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Bravo Serge Letchimy

suivi de la lettre ouverte de Victorin Lurel et jacques Gillot

Serge Lechtimy est député de la 3ème circonscription de la Martinique dont le peuple a connu les souffrance de l’esclavage,ce produit de notre civilisation française et occidentale qui déporta les noirs aux Amériques parce qu’ils n’avaient pas d’âme et que l’on pouvait en faire une pure marchandise.

C’est aussi le sens de la lettre ouverte des présidents de la région et du Conseil général de Guadeloupe qui refusent de recevoir Guéant.

C’est sans doute pourquoi Serge Lechtimy le martiniquais est particulièrement fondé à dénoncer le "racisme civilisationnel" de Guéant

Il est aussi le successeur d’Aimé Césaire au Parti Progressiste Martiniquais.

Son intervention gagne à être connue et diffusée.

Il n’y a là nulle attitude injurieuse envers Guéant qui ne mérite que le mépris. Qu’il parte !

Il est ahurissant que la droite se reconnaisse à ce point dans cette « part obscure » : c’est un aveu .

Pour elle, il est insupportable de rappeler combien les idéologies xénophobes, racistes, antisémites d’une partie importante de la classe dominante ont fait le lit du fascisme et du nazisme.

Il est utile de se rappeler l’admiration de nombre d’hommes politiques pour l’ordre mussolinien et le Duce. De se rappeler qu’il était de bon ton de dire dans certains milieux « plutôt Hitler que Blum ».

Ces gens là n’ont pas tous été les complices actifs du nazisme, il y en eu quand même des Papon, des Renault, des Bousquet et ces dénonciateurs anonymes ou ces policiers qui raflaient.

Serge Lechtimly ne fait pas d’amalgame, il n’a pas d’excuses à faire.

Sera t’il possible un jour dans ce pays de prendre la mesure d’une civilisation française qui a produit des monstruosités comme l’esclavage ou le colonialisme au nom de la supériorité européenne ? D’une civilisation européenne qui a produit l’antisémitisme et le nazisme ?

Certains ne le supportent pas, convaincus qu’ils restent de leur supériorité de « civilisation » terme qu’ils sont incapables de définir.

Ils jouent avec le feu.

Virons les !

 

Voici l’intervention du député dans son intégralité :

« Nous savions que pour M. Guéant la distance entre immigration et invasion est totalement inexistante et qu’il peut savamment entretenir la confusion entre civilisation et régime politique. Ça n’est pas un dérapage, c’est une constante parfaitement volontaire. En clair, c’est un état d’esprit et c’est presque une croisade. M. Guéant vous déclarez du fond de votre abîme, sans remords ni regret, que toutes les civilisations ne se valent pas. Que certaines seraient plus avancées voire supérieures.

« Non, M. Guéant, ce n’est pas "du bon sens", c’est simplement une injure qui est faite à l’Homme. C’est une négation de la richesse des aventures humaines. C’est un attentat contre le concert des peuples, des cultures et des civilisations. Aucune civilisation ne détient l’apanage des ténèbres ou de l’auguste éclat. Aucun peuple n’a le monopole de la beauté, de la science du progrès ou de l’intelligence. Montaigne disait "chaque homme porte la forme entière d’une humaine condition". J’y souscris. Mais vous, monsieur Guéant, vous privilégiez l’ombre.

« Vous nous ramenez, jour après jour, à des idéologies européennes qui ont donné naissance aux camps de concentration au bout du long chapelet esclavagiste et colonial. Le régime nazi, si soucieux de purification, était-ce une civilisation ? La barbarie de l’esclavage et de la colonisation, était-ce une mission civilisatrice ?

« Il existe, M. le premier ministre, une France obscure qui cultive la nostalgie de cette époque, que vous tentez de récupérer sur les terres du FN . C’est un jeu dangereux et démagogique qui est inacceptable. Il existe une autre [France], celle de Montaigne, de Condorcet, de Voltaire, de Césaire ou d’autres encore. Une France qui nous invite à la reconnaissance, que chaque homme... »

M. Letchimy est alors censuré par le président de l’Assemblée.

voici la fin de son intervention :

Une France qui nous invite à la reconnaissance que chaque homme, dans son identité et dans sa différence, porte l’humaine condition, et que c’est dans la différence que nous devons chercher le grand moteur de nos alliances !

Vos déclarations ne sous-tendent pas une stratégie, un calcul politique médiocre et pitoyable.

Votre seul but, Monsieur Guéant, au mépris de l’éthique la plus élémentaire, c’est de vous servir de la récupération des voix du front national pour tenter d’installer une idéologie douteuse.

C’est un jeu dangereux !

Un jeu ignoble qui vous a déjà anéanti mais qui nous insulte tous !

Alors monsieur le premier ministre : Quand, mais quand donc votre ministre de l’intérieur cessera t-il de porter outrageusement atteinte à l’image de votre gouvernement et à l’honneur de la France ?


