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Tous perdants !

Quelques réflexions du collectif du Calvados sur la situation politique au lendemain des municipales

 

Brève analyse nationale :

- il y a bien eu désaveu de la politique sarkozyste  : s’agit’il d’une remise en cause de la gouvernance en contradiction avec la conception que beaucoup se font du rôle du président (refus du bling bling ce qui est quand même une crise de représentation qui remet en cause un bonne partie de la stratégie de Sarjozy) ou s’agit’il d’une contestation plus profonde de la politique même ?

Plus de six Français sur dix (62%) veulent que le gouvernement change sa politique au lendemain des municipales, selon un sondage BVA . Selon les lignes partisanes, 86% des sympathisants socialistes veulent une modification de la politique menée depuis dix mois de même que 70% des sondés se disant proches du MoDem.

Il faut poursuivre ce débat sur la caractérisation de la crise : ceci devrait nous amener à sortir de l’idée d’un rouleau compresseur que rien n’arrête ce qui rouvre le champ des possibles. Municipales et cantonales ont traduit un renversement des rapports de forces gauche droite au deuxième tour.

- cette crise ne se traduit pas par une poussée à gauche au niveau où elle devrait l’être compte tenu des attaques subies et reste très liée aux contextes locaux. La progression est beaucoup plus forte quand des enjeux locaux présentent la gauche comme une alternative.

D’un autre coté, le système bipartisan s’est largement reconstitué et le PS reste encore une force dominante y compris chez celles et ceux qui veulent du changement.

- l’extrême gauche ou la gauche de la gauche qui ne disparaît pas et progresse même dans un certain nombre de villes  : la visibilité de cette progression se fait au profit de la LCR même quand les listes sont unitaires (c’est dans ce cas quand se font les meilleurs scores).

Toutefois, contrairement à ce que disent les médias, le potentiel politique d’extrême gauche était pour l’essentiel présent à un niveau parfois élevé dès 2001, ce phénomène se confirme sans s’amplifier significativement en 2008 : c’est la redistribution partisane qui est modifiée au détriment de LO .

La perte est non négligeable à Rennes 17.15 en 2001, 6.75 en 2008 ou Toulouse 16.49 en 2002 ( sans compter une partie des verts et du PS qui ont rejoint l’AMP) à 12.22 ( ce qui reste pourtant un score honorable dans un contexte de bipolarisation.

Les variations de listes LCR sont faibles là où elle était déjà présente de façon significative en 2001 (-0.30 à Louviers, de 11.4 à 8.78 à St Etienne du Rouvray ou 8.13 à 7.27 à Alençon). Le cas de Quimperlé 15,29 est à nuancer (19.02 pour une liste de gauche indépendante du PS en 2001). La LCR recule quand elle se présente dans le cas d’un duel PC-PS.

La LCR progresse surtout par sa présence suite à la campagne Besancenot dans de nouvelles villes, quelque fois avec des collectifs unitaires. La visibilité de ces derniers est faible : pourtant, à Marseille le meilleur score 7.57 est réalisée par une liste menée par le collectif.

Localement :

- Hérouville est un contre exemple  : il y avait des enjeux locaux forts (effacer 2001, victoire de Thomas conçue comme une parenthèse) et c’est la droite qui a mobilisé.

La LCR ne capitalise pas les faibles résultats de la gauche au contraire avec 5.46 elle perd plus de la moitié des voix de la gauche de gauche de 2001.

Cette réaction de méfiance de l’électorat de l’ANPAG, et des déçus de la liste de gauche présentée, comment l’analyser ?

- Caen a vu au contraire une forte progression de la gauche dite unie (+3500 voix), la droite de 1600 mais en l’absence du FN (1200 voix en 2001) tandis que le centre fait un score non négligeable 3200 et 8.5%.

Ces progressions sont pour partie liées à la montée de la participation (+3500) et aux autres listes de 2001 (+3000).

Le score cumulé LCR-LO (4.82) est très largement inférieur au cumul LO-ANPAG de 2001.La liste LCR perd 400 voix par rapport à la liste de 2001 avec une participation supérieure qui aurait du lui donner une centaine de voix de plus (de plus il y avait en 2001 une liste de gauche citoyenne qui ne s’était pas encore révélée PRG, et une liste verte). Par ailleurs la LCR prend 400 voix à LO.

Ce qui fait une perte de voix par rapport à 2001 de entre 800 et 1000 dont une partie seulement à voté pour Duron(PS), d’autres pas en suivant l’appel au vote ni PS, ni LCR que nous avions lancé. Le score du second tour indique que nombre d’électeurs de gauche n’avaient pas fait le déplacement au premier tour.

La situation politique :

- la crise du Sarkozysme n’est pas close , il ne s’agit pas seulement de l’image du président et de la crise de cette image. L’abstention dans certains arrondissements de droite parisiens ( plus de 50% dans le 16ème) signifie t’elle une méfiance vis à vis de la politique de droite de Sarkozy qui ne leur convient pas .Ils sont toujours à droite bien entendu ,mais ils souhaitent et espèrent une autre forme de droite .

Celà ressemble fort à une fracture au sein de l’UMP. Le second tour ayant confirmé le premier, les conditions d’une crise politique sont remplies. L’hégémonie absolue de Sarko sur la droite a fait long feu et des modifications devraient intervenir dans le système politique. La droite aujourd’hui au pouvoir a t’elle les moyens de chercher en son sein les réponses à cette crise, ou l’ampleur de la défaite ouvre, t’elle la porte à d’autres solutions ?

