Avec l’annonce de la révision des valeurs locatives cadastrales, la base des impôts locaux, le chantier de la
réécriture de la fiscalité directe locale est ouvert. C’est peu de dire qu’il s’agit là d’un chantier de grande
ampleur.
Sur le fond, chacun s’accorde à le dire, une réforme de la base des impôts locaux est nécessaire. Les bases sont
obsolètes et faute de révision générale, on a reconduit des injustices d’une part et créé des mécanismes
complexes et peu lisibles (dégrèvements...) d’autre part.
De plus, l’actualisation et le contrôle ne sont pas
satisfaisants, notamment parce que la technicité particulière des agents et des services de l’administration fiscale
affectés à cette mission n’a jamais été véritablement prise en compte par l’administration dans les
réorganisations ou dans les moyens alloués.
L’Union SNUI - SUD Trésor a pourtant porté de longue date sans
être vraiment entendue pour l’heure la défense de cette technicité, par exemple dans le cadre du rapprochement
« centres des impôts et centre des impôts fonciers » en réclamant, a minima, un secteur foncier clairement
identifié au sein des centres des impôts. Cette technicité, aujourd’hui mise à mal par les choix passés, est l’un des
clés de la réussite de la réforme des bases des impôts locaux. Il faudra en tenir compte et donc la renforcer.
Plus globalement, la réforme annoncée ne peut être analysée séparément de l’évolution globale de la fiscalité
locale, notamment de l’impact de la suppression de la taxe professionnelle.
En effet, il y a un réel danger de
mener une telle réforme dans le cadre très contraint de la suppression de la taxe professionnelle et de la nouvelle
contribution locale des entreprises.
Cette dernière s’articule autour de deux contributions locales dont la somme
sera plafonnée à 3 % de la valeur ajoutée. Ceci revient à instaurer un bouclier fiscal local pour les entreprises. Un
tel plafonnement, dans un contexte où le besoin de financement de l’action publique des collectivités locales
s’accroît, débouchera immanquablement sur un transfert d’imposition donc sur une hausse de l’impôt local payé
par les ménages.
La réforme annoncée présente des effets pervers en cascade.
Avec la révision des bases, les collectivités locales riches (là où les besoins sociaux sont moindres et
où l’activité économique est souvent plutôt dynamique) verront leur base augmenter et celles plus
pauvres (où les besoins sociaux sont plus importants et où l’activité économique est plus faible) verront
leur base stagner ou fondre. Ce mouvement se traduira en termes de recettes fiscales.
Le résultat est prévisible : les taux risquent d’augmenter dans les communes petites, moyennes et
pauvres pour compenser l’affaiblissement des bases d’une part, et la baisse de ressources liée à la
suppression de la taxe professionnelle d’autre part (celle-ci était déjà porteuse de tels dommages
collatéraux, mais l’effet de structure de la réforme de bases risque de les amplifier).
Enfin, il restera à déterminer dans quelles conditions seront redistribués les montants des
dégrèvements de taxe d’habitation pour les contribuables dont le revenu fiscal de référence n’excède
pas certaines limites. Actuellement, le dégrèvement est pris en charge par l’Etat : qu’en sera-t-il demain
et quels seront les effets de la réforme sur les volumes budgétaires ? La question n’est pas neutre pour
les collectivités locales dont les contribuables bénéficient en nombre de dégrèvements.
La réforme des bases des impôts locaux demeure sur le fond nécessaire mais le contexte est porteur d’effets
pervers si on ne brise pas le carcan financier dans lequel la réforme intervient et si on ne renforce pas les moyens
alloués à cette mission pour un meilleur suivi des impôts locaux, au service des contribuables et des élus.
C’est
bien d’un rééquilibrage global dont le système fiscal, national et local, a besoin. Sans cela, le « big bang »
annoncé se transformera rapidement en chaos fiscal et financier.