Accueil > Penser Global

Sarkozy et l’Université - la revanche personnelle d’un cancre.

publié sur le site de la fondation Copernic

 

L’histoire universitaire et le rapport malheureux de Nicolas Sarkozy à celle-ci permettent de comprendre la politique de mépris qu’avec constance ses affidés développent à l’endroit de la recherche et des chercheurs, de l’université et des universitaires. Preuves à l’appui.

Les propos de Nicolas Sarkozy sur l’université et la recherche trahissent une implication personnelle qui n’obéit pas seulement à la centralisation présidentielle du pouvoir. Il ne suffit pas de mettre en cause les conseillers et la plume du discours du 22 janvier 2009 sur « une stratégie nationale de recherche et d’innovation » alors que des passages improvisés de cette allocution prennent un ton acrimonieux et que bien d’autres interventions confirment un solide ressentiment. Pendant sa campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy s’en prenait par exemple à celui qui avait mis la princesse de Clèves au programme du concours d’administration centrale : « Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur la princesse de Clèves. Imaginez un peu le spectacle » (23 février 2007 à Lyon). Depuis, les propos méprisants se sont multipliés contre les scientifiques ou des sciences. En février 2008, la mise en place d’une commission présidée par le professeur Guesnerie, visait à donner une caution académique aux reproches adressés à un enseignement qui négligerait l’entreprise, accorderait trop de place à la macroéconomie et à la sociologie et préparerait, on le devine, à des pensées politiquement subversives. Toutefois, la commission Guesnerie conclut à une excellente qualité d’ensemble des manuels. Les attaques contre la section économique et sociale ont néanmoins continué en prenant parfois le ton du persiflage au nom d’une compétence peu évidente. Ainsi, le 27 janvier 2009, Nicolas Sarkozy ressassait-il son hostilité devant un nouveau public : « Il y a une filière économique pour vos enfants. C’est une blague. Mettez vos enfants dans la filière ES, ils ne pourront pas se permettre de se présenter dans les meilleures écoles économiques ».

Titres de compétence ? Les sociologues savent bien que les jugements en disent souvent plus sur leurs auteurs que sur les choses dont ils parlent. Or les études de Nicolas Sarkozy n’ont pas été si brillantes ni spécialisées qu’elles l’autorisent à juger de haut les questions d’orientation scolaire et de pédagogie. Par contre, elles ont été assez médiocres pour nourrir son ressentiment personnel qui, en affinité avec l’humeur anti-intellectuelle des milieux qui le soutiennent, explique largement la « petite guerre » faite aujourd’hui aux scientifiques et universitaires.

Avant l’élection présidentielle de 2007, les sites officiels (ministère de l’Intérieur, Conseil Général des Hauts de Seine), partisan (UMP) ou professionnel (Cabinet d’avocats Arnaud Claude - Nicolas Sarkozy) indiquaient que Nicolas Sarkozy avait une maîtrise de droit privé, un certificat d’aptitude à la profession d’avocat, un DEA de sciences politiques et fait des études à l’Institut d’Etudes politiques de Paris. Quelques uns étaient plus précis comme le Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire indiquant un « DEA de sciences politiques avec mention (mémoire sur le référendum du 27 avril 1969 » ainsi que celui du Conseil Général des Hauts de Seine qui assurait que « Nicolas Sarkozy décroche un DEA de sciences politiques avec mention, lors de la soutenance d’un mémoire sur le référendum du 27 avril 1969 ».

La mention des Etudes à l’IEP de Paris est problématique puisque Nicolas Sarkozy n’y a pas poursuivi ses études jusqu’au bout comme il est aisé de le vérifier dans l’annuaire des anciens élèves. Or, selon les usages, le titre d’ancien élève ne vaut que pour les diplômés. Il fut donc abandonné. Toutefois, le site de l’Elysée porte toujours cette indication lapidaire : Institut d’Etudes Politiques de Paris (1979-1981). Quant à l’expression « avec mention » accolée à un diplôme, elle indique cette propension à « gonfler » son CV caractéristique des candidatures aux emplois d’aujourd’hui. Si les universitaires savent que tous les diplômés ont au moins la mention « passable », tous les Français ne le savent peut-être pas. L’ensemble des CV est flou à d’autres égards puisqu’on ignore où les diplômes ont été obtenus. Seul le site professionnel du cabinet d’avocats des Hauts de Seine indiquait que Nicolas Sarkozy « est diplômé de droit privé et d’un DEA de sciences politiques de l’Université de Paris X Nanterre ».

