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Pour un pole public financier au service des droits

Une initiative utile pour construire démocratiquement une alternative.

Un travail d’expertise citoyenne en commun entre syndicats et associations pour aller vers les politiques

 

à signer sur http://pourunpolepublicfinancier.org/

Madame, Monsieur la/le candidat(e),

Nous avons pris connaissance des propositions que vous formulez, dans le cadre de la campagne pour l’élection présidentielle, afin de faire face aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux auxquels est confronté notre pays. Nous savons que celles-ci visent notamment à répondre aux difficultés que rencontre un nombre croissant d’hommes et de femmes, victimes d’une crise provoquée par la cupidité des banques qui ont privilégié les intérêts de leurs actionnaires à ce qui devrait être leur raison d’être, le financement de l’économie et la satisfaction des besoins sociaux.

Nous tenons toutefois à attirer votre attention sur une dimension particulière de ces difficultés : la crise et les politiques d’austérité auxquelles elle sert de prétexte compromettent l’accès d’une fraction de plus en plus large de la population à un certain nombre de droits fondamentaux constitutifs de notre modèle social.

Qu’il s’agisse du droit à l’emploi et à un revenu décent, du droit au logement, du droit à une protection sociale de haut niveau, du droit à des services publics de qualité et de proximité, du droit à un cadre de vie préservé et respectueux de l’avenir de la planète ou du droit à l’inclusion bancaire ; Ces droits, garants de la cohésion sociale et territoriale de notre pays et de la qualité de vie de nos concitoyens, ne seront effectifs que si les conditions de leur financement sont garanties.

Cela implique que le système financier soit au service d’un développement humain durable, favorise un développement équilibré des territoires en soutenant notamment les acteurs de l’économie sociale et solidaire et le financement des PME/TPE créatrices d’emplois, facilite l’action des collectivités locales et contribue à la nécessaire conversion écologique de l’économie.

Nous sommes bien conscients que la poursuite de ces objectifs suppose une profonde réorientation et un plus grand contrôle social de l’activité des banques. Mais quelles que soient les modalités de ce contrôle, nous sommes convaincus qu’il y a nécessité et urgence à ce que la puissance publique se dote d’un instrument lui permettant d’influer directement sur la sphère financière. Il s’agit d’y faire prévaloir l’intérêt général et les choix collectifs et de disposer des moyens de garantir le financement de l’accès de tous aux droits fondamentaux.

C’est le sens de la proposition de création d’un pôle financier public que portent, dans leur diversité, nos organisations et dont nous souhaiterions débattre avec vous.

Ce pôle financier public que nous appelons de nos vœux serait constitué par la mise en réseau d’institutions financières dans lesquelles l’État dispose d’une influence certaine, directement ou indirectement, même si les missions de ces établissements ont pu être dévoyées, l’objectif étant de faciliter la complémentarité de leurs interventions dans le cadre d’une cohérence globale.

Il regrouperait donc des institutions financières publiques (Banque de France, Caisse des Dépôts et ses filiales financières, OSEO, Société des participations de l’État, Banque Postale, UbiFrance, Agence française de développement, Institut d’émission des départements d’Outre-Mer, Institut d’Emission d’Outre-Mer, CNP Assurance), ou dont l’activité relève d’une mission de service public (Crédit foncier, Coface). En ferait bien évidemment partie, toute banque ou société d’assurance dans laquelle l’État viendrait à prendre une participation majoritaire ou à laquelle seraient attribuées des missions de service public.

Ce dernier point pourrait concerner en particulier les Caisses d’épargne dont nous proposons qu’elles puissent renouer avec leurs missions historiques. Quelle que soit la solution retenue à leur égard, il est clair toutefois à nos yeux que la pleine efficacité du pôle financier public nécessitera qu’il puisse coopérer de façon étroite avec un pôle financier mutualiste et coopératif profondément rénové dans ses missions comme dans ses pratiques. Sa structure décentralisée, appuyée sur l’ancrage territorial de ses composantes, devrait également lui permettre de créer des synergies avec l’action économique des Régions.

Le rôle du pôle public ne sera pas en effet d’assurer la totalité du financement des projets qui lui seront soumis, ni a fortiori de prendre en charge ce qui n’est pas rentable pour laisser le reste au secteur privé, mais de jouer un rôle de catalyseur pour attirer vers ces projets d’autres financements, de la part des banques mutualistes mais aussi privées. Au-delà de ses concours financiers, il pourra mobiliser à cet effet toute la gamme des outils déployés par les établissements qui le constituent (expertise, conseil, garanties, accompagnement...).

Son intervention aura pour objectif de permettre que soit assuré le financement des investissements qui seront jugés socialement et écologiquement utiles :

-  dans le secteur du logement : construction de véritables logements sociaux (PLUS et PLAI), rénovation et mise aux normes énergétiques des logements anciens aide à l’accession sociale à la propriété, soutien du logement locatif intermédiaire, création d’équipements tels que résidences étudiantes, maisons de retraites, foyers, centres d’hébergement...,

-  dans le domaine des services publics : (hôpitaux, crèches, écoles, universités, eau, énergie, transports, Poste...),

-  dans le secteur industriel : mise en œuvre d’une réelle politique industrielle créatrice d’emplois, formation des salariés, promotion de la recherche et de l’innovation,

-  investissements permettant d’assurer la transition écologique et énergétique de notre économie (habitat, transports...),

-  reconversion des filières agricoles industrielles vers une agriculture paysanne de proximité, développement solidaire des territoires (y compris ceux des outremers) et soutien à la relocalisation des activités de production, équipements des collectivités locales, infrastructures (routes, réseaux ferroviaires, ports...)...

