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Réponse à un partisan du Oui

 

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La lettre d’E. Renard

Je prends connaissance de la position d’Emmanuel Renard qui, après avoir appelé à voter Non dans le référendum interne du PS appelle aujourd’hui à voter Oui.

Je n’ai pas à prendre position sur ses arguments concernant le fonctionnement interne du PS, sur son appréciation de la nécessité de respecter le vote des adhérents, sur la discipline qui le pousse à voter Oui pour éviter une crise du PS : c’est le débat interne à cette organisation.

J’ai le sentiment que derrière tout delà, la vraie justification à son Oui c’est l’appréciation de fond de la signification du Oui et du Non. C’est là dessus qu’il faut répondre en essayant d’être intelligent et de rester au niveau du débat politique de fond.

Le oui est un compromis, nous dit Emmanuel, dans lequel chacun voit des avantages et ses intérêts. Faisant allusion aux signatures d’accords entre patrons et salariés, il nous dit que c’est le rapport des forces qui permet de donner un sens favorable aux salariés à un compromis. A moins de considérer que tout compromis, même celui qui entérine des reculs sociaux, est bon à prendre comme le dit depuis des années la CFDT, il faut juger un compromis à ses résultats et aussi examiner comment ce compromis a été obtenu.

Quel rapport de forces les gauches syndicales et politiques européennes ont été capables d’établir suite à la crise que révèle en termes de déficits social et démocratique la déclaration finale de Nice ou celle de Laeken un an plus tard ? Comment ces gauches ont mobilisé après la mise en place de la convention pour obtenir un bon compromis ? Comment peut on dire qu’alors que les pays européens perdaient les uns après les autres les gouvernements de gauche, le rapport de forces s’améliorait en Europe depuis 2000 ou 2001 ?

Dès lors nous ne pouvions avoir affaire qu’à un compromis qui ne fait qu’enregistrer des reculs. Dans le domaine de la démocratie où il faut juger non d’après les textes existants mais par rapport aux objectifs de la déclaration de Laeken pour répondre à cette évidence :« les citoyens trouvent que tout se règle bien trop souvent à leur insu ». Je ne voit pas comment ce texte permet un meilleur contrôle démocratique sauf à la marge : le système institutionnel antidémocratique n’est pas remis en cause.

Mais surtout sur le terrain social ce qui est dans le traité est un recul par rapport à des textes antérieurs au moment même où l’on met en place un dumping social par l’ouverture aux anciens pays de l’Est sans se donner les mêmes moyens d’harmonisation que pour les anciens pays de l’Europe du Sud. Parce que l’Europe s’élargit, il fallait plus de règles sociales harmonisées : ce n’est pas le cas Ce traité, une avancée sociale ?.

Alors j’ai bien peur que les grandes intentions sur « l’économie sociale de marché » ou les valeurs ne soient que des décorations pour faire passer le reste, des dispositions libérales très précises.

Ce traité me rappelle certains accords signés par ce qui était mon syndicat à une certaine époque, où l’on se contentait de déclarations d’intentions vagues en faveur des salariés alors que les dispositions précises étaient des outils tout de suite opérationnels pour les patrons.

D’ailleurs plutôt que de parler de ce qui est positif dans le compromis constitutionnel, de développer l’idée d’un compromis positif et qu’on peut faire avancer, Emmanuel parle d’une « montée en puissance d’un non qui n’était pas le mien : un non nationaliste, un non souverainiste, un non hyper libéral qui traite le projet de traité socialiste ( !!!) ».

Ainsi au moment où l’on sent monter un non de gauche lié aux mouvements sociaux, un non au libéralisme en France et en Europe, voilà qu’on nous ressort que le non est de droite. C’est ce non franchouillard que vient aussi de privilégier le gouvernement en finançant la campagne de ce non là et pas la notre. Pour ces spécialistes de la magouille, qui n’ont en vue que la réussite de Chirac, il faut donner l’espace à un non épouvantail pour essayer de discréditer le non majoritaire, un non de gauche formé d’ailleurs d’une majorité d’électeurs socialistes.

Je crois que cette attitude où l’on pense avoir raison contre le peuple a déjà coûté cher au PS : ce retour à une conception de l’avant garde éclairée n’est plus de mise dans la crise de la représentation politique que nous connaissons. Il y a un coté élitiste à dire que le non joue sur la peur, sur ceux qui ne savent pas : et c’est ce comportement que les électeurs de gauche rejetteront.

Le non sera un non de gauche malgré la défection de la première, et de la seconde force de gauche, parce que les électeurs de gauche ne veulent pas dissocier le vote contre Chirac au vote contre le traité : il comprennent que c’est globalement la même logique qui est à l’oeuvre. Dernier argument : Emmanuel ne croit pas à une amélioration du Traité qui suivrait le Non parce qu’il ne voit pas que la victoire d’un Non de gauche bouleversera le rapport des forces en Europe où, soit dit en passant, nous sommes plus isolés au niveau des appareils politiques qu’au niveau des mouvements sociaux, de ceux qui bougent pour faire un autre possible à l’Europe.

Quant aux syndicats, il vaudrait mieux ne pas confondre les positions de la CES avec celles de ses composantes qui hélas se désintéressent trop des enjeux européens : regardez en France, la très grande majorité des syndicalistes sont pour le non ( y compris quand leurs organisations sont officiellement pour le oui), mais je vous encourage à lire l’appel de Georges Debunne fondateur de la CES et syndicaliste socialiste belge pour vous convaincre que nous ne sommes pas dans un débat d’exception française.

Il me semblait que le PS s’était rendu compte de l’énorme mobilisation des mouvements sociaux et qu’il souhaitait un rapprochement pour opposer une alternative à la droite en France et en Europe. Il est en train de se tourner exclusivement vers les forces de la « gauche officielle » européenne qui en Angleterre ou en Allemagne mènent une politique qui n’a rien à envier à celle de Raffarin : le scandaleux plan Hartz contre les chômeurs pour ne citer que cet exemple est il le modèle social européen que nous voulons défendre.Au fait le « camarade Shroeder » n’est il pas favorable au principe du pays d’origine de la directive Bolkenstein ?

Comment peut on penser faire avancer l’Europe sociale en discutant gentiment avec de tels partenaires sociaux-libéraux ?

Dores et déjà nous devons nous préparer à mobiliser,pour imposer par les mobilisations politiques et sociales, l’Europe que nous voulons. Mais ceci ne peut se faire que par une victoire du Non au référendum qui change radicalement les données des négociations, et en s’appuyant sur ce que les forces des mouvements sociaux et politiques ont déjà proposé ( y compris je crois certaines propositions d’harmonisation sociale de la campagnes du PS pour les élections européennes).

Je crains que la position d’Emmanuel ne soit qu’un point de vue partisan ( le souci - légitime- du parti) face à des dangers de crise du politique qui dépassent largement ce simple enjeu. J’ai bien peur que la droite, et comme d’habitude hélas, l’extrême droite qui ne sorte gagnante de cette coupure entre le PS et l’électorat de gauche et populaire.

25 mars 2005


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