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La tragedie grecque et l’état de nécessité

 

Ouf ! la presse de ce soir se félicité de l’accord des partis gouvernementaux grecs à une nouvelle saignée du peuple grec.

Ces soi disant représentants du peuple ont, après avoir fait bien des manières pour ne pas paraître trop serviles, accepté des mesures qui leur sont imposées, sur fond de chantage au versement d’argent, par la trop fameuse troïka des bandits libéraux (Union Européenne, FMI, et BCE). [1]

Les contenus de la nouvelle austérité visent celles et ceux qui sont déjà réduits à la misère par les plans précédents : baisse de 22 % du salaire minimum et de 32 % pour celui des moins de 25 ans ; suppression définitive de 15.000 emplois publics en 2012 ; baisse des retraites.

Les retraites complémentaires sont les plus touchées (15 % de réduction). Des diminutions sensibles des retraites des anciens salariés de plusieurs grandes entreprises nationalisées sont également au menu. Quant aux conventions collectives qui arrivent à échéance dans six mois, leur application serait écourtée de moitié, pour permettre une remise en cause plus rapide.

Ce pillage , cette spoliation du peuple grec pourrait fort bien ne pas suffire aux saigneurs des agences de notation (Standard & Poor’s a émis dès aujourd’hui des réserves sur l ’avenir de la dette grecque).

Un des voleurs inspirateur de cet « accord » le représentant du FMI a salué l’accord entre les partis politiques en Grèce, c’est normal il leur a tout imposé au détriment du peuple. Mais ça ne lui suffit pas :un porte-parole de l’institution, Gerry Rice, ajoute qu’"il faut en faire plus".

Ces voyous n’en ont jamais assez.

Comment osent ils ?

Ils ne s’intéressent qu’à la solvabilité du pays, au sort des banques, bref à leur soupe économique et comptable.

Pourtant ce qui se joue c’est la vie même du peuple grec

Nous avons déjà parlé de l’étude de la célèbre revue scientifique « Lancet » sur la dégradation rapide de la santé en Grèce pour mettre en garde sur ce qui nous attend http://anpag.org/article.php3?id_ar...

Nous publions aujourd’hui le discours de Sonia Mitralia, membre du comité grec contre la dette, prononcé le 24 janvier dernier devant le Conseil de l’Europe à Strasbourg. Vous verrez ce qu’il ya vraiment derrière "les nouvelles très encourageantes en provenance d’Athènes, après le travail très difficile qui a été accompli, "de Christine Lagarde.

La Grèce en état de nécessité

Presque deux ans après le début du traitement de choc imposé par la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le Fonds monétaire international à la Grèce, son bilan est catastrophique, révoltant et inhumain.

Ils ont détruit une société

Tout d’abord, même les inspirateurs de ces politiques admettent maintenant ouvertement non seulement leur échec patent, mais aussi que leurs recettes étaient dès le début totalement erronées, irréalistes, inefficaces et même contre-productives. En voici une illustration qui concerne non pas une question secondaire mais le cœur du problème, la dette publique grecque elle-même. Selon tous les responsables du désastre grec, si leurs politiques (d’austérité plus que draconienne) s’avéraient efficaces à 100%, ce qui est d’ailleurs totalement illusoire, la dette publique grecque serait ramenée en 2020 à 120% de PIB national, c’est-à-dire au taux qui était le sien... en 2009 quand tout ce jeu de massacre a commencé ! En somme, ce qu’ils nous disent maintenant cyniquement, c’est qu’ils ont détruit toute une société européenne... absolument pour rien !

Mais, comme si tout cela ne suffisait pas, ils persistent à imposer aux Grecs -mais aussi pratiquement à tout le monde- exactement les mêmes politiques qu’eux-mêmes admettent en échec. C’est ainsi qu’on est désormais en Grèce au septième « Mémorandum » d’austérité et de destruction de services publics, après que les six premiers ont fait preuve d’une totale inefficacité !

On assiste au Portugal, en Irlande, en Italie, en Espagne et un peu partout en Europe à l’application de ces mêmes plans d’austérité draconienne qui aboutissent partout au même résultat, c’est-à-dire enfoncer les économies et les populations dans une récession et un marasme toujours plus profonds.

En réalité, des expressions telles que « austérité draconienne » sont absolument insuffisantes pour décrire ce qui est en train de se passer en Grèce.

