23 avril 2012 par Etienne Adam |
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Les espoirs soulevés par la campagne ont créé un sentiment de déception au vu des résultats. Il est vrai que le score de Marine Le Pen est particulièrement spectaculaire et que, sur son compte, les sondeurs se sont plantés : aujourd’hui on voit les sondeurs et les tenants de la vérité statistique se réfugier derrière les marges d’erreurs ou le taux d’indécis pour justifier leur gagne pain et leur place dans la construction de « l’opinion publique » de la « démocratie d’opinion » destinées toutes les deux à remplacer la démocratie. Il faudra se souvenir de cela et être capable de mener campagne contre cette forme de manipulation qui substitue le sondage à presque toutes les formes d’expression populaire. Qu’elle était douce la petite musique des sondages Nous devons quand même faire une autocritique sur le fait que nous n’avons pas été capables de dénoncer cette dictature des sondages médiatisés parce que ça semblait nous profiter. Nous avions pourtant des éléments pour cela : en dehors des critiques classiques sur la faiblesse des échantillons et des marges d’erreur, nous étions capables de voir que les instituts de sondage ne savaient pas effectuer le redressement nécessaire pour Jean Luc Mélenchon. Nous l’avons dit en privé mais pas suffisamment en public : après avoir sous estimé le Front de Gauche en se basant sur le seul score de Marie-Georges Buffet, les sondeurs l’ont redressé n’importe comment comme le montre les écarts entre les « prévisions » des différents instituts. Nous avons pensé que cette ascension sondagière nous servait, et nous n’avons pas apprécié à quel point elle a démobilisé . Reconnaissons au FN qu’il a su, lui, garder ce discours de dénonciation des sondages qui parle à celles et ceux qui ont le sentiment de voir leur parole ignorée, les plus exclus et les plus précaires. Mais, à l’inverse, il faut reconnaître que l’on ne fait pas campagne, et on ne mobilise pas, sans enthousiasme et sans espoir surtout quand on sort d’une série de lourdes défaites. Oubliés hier soir, la Bastille, la Capitole et le Prado, les assemblées citoyennes... D’une seul coup tout cela est passé par pertes et profit. Plus près de nous, à Caen, la satisfaction de s’être retrouvés plusieurs centaines vendredi 20 sur la place de la République a complètement disparu. C’est vrai les grandes mobilisations populaires du Front de Gauche ont peut être été l’arbre qui nous a caché la forêt des difficultés de cette élection là. Mais elles ont été aussi, et surtout, des moments où le Front de gauche a montré sa capacité à mobiliser. Nous avons, avec ces événements, contribué à changer le rapport aux représentants politiques : nous avons contribué à montrer que la politique ce doit être participer, et non pas déléguer à quelques uns et même pas à un bon tribun. Nous avons aussi expérimenté ce nouveau rapport, moins délégataire, dans nos assemblées citoyennes où nous avons mis au débat le programme mais aussi la stratégie. Nous avons donné la parole même s’il faut encore, dans la campagne des législatives, aller plus loin dans la participation citoyenne. De ce point de vue quelques signes dès dimanche soir, une fois passé le premier choc, montrent que la volonté de participer grandit, que beaucoup se disent qu’il n’en ont pas « fait assez » et sont venus nous dire qu’elles ou ils allaient venir.. Le front de gauche ne doit pas être jugé sur son seul résultat électoral mais aussi sur sa dynamique : c’est ce que beaucoup d’observateurs disent pourquoi pas nous ? Le front de gauche existe, il a marqué des points, il peut encore se renforcer, il doit encore s’ouvrir. Élections présidentielle, piège à cons ! Dans l’eupĥorie de la campagne , devant le succès de Jean-Luc Mélenchon nous avons eu trop tendance à oublier que ce système politique n’est pas fait pour nous, qu’il est fait précisément pour ceux qui sont en place, avec un vote protestataire FN qui sert de faire-valoir (repoussoir) au PS et à l’UMP. Ce qui s’est passé ce dimanche doit encore plus renforcer l’exigence d’une constituante qui mette fin à l’élection du président au suffrage universel. Nous savons toutes et tous, nous connaissons des amis, des camarades qui ont « voté utile », c’est à dire qui ont donné involontairement les pleins pouvoirs à Hollande au sein de la gauche. Ce vote utile est un déni de démocratie, il amène à écraser, à marginaliser ce qui n’est pas conforme à ce que les élites politiques et médiatiques ont décidé. Pour prendre un exemple qui nous est extérieur, la redoutable mécanique politique qui a réduit à rien le vote écologique. Est il conforme aux inquiétudes, aux demandes de la population un an après Fukushima ? Le bipartisme présidentiel est une machine qui a évacué du débat public les préoccupations écologiques pour le plus grand profit des empoisonneurs de tout poil. Même nous, avons été obligés de céder du terrain sur ce terrain là. Il faudra le replacer avec force au centre dans les législatives. Nous avons mesuré la force d’un système politique dit majoritaire mais qui abouti à placer aux postes de décisions, avec les pleins pouvoirs, des hommes qui représentent - à 2- à peine la moitié des électeurs. Demain nous devrons imposer une constituante parce qu’il n’est pas possible d’accepter de signer un chèque en blanc de 5 ans à un homme (et derrière lui un oligarchie de dirigeants). Et de lui permettre de dire que la grande majorité adhère à sa politique puisque 50 ou 55% ont voté pour lui ! Il est assez affolant dans ces conditions qu’un Sarko en soit encore à 25%, c’est l ’effet de la prime aux plus forts et à la logique implacable du vote « efficace ». Et le Front de Gauche ? Il va bien merci A la lumière de ce qui précède, le résultat de Front de Gauche est une avancée sensible : là encore, un petit retour en arrière s’impose qui nous rappelle utilement qu’en début de campagne le score à 2 chiffres semblait un objectif difficilement à portée de main. Non seulement nous avons atteint cet objectif mais nous avons sensiblement pesé sur le débat public en imposant des thèmes « interdits » : la nationalisation avec en particulier le pôle public financier auquel les autres se ont ralliés, les urgences sociales avec les revenus ( le SMIC, mais il faudra en dire plus sur les minima sociaux ) et le logement, mais aussi nous avons, trop seuls, combattu ceux qui priorisent sécurité et racisme face à l’urgence sociale et écologique.... Nous avons là des bases pour la suite et d’abord pour les législatives. Nous devons renforcer et élargir encore le Front de Gauche à des forces politiques comme la gauche anticapitaliste issue du NPA, donner un cadre aux acteurs syndicalistes et associatifs des mouvements sociaux mais aussi donner, avec les assemblées citoyennes, aux simples citoyen(ne)s des lieux de débat et d’action politique. Nous devons prendre toute notre place dans les mobilisations et d’abord dans ce premier mai où doivent se réaffirmer avec force les exigences sociales qui sont les préoccupations premières. Etienne Adam le 23 avril 2012
Etienne Adam
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