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A-t-on changé d’ époque ? Harmonisation par le haut ou dumping social ?

Beaucoup d’électrices et d’électeurs hésitent à voter Non par devoir de solidarité par rapport aux 10 pays "nouveaux arrivants" pèse lourd, arrivants qu’il faut intégrer comme hier l’espagne et le portugal. mais les temps ont changés..

 

Beaucoup d’électrices et d’électeurs qui ont conscience des lacunes voire sur certains points des reculs du projet de "Traité constitutionnel" hésitent pourtant à voter Non. Il me semble que parmi les raisons qu’ils prennent en compte ( conséquences d’un refus de la France, souhait d’ essayer de peser de l’ intérieur ... ) le devoir de solidarité par rapport aux 10 pays "nouveaux arrivants" pèse lourd. Ils gardent le souvenir de l’aide fournie au développement de l’ Espagne, de la Grèce, du Portugal, de l’Irlande ... On peut certes discuter de la répartition de ces aides à l’intérieur des pays concernés mais on ne peut nier qu’il y a eu, à l’ époque, une volonté politique d’ harmonisation par le haut dont les effets ont été positifs.

Parmi les nombreuses questions qui se posent aujourd’hui celle d’un changement d’époque n’est pas la moindre. Dans le cadre de cette petite contribution il n’est pas possible d’essayer de caractériser sérieusement l’étape actuelle de la mondialisation comme de tenter d’analyser les objectifs stratégiques des forces dominantes,leurs choix tactiques ...

Par contre il est possible de dégager la volonté politique qui s’exprime dans le texte qu’on nous propose d’adopter. Des dispositions et des mesures, parfois présentées de manière très précise en particulier dans les annexes, sont soumises à notre vote. Dans quelle direction nous orientent ces dispositions : s’agit d’inciter les "nouveaux arrivants" à élever leurs droits sociaux à la hauteur de ceux des "anciens" ou cherche-t-on à mettre directement en concurrence les anciens et les nouveaux et, au nom de la compétitivité, à accentuer la pression dans le sens d’une "harmonisation" vers le bas des pratiques particulièrement en matière de droits sociaux (dumping social ) ?

Concernant " l’air du temps " :

La commission souhaite pour le budget des années 2007-2013 1,7/100 du PIB mais les Etats les plus importants ne veulent pas dépasser 1/100.

L’ UNICE, l’organisation patronale européenne approuve le projet de Traité et en particulier se félicite qu’en matière sociale le TCE " n’augmente pas les compétences de l’ Union européenne et n’ élargit pas le champ de majorité qualifiée " donc que chaque Etat conserve un droit de véto. En matière fiscale l’UNICE "est satisfaite de constater que la règle de l’ unanimité est maintenue". Elle se félicite que l’exclusivité de l’initiative des lois soit donnée à la commission et se dit rassurée par le fait que le Parlement soit dans l’impossibilité d’ instaurer un impôt européen.

On peut donc au moins s’interroger sur la volonté politique de dégager des moyens pour une harmonisation vers le haut.

Concernant les dispositions précises proposées :

Concernant les droits sociaux la lettre adressée au Premier Ministre en juillet 2003 par le Président de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (organisme officiel dont la fonction est de donner des avis au Gouvernement ) est instructive : réunie en assemblée plénière la Commission "estime nécessaire d’attirer son attention sur deux modifications" (l’autre modification concerne la laîcité )" importantes de la Charte des droits fondamentaux introduites par le projet de Constitution qui suscitent une très forte inquiétude de notre part. La première modification a trait aux "droits sociaux". Ceux-ci ont constitué le principal sujet de discussion lors de l’élaboration de la Charte. Discussions qui s’étaient soldées par un compromis résidant dans la distinction entre "droits" et "principes", aujourd’hui remis en cause. Le compromis retenu consistait à admettre que les droits sociaux ne sauraient être affaiblis par des mesures globales restrictives. Ainsi, dans l’esprit des rédacteurs de la Charte, les principes avaient la valeur de droits fondamentaux au même titre que les droits proprement dits : selon l’article 51 de la Charte, l’Union et les Etats membres " respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l’application".

Or cette formule se retrouve dans le projet de Constitution (article 111) mais l’article 112, beaucoup plus développé, accentue la différence entre "droits" et "principes". Selon l’alinéa 5 : "les dispositions de la présente Charte qui contiennent des principes peuvent être mis en oeuvre par des actes législatifs et exécutifs". Ainsi il n’est pas indiqué que l’Union et les Etats membres se doivent de les mettre en œuvre à l’instar de l’article 51 de la Charte de 2000.

Quant’ à l’alinéa 6, il vient renforcer les restrictions déjà si présentes dans la Charte : " les législations et pratiques nationales doivent être pleinement prises en compte comme précisé dans la présente Charte ".

La CNCDH est d’avis que ces modifications, loin d’être marginales, risquent de vider la Charte de son contenu social et par conséquent de son utilité, au regard des droits déjà reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme".

Chacun a compris que les droits font référence aux droits civils et politiques et les principes aux droits sociaux. Le gouvernement n’a pas tenu compte de cet avis et comme chacun peut le constater le texte est resté inchangé. Les britanniques avaient conditionné l’acceptation du texte à ces modifications ainsi qu’à un ajout au préambule précisant que la Charte doit être interprétée "en prenant dûment en considération les explications établies sous l’autorité du praesidium de la Convention ..."

Ce dernier précise effectivement page 183 : " selon une jurisprudence bien établie, des restriction peuvent être apportés à l’exercice des droits fondamentaux, notamment dans le cadre d’une organisation commune du marché ..." et page 184 : " le paragraphe 5 clarifie la distinction entre "droits" et "principes" faite dans la Charte ...les droits subjectifs doivent être respectés, tandis que les principes doivent être observés ...ils ne donnent toutefois pas lieu à des droits immédiats à une action positive de la part des institutions de l’Union ou des autorités des Etats membres ..."

Concernant"le droit d’accès à" :

On trouve par exemple cette formulation page 24 :

Article 94 :" l’Union reconnaît et respecte le droit d’accès aux prescriptions de sécurité sociale et aux services sociaux assurant une protection dans des cas tels que la maternité, la maladie, les accidents du travail, la dépendance ou la vieillesse, ainsi qu’en cas de perte d’emploi, selon les règles établies par le droit de l’Union et les législations et pratiques nationales."

On peut trouver ce texte positif mais à condition de ne pas se reporter aux explications four nies par le Praesidium page 178 pour "l’article 34" qui correspond en réalité à l’article 94 : " la référence à des services sociaux vise les cas dans lesquels de tels services ont été instaurés pour assurer certaines prestations, mais n’implique aucunement que de tels services doivent être créés quand il n’en existe pas."En effet on ne peut pas accéder à ce qui n’existe pas.

Il me semble donc clair que l’on ne se donne ni les moyens ni les dispositions juridiques de favoriser une harmonisation vers le haut.

Les Etats lourdement endettés et qui ne peuvent espérer aucune aide de la BCE uniquement préoccupée de stabilité des prix devront se plier aux conditions des marchés financiers et ne pourront utiliser que la variable dont il dispose : faire baisser les coûts salariaux pour espérer rester compétitifs.

15 mai 2005


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