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Erika : TOTALement obscur

 

L’INERIS vient de confirmer les analyses du laboratoire indépendant Analytika : les rejets pétroliers de l’Erika sont bien des produits cancérigènes, et les milliers de bénévoles qui ont été exposés n’ont pas été correctement avertis.

Pensons aux milliers de volontaires qui ont été envoyés, sans réellement être avertis, dans un endroit qui devrait être réservé, selon les règles de manipulation des produits toxiques à "des équipes spécialisées de décontamination". Enfin, les mots ont un sens : dire aux gens de "prendre des précautions" et leur dire "attention le produit que vous manipulez est dangereux, cancérigène : respectez les consignes de sécurité", ce n’est pas du tout la même chose. Mesure-t-on les responsabilités écrasantes des pouvoirs publics et notamment des hauts responsables de l’Etat, le Préfet chargé du plan POLMAR, qui savait et qui a volontairement rayé la mention "cancérigène" des consignes (article dans le journal "Le Monde"), la Ministre de l’Environnement, qui utilise le terme médical "carcinogène" plutôt que le populaire "cancérigène" pour cacher l’inaction de son gouvernement ?

Mesure-t-on le cynisme des maires des villes littorales qui annoncent froidement que le terme "cancérigène" aurait vidé les plages des bénévoles, et qu’il fallait mieux le taire ? Mesure-t-on l’enjeu du silence choisi par les responsables sanitaires "parce qu’ils ne savaient pas comment communiquer" ?

Ainsi, les citoyens ne devraient pas être au courant. Les consignes suffisent, les mots RÉELS n’ont pas d’importance. Deux siècles après les Lumières et l’espoir d’un triomphe de la "Raison" et donc de l’information et de la connaissance débattue, c’esttoujours le silence des puissants qui reste le mode dominant de relation entre les pouvoirs publics et les citoyens !!!

Et derrière ce cynisme, quel mépris des hommes et des femmes ! L’humanité a des ressources immenses de fraternité, de responsabilité... et ce sont les gouvernants par cynisme et les profiteurs par voracité qui enfouissent cet élan.

Pensons aux "pompiers de Tchernobyl" qui devraient être reconnus et célébrés comme des sauveurs de l’humanité. Au péril de leur vie, et le sachant pertinement, ils ont joué le rôle qui était le leur, la mission qu’ils avaient acceptée. Le livre "La Supplication" le démontre. Pensons à ces infirmières du Zaire confrontées à l’épidémie du virus Ebola, sachant pertinement quels étaient les risques... et restant dans leur hôpital pour assumer le rôle qui était le leur et qu’elles avaient choisi.

Même en connaissance de cause, nous aurions eu des bénévoles. Les risques sont présents partout, nous le savons tous. Et pour autant il faut parfois assumer ces risques, même s’ils ont été organisés par des gens qui ne risquent rien pour eux-mêmes. Mais quelle différence entre un risque assumé et un risque subit. Quelle conception différente de la démocratie de s’adresser à un peuple adulte et intelligent et la mascarade à laquelle nous avons assisté.

On commence à apprendre la vérité parce que des "indépendants" on su prendre eux leurs responsabilités et réaliser des études qui ont été publiées sur l’internet. C’est ce travail émanant de la société civile qui a poussé à ce que la vérité devienne "officielle" avec l’expertise de l’INERIS. Dès la première publication des analyses de Analytika, le rôle des pouvoirs publics aurait été d’organiser publiquement, démocratiquement, une expertise ouverte, mettant en parallèle les dires des divers participants impliqués, l’affréteur TOTAL, le CEDRE, et les indépendants ayant assumés eux-mêmes le travail de vérification et de contrôle.

La course à la vérité doit se poursuivre. Le laboratoire Analytika, au vu des analyses, qui sont maintenant confirmées, dit que le produit qui était dans les soutes de l’Erika n’est pas du "fuel lourd numéro 2", mais un déchet industriel. Total répond avec la subtilité sémantique qui semble être de mise ces jours ci que ce sont "des résidus, pas des déchets" (Ouest-France du 9 mars).

La bataille pour l’information et la connaissance doit continuer. Comme citoyen,nous voulons savoir ce qu’il y avait réellement dans l’Erika.

C’est la nouvelle citoyenneté, et une nouvelle conception du contrôle sur les activités industrielles, notamment celles qui mettent en danger les populations et les écosystèmes qui est en jeu.

10 mars 2000


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