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Après la criminalisation, la psychiatrisation des militants ?

Ce matin dans le journal deux informations se percutent : une bonne le retrait de la loi « chasse aux classes dangereuses » (appelée abusivement « prévention de la délinquance »par son auteur) des dispositions totalitaires sur la psychiatrie, une autre mauvaise sur l’internement par le préfet du Rhône de Roland Veuillet.

 

La première nouvelle est une manoeuvre électorale du ministre président pour ne pas être ennuyé dans sa campagne ( mais ce n’est que partie remise !) la seconde est révélatrice du caractère autoritaire du libéralisme et d’une conception de l’ordre social qui a présidé à la loi évoquée ci-dessus. En d’autres termes l’internement de Veuillet est bien plus révélateur du Sarkosysme que le recul provisoire à l’Assemblée.

Commençons par la bonne nouvelle. Les temps sont durs pour Sarkosy, même si les médias « oublient d’en parler. Le comité national d’éthique saisi par le collectif « pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans »vient de contester radicalement l’étude de l’INSERM qui servait de base au projet de fichage des enfants à risques contenu dans une version précédente de la loi [1]

C’est le soubassement pseudo-scientifique de la loi de guerre préventive aux pauvres qui est démoli, mais ce n’est pas grave car on continue le travail de fichage dénonciation surveillance des populations stigmatisées comme à risques. On se passera de la caution scientifique voilà tout.

Sarkosy qui suit sa logique autoritaire sécuritaire, a cherché à introduire des dispositions pour un contrôle administratif par les maires des malades mentaux, puisque là aussi les médias les ont désigné comme dangereux [2].

Face à ce qui est une atteinte aux droits des malades, la quasi totalité des acteurs de ce terrain se sont mobilisés ( syndicats de la psychiatrie, associations de malades et de parents...).

Pour éviter le débat public - ce qui montre ses qualités de démocrate- Sarkosy avait prévu de retirer ces dispositions contestées du débat parlementaire en les réintroduisant dans une ordonnance gouvernementale.

Le Conseil Constitutionnel a censuré cette façon de faire au motif qu’il s’agissait de mise en cause des libertés et voilà notre ministre de l’ordre sécuritaire qui réintroduit les articles litigieux dans le projet de loi. Avant de les retirer pour ne pas nuire au candidat qui risquait d’être poursuivi par des contestations (des syndicats avaient appelé à la grève le jour du débat au parlement.

Encore plus piteusement que Villepin pour le CPE, Sarkosy a retiré précipitamment ce qui concernait la psychiatrie. Du coup tout le monde a découvert qu’il existait un ministre de la santé qui, comme ses collègues en charge du social, avait été totalement inexistant dans une loi qui concernait pourtant leurs domaines ministériels.

Indéniablement c’est une victoire liée à la mobilisation dans la suite de la pétition « pas de zéro de conduite » qui a réuni près de 200 000 signataires.

Mais c’est une victoire fragile parce que la logique de la loi demeure et qu’un certain nombre de disposition sur l’instrumentalisation sécuritaire du travail social créée des précédents fâcheux qui permettront une nouvelle offensive en cas de victoire de la droite en 2007.

La mauvaise nouvelle maintenant : un militant syndicaliste mène une action pour défendre ses droits (grève de la faim) et il a été hospitalisé d’urgence au vu de la dégradation de son état de santé. Pour des renseignements plus complets sur cette affaire voir le site : http://roland-veuillet.ouvaton.org/ et la tribune de Philippe Corcuff dans Libération du 13 février « Robien ou la lâcheté d’un politicien ordinaire » pour les enjeux de fond http://roland-veuillet.ouvaton.org/...

Le préfet du Rhône vient de l’interner à l’hôpital psychiatrique du Vinatier à Lyon, créant ainsi un précédent inquiétant de psychiatrisation d’une lutte.

Ce n’est peut être pas une erreur, un geste maladroit pour venir au secours du ministricule Robien. C’est peut être plus profondément l’effet de la dérive sécuritaire dans l’appareil d’Etat : la question doit au moins être posée. Souvenons nous quand même des dérives sur les collectes d’ADN qui devaient être réservées aux criminels dangereux et qui ont été appliquées à des militants et même à des jeunes manifestantes du CPE.

C’est pour quoi derrière la solidarité avec Roland Veuillet - vous trouverez sur le site http://roland-veuillet.ouvaton.org/ des initiatives- c’est la question des libertés publiques qui est posée par cette décision préfectorale.

15 février 2007

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Notes :

[1] extrait de l’avis n° 95 du Comité Consultatif national d’Ethique : "Pour conclure, le CCNE ne peut pas approuver une volonté d’inscrire la médecine préventive dans le champ de la répression, qui conduit à considérer l’enfant comme un danger, et le fait passer de facto du statut de victime à celui de présumé coupable. Une approche visant à prédire une évolution vers des formes violentes de délinquance à partir de troubles précoces du comportement n’est pas pertinente sur le fond en l’état actuel des connaissances et doit donc être proscrite, les paramètres disponibles n’étant pas suffisamment significatifs pour permettre de le faire sans échapper aux préjugés sociaux ou idéologiques toujours présents dans nos sociétés. Le développement d’une réflexion sur la différence entre prédiction, accompagnement, et prévention devrait être encouragé dans tous les secteurs de la société, en particulier ceux qui sont impliqués dans la prise en charge de l’enfance."

[2] permettre aux maires de prononcer plus facilement une hospitalisation d’office, créer un fichier des personnes hospitalisées en psychiatrie...


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