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RSA : contre les pauvres avec l’argent des moins pauvres !

 

Je ne reviendrai pas sur l’analyse du RSA, fruit du compromis de la droite dure et de la nouvelle gauche compassionnelle alliée de cette droite dure.

Je pense que ce n’est pas seulement un coup de pub pour Sarkozy, c’est aussi une arme idéologique redoutable contre les chômeurs, les précaires, les bas salaires et toutes celles et ceux que le fonctionnement de cette société libérale réduit au statut de « surnuméraire » c’est à dire d’individu en trop dans cette société. Et qui dit individu en trop dit aussi individu à part, d’un autre monde que le notre et qui doit « bénéficier » de sous-droits particuliers.

Beaucoup (Concialdi,Gadrey Paugam, AC ! et d’autres ...) ont mené cette analyse de fond( Voir cidessous). Sur les mensonges de la droite (et du Monde qui oublie l’interssement pour les RMISTES reprenant un emploi) voir http://cidrolin.over-blog.fr/articl...

De la même manière je ne reviendrai pas sur la « taxation du capital » qui financerait cette mesure dite « sociale ». Beaucoup d’entre vous sont moins stupides que François Hollande ( ou pour les médias Parisot !) et ne sont pas tombés dans le panneau de la com gouvernementale. Très vite même des présidents de conseils généraux ont dénoncé le bouclier fiscal qui garantit les plus riches .

Mon propos s’appuie sur un article de «  Echos  » d’aujourd’hui qui met en évidence que le RSA va bien se retourner contre les RMIstes et accentuer la pression fiscale sur tous ceux qui payent des impôts locaux dont chacun sait qu’ils frappent plus durement les salariés les moins payés.

http://www.lesechos.fr/info/france/...

Que nous dit cet article ?

Que les « bénéficiaires » du RSA devront s’inscrire à l’ANPE contrairement à ce qui se fait aujourd’hui où seuls un tiers des RMIstes « bénéficient des services de l’ANPE ». Il paraît même que Martin Hirsh se félicite de cette avancée sociale.

Il est vrai qu’il s’agit d’une vraie rupture avec la conception initiale du RMI qui prenait en charge toutes les personnes en difficultés, y compris celles qui étaient arrivées très loin de l’emploi et pour lesquelles la recherche d’emploi n’était même pas envisageable.

Dans les années 90 nous avions au sein d’un groupe de travail de la CFDT Basse-Normandie, qui réunissait syndicats professionnels et associations, dénoncé cette dérive vers l’obligation de recherche d’emploi, qu’une circulaire quasi-clandestine du ministère socialiste d’alors, avalisait.

Nous avions dans une certaine mesure paralysé cette dérive par l’action auprès des professionnels et des usagers. mais cette initiative n’avait connu que peu de relais nationaux (gauche CFDT et AC !).

Dans beaucoup de départements, de droite comme de gauche, les élus considèrent que les RMIstes doivent faire preuve de leur recherche d’emploi, la mise au travail forcé n’est pas totalement nouvelle. Mais elle visait surtout ceux qui semblaient les plus proches du travail. De fait un bonne partie des RMIstes sont des chômeurs de très très longue durée exclus du système d’indemnisation par les diverses négociations de l’UNEDIC.

Mais cette idée que le chômeur n’est pas incité suffisamment pour « préférer » l’inactivité au travail nie la dimension économique et sociétale du chômage ; y a t’il de l’emploi pour tous ceux qui en sont exclus ? Assurément non quand il n’y a que 60 offres d’emplois pour 1000 chômeurs. Non encore quand on sait que les chômeurs de longue durée sont pour une grande part issus des industries de main d’oeuvre dont les entreprises françaises ne veulent plus ou de secteurs pillés par la rentabilité financière. Nous sommes bien placés en Basse Normandie pour savoir concrètement ce que cela signifie avec le triste sort fait aux salariées de Moulinex.

Tous les travailleurs sociaux, mais aussi les agents de l’ANPE et de l’ASSEDIC sont capables de voir, quand ils sont face aux personnes, les dégâts que causent les mises au chômage sur les personnes, et les familles. La désespérance, la perte de confiance en soi ne sont pas seulement l’effet de ce traumatisme initial, mais aussi très vite de la conscience qu’il n’y pas de travail pour toutes te tous et que l’on fait soi-même partie des catégories loin des nouveaux critères de l’employabilité.

Ce processus de désinsertion , d’éloignement de l’emploi est un processus social et non le fait d’une responsabilité de chaque individu. Bien sûr chaque histoire est individualisée, dépend de la situation initiale, des réseaux de soutien familiaux ou autre, mais aussi du moment, de l’attitude des agents de contrôle auxquels chaque personne est confrontée...

