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Urbanisme petainiste transcendantal ?

 

La police se pique d’urbanisme

Le Monde du 26 janvier a publié un article intitulé " Violences urbaines : la police s’empare de la rénovation des quartiers " Cet article rappelle opportunément que la loi de prévention de la délinquance a été votée et qu’elle est le grand oeuvre de Sarkozy en matière de sécuritaire.

Les decrets d’application n’ont pas tardé et même dans un domaine où l’on ne les attendaient pas celui de la rénovation urbaine : ils rendent obligatoire la réalisation d’études de sécurité publique pour les constructions se situant dans des zones sensibles.

Dans cet article on voit le commissaire Philippe Tireloque, responsable du bureau du conseil en sécurité urbaine au ministère de l’intérieur et Eric Chalumeau, directeur d’Icade-Suretis, une filiale du groupe immobilier chargée de la prévention de l’insécurité, et auteur d’un Guide des études de sûreté et de sécurité publique (La Documentation française) dispenser leurs conseils sécuritaires et affirmer leurs prérogatives en matière d’urbanisme : des toits en pente parce que les toits plats favorisent le stockage et l’envoi de projectiles les haies qui empêchent les forces de l’ordre d’intervenir et de voir les ennemis intérieurs.

On apprend aussi que l’ANRU (agence nationale de rénovation urbaine) qui commande la rénovation urbaine parce qu’elle dispose des cordons de la bourse et peut décider ce qui est bon dans ce domaine est lie par une convention depuis 2006 au ministère de l’intérieur depuis 2006 : "Dans les opérations conduites par l’ANRU, on constate que l’avis des directions départementales de la sécurité publique est demandé de plus en plus souvent".

Autres temps, mêmes idées

L’urbanisme sécuritaire n’est pas une nouveauté. Au motif de "rénovation urbaine" d’amélioration de l’habitat, le baron Haussman avait déjà pensé le percement des grands boulevard pour permettre une meilleure utilisation de la force publique et de l’armée comme on l’a vu presque après avec la Commune. Haussman répondait ainsi au souci de contrôler la croissance urbaine et ses conséquences qui fut la grand peur des possédant du début du XIXème siécle (voir Classes laborieuses, classes dangereuse de Louis Chevallier).

Plus près de nous les occupants anglais ont reconstruit des quartiers de Belfast pour éviter les tirs des snippers de l’IRA mais aussi pour permettre un meilleur contrôle des manifestations de rues.

Un des objectifs fut aussi de briser les solidarités de proximité qui faisait la force du mouvement républicain, et démanteler des organisations collectives de résistance civile. La sécurité régnait dans le centre de Belfast où l’on ne pouvait pénétrer que par des check-points où se pratiquait la fouille des entrants.

Désarmer les "quartiers voyous"...

Confier à la police la conception de l’espace urbain, au moins de celui des pauvres [1], sera faire dominer le contrôle des classes dangereuses dans la définition de la ville. Peu importe ce que souhaitent les habitants, comment ils ont organisé , ou veulent organiser, un espace commun viable la géographie de leur espace sera décidé du dehors d’eux, ce qui est déjà largement le cas aujourd’hui, mais plus encore contre eux. La stigmatisation de quartiers entiers et de leurs populations est totalement assumée dans les visées urbanistiques de la loi "prévention de la délinquance". Cette loi l’article organise une véritable guerre préventive aux pauvres jugés comme délinquants potentiels.

Les dispositions concernant les constructions vise à priver les "quartiers voyous" des armes de destruction massive que sont les toits plats des immeubles, les passerelles, les haies et les arbres...

Nous voici revenus, dans ce domaine, aussi à l’époque du libéralisme primaire et du capitalisme sans frein.

...avec les marchands de soupe à la recherche de profits

Derrière ce délire sécuritaire il y a aussi des intérêts plus prosaïquement matériels mais bien source de profits : relayés par de pseudo-instituts de recherche sur la sécurité et même par les pouvoirs publics certains groupes privés vendent leur soupe.