Derrière les mots, la sinistre réalité

Les salaires et les retraites sont amputés de 50 % ou même, dans certains cas, de 70 %. La malnutrition fait des ravages parmi les enfants de l’école primaire, la faim fait son apparition surtout dans les grandes villes du pays dont le centre est désormais occupé par des dizaines, des milliers de SDF misérables, affamés et en haillons.

Le chômage atteint désormais 20 % de la population et 45 % des jeunes (49,5 % pour les jeunes femmes).

Les services publics sont liquidés ou privatisés avec comme conséquence que les lits d’hôpitaux sont réduits (par décision gouvernementale) de 40 %, qu’il faut payer très cher même pour accoucher, qu’il n’y a plus dans les hôpitaux publics de pansements ou de médicaments de base comme des aspirines.

L’Etat grec n’est toujours pas capable, en janvier 2012, de fournir aux élèves les livres de l’année scolaire commencée en septembre passé. Des dizaines de milliers de citoyens grecs handicapés, infirmes ou souffrants de maladies rares se voient condamnés à une mort certaine et à brève échéance après que l’Etat grec leur a coupé les subsides et les médicaments.

Le nombre de tentatives de suicide s’accroît à une vitesse hallucinante, comme d’ailleurs celui des séropositifs et des toxicomanes abandonnés désormais à leur sort par les autorités.

Des millions de femmes grecques se voient maintenant chargées des tâches normalement assumées par l’Etat à travers ses services publics quand ceux-ci n’étaient pas encore démantelés ou privatisés par les politiques d’austérité. La conséquence en est un véritable calvaire pour ces femmes grecques : non seulement elles sont les premières à être licenciées et sont contraintes d’assumer les tâches des services publics en travaillant de plus en plus gratuitement à la maison, mais elles sont aussi directement visées par la réapparition de l’oppression patriarcale qui sert d’alibi idéologique au retour forcé des femmes au foyer familial.

Invoquer l’état de nécessité

On pourrait continuer presque à l’infini cette description de la déchéance de la population grecque. Mais, même en se limitant à ce qu’on vient de dire, on constate qu’on se trouve devant une situation sociale qui correspond parfaitement à la définition de l’état de nécessité ou de danger reconnu depuis longtemps par le droit international. Et ce même droit international oblige expressément les Etats à donner la priorité à la satisfaction des besoins élémentaires de leurs citoyens et non pas au remboursement de leurs dettes.

Comme le souligne la Commission du droit international de l’ONU à propos de l’état de nécessité : « On ne peut attendre d’un État qu’il ferme ses écoles et ses universités et ses tribunaux, qu’il abandonne les services publics de telle sorte qu’il livre sa communauté au chaos et à l’anarchie simplement pour ainsi disposer de l’argent pour rembourser ses créanciers étrangers ou nationaux. Il y a des limites à ce qu’on peut raisonnablement attendre d’un État, de la même façon que pour un individu. »

Notre position, partagée par des millions de Grecs, est claire et nette et se résume au respect du droit international. Les Grecs ne doivent pas payer une dette qui n’est pas la leur pour plusieurs raisons.

Primo, parce-que l’ONU et les conventions internationales -signées par leur pays mais aussi par les pays de leurs créanciers- intiment à l’Etat grec de satisfaire en toute priorité non pas ses créanciers mais plutôt ses obligations envers ses nationaux et les étrangers qui se trouvent sous sa juridiction.

Secundo, parce-que cette dette publique grecque, ou au moins une part très importante, semble réunir tout les attributs d’une dette odieuse, et en tout cas illégitime, que le droit international intime de ne pas rembourser.

C’est d’ailleurs pourquoi il faudrait tout faire pour faciliter la tâche de la campagne grecque pour l’audit citoyen de cette dette afin d’identifier sa part illégitime -et non pas tout faire pour l’empêcher, comme l’Etat grec le pratique maintenant. 

Notre conclusion est catégorique : la tragédie grecque n’est ni fatale ni insoluble. La solution existe et la répudiation, l’annulation et le non paiement de la dette publique grecque en font partie en tant que premier pas dans la bonne direction.

C’est-à-dire, vers le salut de tout un peuple européen menacé par une catastrophe humanitaire sans précédent en temps de paix...

9 février 2012

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Notes :

[1] la Troïka veut rencontrer séparément les leaders des trois partis gouvernementaux afin de les engager individuellement à bien tenir leurs troupes. Les syndicats avaient réagi, dès avant l’annonce, en appelant à une grève générale de 48 heures dans les secteurs public et privé demain et après demain.La troîka va t’elle demander la suppression des syndicats qui font grève ?


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