestique sont parfaitement réalisables pour des coûts relativement peu élevés, en tout cas très vite amortissables par la baisse des coûts qu’elle induisent et que ce secteur est potentiellement porteur de créations d’emplois.

Mais il permet aussi de comprendre l’ampleur des obstacles à la mise en oeuvre dans ce secteur particulier (le chauffage domestique) d’une planification écologique. comment réorienter les investissements vers cet objectif si les principaux fournisseurs d’énergie (gaz et électricité) sont amenés à poursuivre des objectifs opposés ? On se souvient comment EDF avait convaincu certains offices HLM de construire sans chauffage intégré ( collectif ou individuel) pour pousser à l’installation de convecteurs.

Déprivatiser GDF-Suez, reconstruire un monopole public pour EDF intégrant la limitation de sa production d’électricité au fur et à mesure que les besoins se réduisent grâce aux investissements permettant d’économiser l’énergie, voilà l’objectif et un chemin qui nous permettrait de sortir du nucléaire.

Christian Prébois

0°C dehors et pas besoin de chauffage dans mon HLM

Ouest-France 13 février 2012

Depuis quinze jours, tous les Français luttent contre un froid russe en poussant leur chaudière à fond. Tous ? Non ! À Saint-Léry, bourgade du centre Bretagne, d’irréductibles habitants n’allument même pas le chauffage. D’ailleurs, ils n’en ont pas. Ils habitent un logement social dit «  passif », conçu pour s’en passer...

Un plan Grand froid, à ne pas laisser un SDF sortir de sa maison selon la secrétaire d’État à la Santé ? Quel froid ? À Saint-Léry, cette semaine, Alicia Jalu nous a reçus en chaussettes légères sur le parquet, juste couverte de son pull de pompier volontaire, par obligation. « Je suis d’astreinte, s’est excusée cette blondinette de 21 ans, qui paraît frêle comme un feu de brindilles. Je peux être appelée n’importe quand... Mais entrez ! »

Merci. On connaissait ces nouvelles maisons dites « passives », encore plus économes en énergie que la norme BBC (bâtiment basse consommation) et on voulait vérifier cette promesse d’architecture sans chauffage. Au plus fort de l’hiver. Au bourg - 180 âmes nichées dans d’adorables et typiques maisons de schiste rouge -, la population affichait aussi son scepticisme. « Nous, on a nos cheminées, du bois. Mais eux, là-bas, j’me demande bien comment ils vont », s’inquiétait une octogénaire, jeudi. Elle frissonnait pour « les p’tits nouveaux », qui ont pendu leur crémaillère en avril, sur la route de Mauron.

Cette sollicitude amuse Alicia. Il fait bon chez elle, même en tee-shirt. Combien de degrés ? «  Aucune idée. » Mais le froid, elle connaît ; elle travaille à l’usine de Kermené, la filiale d’abattage et de transformation de viande de Leclerc, gros employeur du secteur. Notre thermomètre est formel : 20°. « Et sans chauffage, garantit la jeune femme. On a juste allumé le radiateur d’appoint, le matin, cette semaine, les jours où il a fait - 5°C. Et qu’il n’y avait pas un seul rayon de soleil sur la baie vitrée ».

Ici, c’est le domaine des Courtieux. Une des premières HLM de France «  passives ». Il comprend quatre logements de 70 mètres carrés, avec un salon-cuisine au rez-de-chaussée, deux chambres et une salle de bains à l’étage. Le tout cloisonné dans le meilleur isolant.

Un cocon orienté vers le soleil du sud, ventilé par une VMC doubler flux dernier cri et arrosé d’eau chaude par des capteurs solaires individuels. Le top du top. « Le plus difficile a été de choisir les matériaux les plus performants tout en limitant les surcoûts », indique l’architecte rennais Georges Le Garzic. Plus 10 % à l’achat quand même pour les proprios, Bretagne Sud habitat.

« 0,85 € d’électricité en décembre »

Mais dans cet office public du Morbihan, on est plutôt fier d’avoir rendu « un vrai service aux locataires », dit Thierry Rio, responsable du secteur. Des factures d’électricité réduites, idéales pour les petits salaires que l’on trouve dans la région, celles que laissaient miroiter le promoteur Habiozone et le constructeur Briero : « Une consommation de 15 à 20 kWh/m2 par an, quand une maison classique en réclame 350 ! » Appréciable lors des fins de mois difficiles, une fois les 405 € de loyer versés...

Le jeu, entre voisins, consiste d’ailleurs à comparer sa note d’électricité. Deux logements ont été mis en test. Pour le mois de décembre, Marc Piro, a reçu une facture « hallucinante de... 85 centimes d’euros ! » Solène Burel, la porte d’à côté, a piqué son fard : « 15 € ! » Employée en intérim chez Yves Rocher, elle doit pourtant surveiller de près son budget...

Un spécialiste a été dépêché sur place pour comprendre d’où venait cet écart. Après enquête, il semble « qu’une simple habitude » a fait grimper la somme. Solène fume. Elle a la manie d’ouvrir sa porte pour aérer, évacuer la fumée. « Le froid entre et j’allume le convecteur électrique. »

Erreur de débutant, pardonne Simon Hignard, de l’École de métiers de l’environnement : « Il faut faire confiance à la VMC double flux. Elle régénère l’air vicié bien mieux qu’une fenêtre ouverte. » Message reçu chez Solène, un peu déphasée au départ par « cette nouvelle technologie. »

Alicia et son compagnon Christopher, eux, ne font pas encore d’économie. «  EDF ne nous a proposé qu’un contrat d’abonnement classique : 66 €/mois ». Le calcul n’a pas tenu compte des propriétés révolutionnaires du logement. Un peu raide à sortir tous les mois. Il faut tenir jusqu’en avril : « On recevra le ’pactole’ quand EDF remboursera ce qu’on n’a pas consommé. Ça fera des sous d’avance pour les vacances... »

Originaire du pays, ce jeune couple ne s’intéressait pas à cette architecture militante, avant de signer à Saint-Léry. « On cherchait juste à s’installer. C’est notre premier endroit ensemble, tous les deux... » A l’emménagement, le briefing sur l’absence de chauffage les avait laissés dubitatifs. Mais après deux semaines de froid piquant, ils l’assurent : « Ça fonctionne ! » Alicia glisse, amusée : « C’est plutôt l’été dernier qu’on a eu un souci : il faisait trop chaud quand le soleil tapait ! »

Christelle GUIBERT.

18 février 2012


Format imprimable

Format imprimable