Basse-Terre, le 7 février 2012 - Après les déclarations de Claude GUEANT sur une prétendue inégalité entre les civilisations, les présidents du Conseil régional et du Conseil général de la Guadeloupe, Victorin LUREL et Jacques GILLOT, ont adressé une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur, Claude GUEANT, pour lui indiquer qu’ils ne le recevraient pas lors de sa visite prévue en Guadeloupe la semaine prochaine :

« Monsieur le ministre,

Nous avons été informés de votre prochain déplacement en Guadeloupe et nous sommes au regret de vous faire savoir que nous ne pourrons vous y recevoir.

Fidèles à notre indéfectible attachement aux principes républicains et démocratiques, nous avons toujours veillé, en tant qu’élus de la Nation, à faire le meilleur accueil aux membres du Gouvernement en visite officielle aux Antilles, quand bien même nous ne partagerions pas les mêmes sensibilités politiques.

Mais aujourd’hui, c’est pleinement conscients de l’importance symbolique de notre geste, et mus par le même sens du devoir républicain, que nous avons pris la décision de ne pas vous accueillir en Guadeloupe.

Les faits sont malheureusement là, têtus : Par vos « dérapages » verbaux répétés et assumés à l’égard des étrangers et des Français issus de l’immigration, qu’ils soient d’origine roumaine, comorienne, ou de confession musulmane ; par votre circulaire qui durcit considérablement l’obtention de visas pour les étudiants étrangers qui aiment la France et qui souhaitent y débuter leur vie professionnelle en mettant leurs compétences à la disposition de notre pays ; par votre volonté sournoise d’interdire en pratique l’accès à la naturalisation à des immigrés présents sur notre sol de très longue date et qui ont démontré pleinement leur désir d’intégration ; par vos propos consternants sur la hiérarchie des civilisations, vous tournez résolument le dos aux valeurs fondamentales de la République, auxquelles nous Antillais, dont les ancêtres ont connu l’esclavage et la colonisation, restons attachés encore davantage que d’autres.

Certains ne veulent voir dans vos déclarations qu’une banale stratégie politicienne visant à séduire les électeurs du Front national, en vue des prochaines échéances électorales. Nous avons peine à croire que la vie politique française serait devenue, sous Nicolas Sarkozy, à ce point dévoyée, que la fin justifierait tous les moyens, même les plus immoraux. Aurions-nous donc perdu en France la boussole des valeurs humanistes et de tolérance qui fondent notre vivre-ensemble ? Nous, qui avons vu l’histoire bégayer avec l’abolition puis le rétablissement de l’esclavage, savons que subrepticement les heures sombres du passé peuvent derechef advenir.

D’autres, que vous cherchez à entretenir dans la peur d’une dépossession de leur identité « nationale », verront dans vos prises de position, un combat pour la défense d’une France menacée. Nous n’y croyons pas davantage, nous qui savons que notre pays, et c’est sa richesse et sa singularité, s’est construit au fil de l’Histoire grâce aux apports culturels successifs issus des différentes vagues d’immigrations, qu’elles soient européennes, ou plus récemment indochinoises, maghrébines, caribéennes, et africaines.

C’est ainsi qu’est aujourd’hui la France. C’est ce qui fait la France. C’est ainsi que nous l’aimons comme la grande majorité des Français l’aiment. Cette alchimie originale qui unit des bras de toutes les couleurs pour bâtir notre Nation, des coeurs enveloppés de peaux de toutes les couleurs pour aimer notre pays et des yeux de toutes les couleurs regarder grandir la France, ne constitue en rien une menace. C’est au contraire notre bien commun.

C’est ce bouillonnement perpétuel des identités individuelles et collectives dans le creuset républicain qui forge notre identité commune. Nous n’acceptons pas que vous cherchiez à éteindre la flamme qui entretient ces mélanges féconds, ces métissages précurseurs et cette volonté commune de vivre ensemble. Nous n’acceptons pas davantage que vous stigmatisiez nos compatriotes musulmans ou issus de l’immigration maghrébine en mélangeant tous les concepts, en dressant les uns contre les autres et en hiérarchisant les civilisations tel un nouvel Arthur de Gobineau ou de nouveaux Ernest Renan et Jules Ferry égarés.

Nous ne souhaitons pas recevoir celui qui tient des propos dangereux pour l’unité nationale.

En décembre 2005, afin de marquer son indignation suite au vote d’une loi reconnaissant « le rôle positif de la présence française outre-mer », Aimé Césaire avait refusé de rencontrer le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, en déplacement en Martinique.

Nous avions alors tous, outre-mer, salué la portée de son geste. Nous choisirons par conséquent, en toute modestie, de lui emboîter le pas. Nous n’irons pas vous accueillir à l’aéroport. Nous ne vous accueillerons pas personnellement dans nos collectivités. Et si vous souhaitez vous rendre dans ces institutions de la République qui vous restent malgré tout ouvertes, nous prendrons les dispositions nécessaires pour recueillir le message que vous voudrez éventuellement délivrer. »

8 février 2012


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