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La souffrance au travail du salarié libéral

Appel des appels de caen

 

Le 10 décembre, le groupe de l’appel des appels de Caen tenait une seconde réunion publique .

Déjà celle du 20 juin réunissant plus de 120 personnes avait été un succès de participation. Là encore, la participation est une surprise : avec une information diffusée uniquement par réseaux, malgré la «  concurrence » de nombreuses réunions le même jour à la même heure, sur un sujet compliqué et peu spectaculaire (pour avoir les échos médiatiques les organisateurs auraient du mettre « suicide au travail ») ce sont plus de 250 personnes qui ont participé à cette initiative. [1]

Vous pourrez lire en document joint, la présentation de la soirée et celle de la démarche de l’Appel des appels de Caen.

L’intervention de Patrick Coupechoux a repris brièvement les grands thèmes de son livre « La déprime des opprimés  » dont je vous conseille vivement la lecture.

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la déprime des opprimés

P. Coupechoux a expliqué la démarche d’élaboration de son livre : comment à partie d’une interrogation sur la maladie mentale, il a saisi la centralité d’un travail au cœur de la vie dans la constitution même des sujets.

L’enquête menée auprès de salariés et d’intervenants, soignants ou autres, a fait apparaître une nouvelle souffrance au travail, extrêmement repandue, qui se développe dans les années 90 de façon concomitante au développement et à la généralisation des "modes de management".

Ceux ci conduisent à la destruction des collectifs de travail (les organisations de salariés, les syndicats, mais aussi les équipes dans le cadre du travail lui même) et un « éseulement », une solitude accrue dans le travail.

Ceci est à lier avec l’autre aspect celui de la précarisation des salariés : celle-ci touche bien sûr les salariés précaires mais aussi par effet de peur, l’ensemble du salariat qui craint très majoritairement de se retrouver « dehors au froid  » (un pourcentage élevé de sondés ont même peur de se retrouver SDF !).

L’intériorisation par les salariés et les chômeurs de leur responsabilité individuelle dans leur situation et face aux contraintes du travail imposées par les actionnaires est une troisième dimension de ce management maltraitant.

Un rapide retour en arrière historique montre comment les aspirations à l’autonomie professionnelle, la critique en masse du travail en miettes se manifestant dans les grèves d’OS autour de 1968 ont conduit à une crise du système fordiste. Les puissants ont su partir de ce aspirations pour recomposer l’organisation du travail et construire un consensus social autour de l’argent et de l’entreprise.

Tout ceci n’a été possible qu’avec la « complicité »(consciente ou inconsciente ?) d’une grande partie de la gauche politique et syndicale [2] et l’impuissance de l’autre gauche à saisir l’ampleur des transformations et la signification même du néolibéralisme.

La chute du mur de Berlin, symbole de la faillite du communisme réellement existant, a discrédité au delà toute volonté de remettre en cause la concurrence "la base de la démocratie" : toute remise en cause du fonctionnement libéral ne peut être que le retour au totalitarisme.

Abandonnés par la gauche politique, syndicale et une grande partie de la gauche intellectuelle, dont certains se sont transformés en mercenaires du néolibéralisme, les salariés ont massivement adhéré à cette idéologie qui paraissait les valoriser : l’apologie de la « valeur travail » par Sarkozy est significative de ce dernier point.

La souffrance d’aujourd’hui est donc difficile à combattre dans la mesure où ce qui la génère, la nouvelle organisation du travail , a été accepté au nom de l’individualisme, sans mesurer et faire le lien avec les conséquences destructrices.

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Le débat a permis de préciser, d’illustrer les dimensions politique de ce management néolibéral qui n’est pas une simple technique de gestion mais une vision du monde.

Je crois que l’intérêt de cette réunion a été de passer de la souffrance, problème individuel, et d’une culpabilité personnelle ressentie à la souffrance comme fait social( pour reprendre Durkheim qui avait montré la dimension social et sociétale du suicide). A parti de la reconnaissance de la souffrance au travail comme effet d’un nouveau mode d’exploitation pour reprendre la terminologie classique, on peut en faire un objet de luttes collectives.

La réunion du 10 décembre est une étape qui a permis de passer de l’expression de la souffrance à la désignation de la violence du management néocapitaliste comme source de cette souffrance.

Nous devons poursuivre collectivement cette réflexion : c’est déjà un début pour dé-construire la domination idéologique qui a transformé le salariés en entrepreneurs responsables d’eux mes et devant assumer seuls tous les risques.

L’appel des appels mène là une démarche qui permettra l’action

Comme l’a dit une intervenante nous pouvons trouver des outils pour agir .

Je n’ai pas eu le temps de le dire hier mais la décision de SUD Ptt de poursuivre France Télécom, son PDG et l’ancien numéro2 responsable de la mise en place du management pour non-assistance à personnes en danger est une première « historique ».

Cette action fait suite à un travail mené depuis quelques années par un observatoire créé par SUD et la CGC-UNSA qui mène un travail d’enquête auprès de salariés : c’est ce travail d’enquête, comme celui de Coupechoux qui fournit des armes indispensables.

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les interventions d’introduction au débat et sur la démarche du Comité de Caen

Sur des thèmes voisins :

http://anpag.org/article.php3?id_ar... sur la CC66 (tract et textes)

http://anpag.org/article.php3?id_ar... intervention 20 juin sur la démarche du comité de veille à la réunion de l’Appel des appels

11 décembre 2009

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Notes :

[1] on ne peut qu’être surpris par le manque d’intérêt de Ouest France et plus largement de la presse locale

[2] je précise : deuxième gauche avec le syndicalisme néolibéral de la direction de la CFDT et certains courants du PS mais plus largement la crise de la social démocratie transformée par le socialisme gouvernemental respectable et les conséquences de la mondialisation


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