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A la hauteur des enjeux

29 juin 2006

par Etienne Adam, Nicolas Bénies



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=357



La crise politique alliée à une crise de régime touchant à la fois les institutions et directement le personnel politique devraient obliger la gauche à formuler des propositions urgentes, immédiates pour construire une véritable bataille unitaire pour les prochaines élections présidentielles et législatives. Les enjeux sont d’importance et personne ne pourra dire qu’il ne savait pas.

Une élection comme les autres ?

Il ne s’agit pas d’une échéance classique, avec une session de rattrapage dans 5 ans, comme certains le laissent entendre. C’est sous estimer la profondeur de la contre révolution libérale conservatrice en cours et qui s’approfondit. Ses effets sont pourtant visibles : décomposition sociale liée à la montée de la pauvreté dans le salariat et surtout à la production massive « d’inutiles au monde » que génère le fonctionnement des entreprises et le système de valorisation financière.

La temporalité de la réponse politique ne peut se séparer de celle de ceux qui subissent la violence libérale : la vie des précaires, des chômeurs ne leur permet pas d’attendre 2012. Ils iront vers celui qui annonce un changement, une rupture ou ils s’enfermeront dans l’isolement que leur situation produit en ses mettant à l’écart du fonctionnement d’une société politique qui ne les entend pas, en s’abstenant.

Ces crises produisent une crise globale de la démocratie, du politique. Le capitalisme libéral n’a plus besoin de la forme sociale de l’Etat, supposant une vie démocratique certes limitée mais réelle, issu du compromis social et politique de la Libération. La légitimité des gouvernements étaient à ce prix. Depuis la vague libérale, la crise politique est devenue structurelle et elle a pris désormais, et particulièrement depuis le résultat du référendum du 29 mai, un tour ouvert. En déconsidérant plus encore l’action politique, elle ouvre la voie à une réponse de type autoritaire que même cette 5ème république issue d’un coup d’état, ne permet pas d’assurer. Cette forme autoritaire de l’Etat devient une nécessité pour assurer la cohésion sociale.

La rupture à droite

La rupture Sarkosyste, c’est bien sur la remise en cause des acquis sociaux de la Libération ( c’était déjà affirmé noir sur blanc dans la refondation sociale du MEDEF), mais aussi une démolition systématique des conditions d’un vivre ensemble issu d’une conception du contrat social né avec la Révolution française. Le fondement de la philosophie politique libérale c’est que tous ne peuvent avoir les mêmes droits, que la société comporte des gagnants et des perdants, et que l’inégalité est un moteur du progrès.

Pour eux, la fracture sociale n’est pas comme le pense la pensée politique classique destinée à être réduite. Au contraire, elle doit être assumée. Face aux dangers de ces classes dangereuses qu’on ne peut intégrer, la seule cohésion sociale est celle de l’ordre, de la répression. La loi prévention de la délinquance, les rapports de l’INSERM ou de Benisti... profilent un changement radical de cette forme de l’Etat. Le fonctionnent des institutions européennes ou l’OMC l’indiquent, le contrôle populaire ne peut exister.

Leur victoire en 2007 leur permettrait de franchir une étape supplémentaire et il faut croire Sarkosy quand il parle de rupture. Le résultat du référendum sur la constitution européenne leur a montré que l’hégémonie libérale avait ses faiblesses et qu’il est temps de réorganiser le système de domination politique, pour accélérer les divisions sociales nécessares à l’imposition du libéralisme. Les mobilisations ont montré à la fois la profondeur de l’antilibéralisme mais aussi les divisions sociales et culturelles de plus en plus visibles. En 2007 il faut battre cette droite qui n’est plus celle que nous avons connu : les risques sont trop grands pour la laisser prendre le pouvoir. Et la battre durablement. L’alternance politique n’est pas la solution. L’année politique 2007-2008 permettra à la droite de prendre sa revanche face à une gauche si celle-ci n’organise pas la mobilisation populaire. Pour battre le libéralisme, il faut aussi s’affronter aux forces organisées au-delà de l’état nation, l’union européenne ou les accords du type AGCS...