Mais le pôle financier public devrait avoir, selon nous, deux autres objectifs, complémentaires du précédent :

-  La sécurisation de l’épargne populaire et son orientation vers la satisfaction des besoins sociaux, afin de permettre à toutes les personnes, quels que soient leurs revenus, de se constituer une épargne, garantir que celle-ci ne s’évaporera pas dans les tourbillons des marchés et utiliser les fonds ainsi collectés pour financer les missions évoquées précédemment. Au-delà d’une réforme de l’épargne réglementée (déplafonnement des livrets d’épargne et plus grande centralisation des fonds collectés à la CDC), nous sommes favorables à l’ouverture d’une large réflexion sur les moyens qui permettraient de mobiliser et d’orienter vers l’intérêt général (financement de l’industrie et de la conversion écologique par exemple) une part significative des produits financiers défiscalisés.

À titre d’exemple, les encours de l’assurance-vie - fortement défiscalisée et donc bénéficiant du soutien de la collectivité nationale dans une période difficile pour les finances publiques - représentaient fin novembre 2011 plus de 1 370 milliards d’euros dont la Cour des comptes vient de souligner que leur utilisation ne « correspondait pas aux besoins de financement actuels de l’économie ». Si ne serait-ce que 20% de ces fonds étaient obligatoirement orientés vers l’intérêt général, sous contrôle de la CDC, cela représenterait environ 275 milliards d’euros mobilisables (soit une somme équivalente aux encours actuels du Livret A et du LDD).

-  L’inclusion bancaire : le pôle financier public est un outil indispensable pour permettre à tous, et plus particulièrement aux populations les plus fragiles, d’accéder aux services financiers (droit au compte, accès aux moyens de paiement et au crédit...), devenus indispensables pour mener une vie normale. Il assurerait également la protection des usagers, tant au niveau de la gestion des moyens de paiement que des situations individuelles (médiation, prévention et traitement du surendettement), et jouerait un rôle important en matière d’information et d’éducation financière.

Afin que l’action de ce pôle soit bien en phase avec les besoins exprimés par la collectivité et reflète les choix collectifs décidés démocratiquement, sa gouvernance serait assurée par une structure composée d’élu-es nationaux et locaux et de représentant-es de la société civile (syndicats, entreprises, associations...) Des structures analogues seraient créées au niveau régional, garantissant un réel contrôle social et permettant de faire le lien avec les mobilisations citoyennes dans les territoires.

Si un tel projet n’épuise pas l’indispensable réflexion sur le rôle des banques au regard de l’intérêt public, nous sommes convaincus qu’il peut contribuer puissamment à une réappropriation collective de la finance au service de l’intérêt général.

Même si elle n’est pas achevée, notre réflexion est suffisamment avancée pour permettre des échanges constructifs. C’est dans cet esprit que nous souhaitons vous rencontrer, dans le cadre d’une démarche qui nous amènera à solliciter l’ensemble des candidat(e)s à l’élection présidentielle soutenu(e)s par les formations politiques républicaines.

Enfin nous tenons à attirer votre attention sur les menaces qui pèsent sur l’emploi dans plusieurs des établissements qui pourraient rejoindre le pôle financier public : plan de suppression de 12 % des effectifs programmé au Crédit foncier, projet de suppression de 2 500 emplois d’ici 2020 à la Banque de France, incertitude sur le sort des 1 350 employés de Dexia...La réorientation du rôle et des missions de ces établissements, dans le cadre d’une nouvelle politique du crédit, nécessite de préserver les compétences susceptibles d’y contribuer. C’est la raison qui nous conduit à vous solliciter pour soutenir le principe d’un moratoire général visant à ce qu’aucune suppression d’emploi n’intervienne dans ces établissements.

Espérant vivement vous rencontrer et échanger avec vous, veuillez agréer, Madame, (Monsieur) la (le) Candidat(e), l’expression de notre très sincère considération.

Premieres organisations signataires du Collectif «  Pour un pôle public financier au service des Droits !  »

AITEC (Association internationale des techniciens et chercheurs), ATTAC FRANCE, CFDT CRÉDIT FONCIER, CFE-CGC CRÉDIT FONCIER, CFTC CRÉDIT FONCIER, CGT BANQUE DE FRANCE, CGT CRÉDIT FONCIER, COLLECTIF NATIONAL CGT CAISSES D’ÉPARGNE, CONVERGENCE POUR LES SERVICES PUBLICS, DAL (Droit au logement), FÉDÉRATION CGT FINANCES, FÉDÉRATION SUD PTT, FO CRÉDIT FONCIER, FONDATION COPERNIC, INDECOSA CGT, MARCHES EUROPÉENNES, RÉSISTANCE SOCIALE, SNP FO CAISSES D’ÉPARGNE, SNUP-FSU CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS, SPUCE CFDT PARIS ILE DE FRANCE (Banque de france, caisses d’épargne, crédit foncier, agence francçaise de développement), SU-SNA CRÉDIT FONCIER, SUD CRÉDIT FONCIER, UNION DES SYNDICATS CGT DE LA CAISSE DE DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS, UNION SYNDICALE SOLIDAIRES

Tous les candidats seront approchés à l’exception de celui présenté par le Front National

6 février 2012


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