- l’attitude de Bayrou donne lieu à plusieures hypothèses possibles : soit il s’agit d’une fin de trajectoire liée à l’impossibilité pour le MODEM de se construire un espace. Dans ce cas, les prises de position différentes du Modem sont le signe précurseur d’un éclatement.

Soit l’attitude de Bayrou (rupture nette avec le sarkozysme mais engagement à certains endroits avec la droite à d’autres avec la gauche) est une position d’attente pour pouvoir se situer quand la crise et ses sorties probables seront plus visibles : restructuration de la droite mettant Sarkozy sur la touche, alternative centriste (avec le PS et une partie de la droite celle de l’appel républicain)

- des victoires électorales ne résoudront pas la crise du PS . A l’occasion de ces élections le PS a fait une fois de plus étalage de ses divisions en particulier sur l’alliance avec le MODEM mais aussi sur le refus «  d’ouvrir à gauche » (même au nom des règles démocratiques les plus élémentaires) et la lutte contre le PC dans le 93.

Le congrès qui se prépare derrière ces municipales devra trancher dans le sens d’une option «  parti démocrate » sans compromis possible avec ceux qui veulent « l’ancrage à gauche ». Le renforcement de l’hégémonie du PS à gauche conforte les tenants d’une « rénovation centriste » parce que, pour une bonne part des électeurs socialistes, de gauche et même d’extrême gauche, le PS continue de représenter une alternance électorale acceptable : au delà des cercles les plus militants il n’y a pas rupture entre le PS et les forces altermondialistes de la gauche de gauche.

- le PC semble sortir renforcé de ces élections  : dans la majorité des cas il se sort bien de duels avec le PS, il recueille des votes au delà de son noyau dur (il est vrai que celui ci ne représente pas grand chose). Dans un certains nombre de ces cas, il est une alternative à la dérive droitière du PS.

Mais, là encore, les victoires ne pourront masquer longtemps l’absence de ligne de la direction du PC qui n’a visé, y compris par l’appel à l’union de la gauche classique dès le 1er tour, qu’à maintenir ses élus. Les élections n’ont pas tranché les débats internes et chacun peut se trouver conforté, ce qui conduit à un blocage du débat.

- à la gauche de la gauche la LCR s’affirme confortée dans ses choix bien aidée par les discours de la presse.

Et pourtant un minimum de recul s’imposerait : outre le fait que les résultats ne sont pas une victoire ( sauf si la fonction de cette élection n’était que d’éliminer les autres à gauche), ces élections marquent aussi l’isolement de la LCR si elle tente de monopoliser les listes unitaires et les limites de sa stratégie qui l’enferme dans une fonction protestatrice sans perspective de sortir du système politique classique.

Pour nous, la « victoire affichée » de la LCR contribue à bloquer tout processus unitaire, il n’y aura pas d’ interrogation de la LCR sur sa stratégie, une solution de type cartel politique est pour l’instant bloquée ce d’autant plus que le PC semble pour l’instant enfermé dans une nouvelle union de la gauche.

- on ne peut réduire le bilan de cette séquence électorale au positionnement des différentes organisations politiques. Ceci conduirait à une appréciation erronée de la situation. le fait marquant et qui affecte toutes les stratégies politiques c’est le maintien d’une crise du politique quand les élections présidentielles semblaient indiquer que la crise de représentation politique avait pris fin .

Nous avons assisté lors de ces élections, considérées jusqu’à présent comme les plus «  populaires » à un retour de l’abstention dans les quartiers populaires comme si les présidentielles de 2007 n’avaient été qu’une parenthèse dans un processus déjà ancien. Nous avons intérêt à suivre de plus près ce qui se passe sur ce terrain.

Ce que nous disons depuis des années sur la crise de représentation politique n’est pas remis en cause, il nous faut passer à l’analyse plus précise de la place du politique, du fonctionnement des institutions politiques et des moyens de modifier le champ politique actuel.

Réaffirmer la nécessité de la lutte idéologique, la critique de leur vision du monde et la popularisation de la notre, ouvrir le débat sur la place du politique et le rôle et la fonction des organisations politiques sont des pistes à creuser d’urgence.

- Dernière interrogation ; quel va être le poids du social dans la période qui vient ? Nous connaissons, face à la montée des prix et à la perte de plus en plus difficile à gérer du pouvoir d’achat, à un renouveau revendicatif qui, de façon moins spectaculaire que les grandes actions nationales de la fonction publique, se développe dans le secteur privé (de ce point de vue la grève d’Air france au dernier trimestre de l’année dernière était bien comme nous l’avions dit un signe au quel il fallait prêter attention) .

Par ailleurs les résistances se maintiennent y compris dans des secteurs où ce n’est pas trop habituel (Loi rétention de sûreté, modernisation du marché du travail...). Retraites et avenir de la sécu suscite encore débat et interrogations.

Voilà des luttes que nous devons relayer, c’est une forme de construction de l’alternative au quotidien. A nous de nous poser la question des liaisons concrètes entre ces terrains dispersé pour résister et proposer d’autres réponses.

24 mars 2008


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