Certains arrivent plus vite que d’autres dans cette mise à l’écart, les entretiens avec des RMIstes le montrent bien.

Aujourd’hui « Les bénéficiaires de la nouvelle prestation auront l’obligation de rechercher un emploi, sous peine de sanction (ils ne pourront refuser deux offres « raisonnables », comme les autres chômeurs), et bénéficieront pour cela de l’accompagnement individuel renforcé qui faisait défaut au RMI. »

Ils redeviennent donc des chômeurs comme les autres, retrouvent une dignité de chômeurs au moment même où tous les chômeurs la perdent, victimes d’une suspicion généralisée de non recherche d’emploi et condamnés tous à descendre l’échelle sociale par l’obligation de reprendre n’importe quel emploi.

Dans ces conditions il est plus que probable que le RSA -dans sa version subventionnement au retour au statut de salarié pauvres (le nec plus ultra de la réinsertion pour Martin Hirsch)- ne bénéficiera qu’à ceux qui sont les plus proches de l’emploi et qui, d’ores et déjà, auraient pu retrouver un emploi précaire sous payé.

Le nouveau service public de l’emploi se prépare d’ailleurs a traiter différemment les personnes selon le jugement porté sur elles à priori en créant des filières spécialisées selon que vous paraissez loin de l’emploi, proche ou mmieux encore si vous voulez créer votre entreprise... http://www.lesechos.fr/info/france/...

En fait, le RSA est un encouragement aux emplois indignes sous qualifiés, sous payés et à temps partiels voire très partiels comme dans le nouveau secteur tant vanté par Borloo des services aux personnes. De ce point de vue il est intéressant de voir que la majorité des nouveaux inscrits venant du RMI sont exclus de la catégories 1 (recherche d’emploi à plein temps) qui est donnée comme chiffre officiel du chômage. Comme si le pouvoir se rendait compte lui même que le RSA est une trappe à précarité et uninstrument du partage du chômage par des emplois à temps partiel !

Quant à l’accompagnement renforcé, on sait déjà aujourd’hui que, dans nombre de cas, c’est déjà un euphémisme pour désigner du contrôle et des contraintes accrus. Demain, avec l’arrivée prévue par les estimations gouvernementales de 300 à 400 000 chômeurs de plus, et avec la fusion ANPE-ASSEDIC qui déjà déstabilise le système, on voit mal comment un tel accompagnement personnalisé pourra se mettre en place : les conséquences risquent fort de se traduire par une hausse supplémentaire des radiations, et des personnes qui jusqu’à présent n’étaient pas soumises à l’obligation de recherche d’emploi.

Problèmes de financement ?

D’ores et déjà les calcul du gouvernement excluent près d’un tiers des RMIstes dont on sait pas très bien ce qu’ils vont devenir. Ils pourront être confié à des organismes privés par les département notamment « s’il apparaît des difficultés tenant notamment compte aux conditions de logement ou à l’état de santé » ( il s’agit là des services sociaux qui interviennent déjà ?) mais aussi pour le reclassement professionnel et ce sera alors aux départements de payer.

L’article indique bien « La généralisation du RSA durcit le bras de fer financier entre l’Etat et l’Unedic sur le budget de la nouvelle entité.(ANPE-ASSEDIC) ».

Mais curieusement il fait silence sur les répartitions de financement entre l’Etat et les conseils généraux qui prennent aujourd’hui en charge le RMI et l’expérimentation du RSA. Or l’incapacité annoncée du nouveau service public de l’emploi à prendre en charge les bénéficiaires potentiels du RSA, et certainement celles et ceux qui sont le moins immédiatement employables, obligera les départements à avoir recours à d’autres opérateurs et à les financer. Il n’y aura pas là au sens strict de transfert de charges entre l’Etat et les collectivités locales et ceci risque de créer de nouvelles dépenses pour les départements.

Les 1.5 milliards de la taxe sur les placements y suffiront’ils alors que pour beaucoup elle ne permet de financer qu’un RSA au rabais ? On peut en douter et dans ce cas une augmentation des impôts locaux est bien à prévoir.

Au bout du compte, les salariés pauvres, ceux qui n’ont ni assurance vie, ni loyers comme revenu, risquent bien de payer quand même, mais pas tout de suite.

C’est tout de même plus social que de supprimer la prime pour l’emploi comme dirait Martin, l’homme qui coupe en deux le manteau du pauvre pour en donner la moitié à un encore plus pauvre ? C’est surtout moins visible.

(PNG)
Tribune dans l’Huma du 6 septembre

5 septembre 2008


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