Dans le rapport Bénisti, c’était une filiale d’AREVA, au nom de son expérience en matière de sécurité des installations nuclaires dont chacun sait qu’elle produit des modéles de convivialité urbaine (allez faire un tour à La Hague vous verrez comment s’exerce le respect de l’environnement, des populations...).

Nous avons vu aussi se précipiter sur ce marché les vendeurs des caméras de surveillance (un marché porteur initié encore par la Grande Bretagne où elles ont permis l’exécution par la police d’un jeune "désigné" (à tort) par les caméras de vidéo surveillance comme terroriste ).

Dans l’article du Monde on voit la documentation française, organisme public, éditer les oeuvres d’un de ces marchands de soupe, la société Icade-Suretis, dont le directeur est promu chercheur en sécurité publique.

S’il y a en a qui ont intérêt au développement de l’insécurité ce sont bien ceux là qui s’en prétendent spécialistes pour vendre leurs produits sur un nouveau marché dont ils contribuent, avec l’aide des gouvernants et les hauts fonctionnaires de l’intérieur, à créer la demande.

Et ils font leur beurre sur la "sécurité clés en mains" pour venir au secours des élus locaux qui n’ont pas, selon eux, les capacités de penser et de répondre à ces phénomènes complexes que seuls les "sécurologues" (auto proclamés) peuvent maîtriser.

Il y a là une véritable marchandisation de l’ordre public destinée à ouvrir aux profits de nouveaux champs de valorisation.

La démocratie soumise à la technique sécuritaire

En rendant obligatoire les études de sécurité publiques avant la réalisation des projets d’urbanisme, en se servant de l’ANRU pour normaliser la rénovation urbaine y compris dans sa dimension sécuritaire, la loi de "prévention de la délinquance" transforme un peu plus les maires en instruments du ministère de l’intérieur tout en faisant semblant d’accroître leur pouvoir l’article.

C’est encore un peu de la démocratie de proximité qui disparaît ainsi.

Enfin, il faudrait débattre de la résidentialisation, qui s’appuyant quelquefois sur des aspirations des habitants est aussi un remarquable moyens de faire porter les coûts de ces aménagement sur les habitants qui doivent supporter les frais de l’entretien de ce qui était autrefois l’espace public.

Fera t’on payer en augmentation de loyer les amménagemnts destinés à faciliter l’intervention de la police, les toits en pente et l’arrachage des Haies.

Ne serait-il pas judicieux de consacrer ce sommes à l’amélioration des logements en matière d’isolation et d’économies d’énergie ?

Ce débat n’aura pas lieu puisque les spécialistes imposent de façon technique leur point de vue, encore un recul démocratique assumé.

Tireloque et Chalumeau ne sont ni les personnages d’un roman d’Eugène Sue, ni les Dupont-Dupond d’une farce coutelinesque et policière, mais les annonciateurs d’une société où la ségrégation est de plus en plus techniquement organisée, renforcée, en s’appuyant sur une idéologie régressive de la dangerosité, sur la peur.

Nous devons réagir partout où nous le pouvons, faire savoir ce qui se trame et en dégager les enjeux politiques : chaque jour le libéralisme nous montre qu’il est incompatible avec la démocratie pour tous.

Il condamne des secteurs entiers à des formes de contrôle qui les prive de fait de la citoyenneté.

Nous sommes, je crois, là au coeur du Sarkozysme qu’il faut combattre : une vision du monde qui ressucite la jungle, le Paris de la cour des miracles et des coupes-gorges dont seul peut nous sauver Zorro-Sarkozy et sa police.

Faute d’un maréchal galonné qui fait le don de sa personne pour protéger les français, nous avons maintenant le président-représentant de commerce des sociétés de sécurité (puisque la période est à la privatisation de la guerre et du maintien de l’ordre).

Comme dirait Badiou, les formes changent, le pétainisme comme transcendantal de la france de droite reste.

Etienne Adam

9 février 2008

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Notes :

[1] celui des riches aussi avec les quartiers fortifiés mais les riches ont choisi d’être protégés


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