C’est en effet là que Nicolas Sarkozy a fait ses études. Faute d’annuaire d’anciens élèves, il était plus difficile de vérifier ce curriculum vitae. Le certificat d’aptitude à la profession d’avocat a bien été obtenu en 1980 avec la note de 10/20 (cf. doc. 1 en annexe). Il y a par contre un problème pour le DEA. Sauf la même défaillance de mémoire des professeurs exerçant en 1979 dans le DEA de sciences politiques de Paris X Nanterre, Nicolas Sarkozy n’a pas obtenu son diplôme. Une petite enquête se heurte à la page noire du réseau intranet de l’université. L’auteur de ces lignes a alors adressé une demande écrite à la présidence de l’université qui a confirmé que le service de scolarité disposait bien d’un document certifiant l’obtention du DEA. Il restait à vérifier avec la pièce qui fait foi en la matière, à savoir le procès verbal de délibération, document autographe au format A3, difficile à contrefaire. Le candidat apparaît bien dans le procès verbal de la première session : il est « ajourné » car absent de l’épreuve écrite terminale et n’ayant pas rendu son mémoire (cf. doc. 2). Il restait à consulter le procès verbal de la deuxième session. Or, le procès verbal a disparu des archives de l’université. Il est même le seul procès verbal manquant de toute l’existence du DEA.

Un conclusion est certaine : les universités protègent mal leurs archives. Si l’auteur de ces lignes a pu y pénétrer pour enquête, on peut supposer que d’autres puissent le faire aussi, légalement ou non, pour des raisons illicites. Voila en tout cas un bon motif de réforme de l’université : garantir l’authenticité des diplômes.

Alain Garrigou

Professeur de science politique à l’université de Paris X Nanterre

PS : Le titre de l’article est de la seule responsabilité de la Fondation Copernic.


Sarkozy aurait donc obtenu son DEA. Dont acte. Reste l’absence de transparence...

Le CV de Nicolas Sarkozy n’est, de fait, pas truqué, mais « gonflé ». Un procédé courant parmi les VIP, qu’autorisent la loi du silence et les portes closes lorsqu’il s’agit de vérifier les diplômes dont ils se parent. L’enquête n’en est rendue que plus nécessaire. Surtout lorsqu’elle permet d’éclairer sociologiquement le rapport compliqué aux études du premier Président de la République qui se permet, si ostensiblement, de mépriser l’université et les universitaires.

La présidence de Paris X Nanterre a publié un communiqué affirmant que Nicolas Sarkozy a bien obtenu un DEA de sciences politiques en novembre 1980. Le soupçon avait été jeté sur sa réalité parce que le curriculum vitae de l’intéressé y pousse et parce que l’université de Nanterre et l’institution universitaire dans son ensemble n’ont pas adopté des principes et des méthodes qui permettent de consulter ordinairement des données qui devraient être publiques.

Il est vrai que les conditions anciennes d’obtention du DEA concerné - heureusement changées dans les années suivantes - avaient transformé une scolarité de un an en scolarité de un ou deux ans au choix par un système de dérogation généralisée dont Nicolas Sarkozy a profité comme d’autres. On ne peut subir éternellement des errements anciens et abolis mais il n’est jamais trop tard pour les reconnaître. Le communiqué n’est donc pas un « démenti » puisque rien d’autre n’avait été affirmé que les doutes nourris par l’opacité mais une mise au point nécessaire. Il est heureux qu’une campagne de presse en ligne l’ait permise.

Si le curriculum vitae de Nicolas Sarkozy est flou et gonflé, il n’est pas truqué. Ce n’est en effet pas la même chose de mentionner des études à l’IEP de Paris sans avoir de diplôme (curriculum vitae gonflé) et de prétendre avoir un diplôme qu’on n’a jamais eu (curriculum vitae truqué). A coup sûr, c’est moins grave. Certains s’en réjouiront, d’autres le regretteront. Cela ne changera pas l’opinion que chacun a de Nicolas Sarkozy. Il y a tant d’autres choses pour se la forger et précisément le mépris pour la chose intellectuelle qu’il a affichée tant de fois.

Tout concourt pourtant à focaliser l’attention sur un personnage qui a bien moins d’importance que le système qui permet la prolifération des curriculum vitae flous, gonflés ou truqués et donc forcément qui invite à leur mise en doute.

Il ne faudrait pas le regretter si cette focalisation permettait un changement. Les diplômes ont un caractère public et devraient donc être authentifiés par leur publication. Il est temps que les universités créent des annuaires et permettent ainsi de contrôler éventuellement les titres au lieu de les rendre quasi inaccessibles et même de cacher ceux des VIP.

Le système institutionnalisé d’opacité favorise le mépris des diplômes d’université puisque celle-ci les défend mal.

Plus largement, la société du mensonge, du semi-mensonge et des semi-vérités devient aussi celle de la méfiance justifiée.

Alain Garrigou

Professeur de science politique à l’université de Paris X Nanterre

PS : Le titre de l’article et son « chapeau » sont de la seule responsabilité de la Fondation Copernic.

26 février 2009


Format imprimable

Format imprimable