Nous ne sommes pas sans possibilités

Nous ne sommes pas sans possibilités. Depuis novembre décembre 95, premier mouvement de masses de résistance au libéralisme, les mouvements sociaux ont à la fois montrée leur capacité à s’opposer aux attaques, mais aussi celle d’élaborer un autre monde. Tout près de nous au printemps dernier nous sommes passé du refus du CPE à la remise en cause de la précarisation du travail : un gouvernement a été obligé de reculer sur un texte voté.

Depuis le début de cette période, les syndicalistes ont pu mesurer l’écart entre cette nouvelle vision du monde liée à la mobilisation et l’incapacité des mouvements sociaux à changer la scène politique, à peser sur le pouvoir. L’échec du cadre de luttes sociales créé par novembre décembre, la désespérance qui suivi 2003 chez celles et ceux qui furent ses acteurs les plus déterminés... ne sont pas effacés par le mouvement contre le CPE même si ce dernier a montré une impensable vitalité de la mobilisation. Les réponses politiques comme celles de la gauche plurielle, écho de 1995, et la victoire des régionales en 2003 - écho du mouvement du printemps - se sont traduites par la coupure d’avec les mouvements sociaux. Orphelins d’un débouché politique, d’une alternative politique, ils votent, pour utilité, pour le PS contre la droite.

Le temps de l’alternative...

Il est temps de construire cette alternative politique. De réunifier les mouvements sociaux et les mouvements politiques. La question n’est pas de construire un nouveau parti, mais de pouvoir construire une structure politique permettant d’assurer la victoire de l’antilibéralisme majoritaire en France aujourd’hui. Nous devons construire un nouvel espace temps associant mouvements sociaux et débouché politique. Une nouvelle génération vient de naître à la politique. Ils et elles ont appris rapidement les premiers rudiments. Il faut associer toutes les générations pour être à même de rendre visible la construction d’un autre monde. Le programme anti libéral est visible. Il demande à être actualisé, repris en charge... C’est notre but dés maintenant, sans attendre les échéances électorales pour préparer ces échéances -présidentielles et législatives... Sinon, c’est la révolution libérale et conservatrice sans aucun frein, avec les conséquences dramatiques sur nos capacités de résistance collective.

...à portée demain ?

L’alternative est à portée de main dans la suite des luttes politiques et sociales de ces dernières années. Nous sommes persuadés, et la campagne référendaire l’a montré, que nous pouvons faire exploser le cadre politique imposé par le système politique et médiatique. Pour cela, aucun accord politique global ne peut se faire avec les tenants du libéralisme ou du social libéralisme, ce serait contradictoire avec la nécessité de changement que nous portons.

La mobilisation peut passer de la rue aux urnes, puisque tous les mouvements sociaux ont bénéficié d’un large soutien populaire au-delà des participants directs, tout en comprenant la nécessité de la poursuite de cette mobilisation.

Sur l’emploi et le droit de vivre, sur la démocratie, sur les droits, sur un autre type de développement plus démocratique et plus écologiste nous avons, à partir des productions des divers mouvements, des propositions à faire, propositions qui s’appuient sur les revendications portées par les différentes mobilisations.

Gagner la crédibilté auprès de ceux que nous voulons convaincre !

Il nous manque la crédibilité ! Elle viendra du regroupement des toutes les forces qui séparément mènent des combats dans ce sens. Les candidatures unitaires ne sont pas une simple démarche tactique destinée à tirer le meilleur parti du système électoral. Elles sont une orientation stratégique visant à faire converger dans une co-construction politique des forces que la vie militante ne rassemble pas spontanément. Toutes ensemble, sans être d’accord sur tout, elles dessinent le contour d’un autre monde et les moyens d’y parvenir. Toutes ensembles elles forment un bloc dont la force est visible, crédible aux yeux de ceux qui sont aujourd’hui découragés.

Mais un cartel ne suffit pas, il faut casser une conception délégataire, professionalisée, de la politique, et répondre à la crise de représentation qui nous touche tous. Les collectifs unitaires et populaires doivent associer le maximum de citoyennes et de citoyens, de militantes et des militants à une nouvelle construction politique. Là encore la campagne du non de gauche a montré que ce n’est pas une utopie.

Une dynamique de ce type est capable de gagner, et il faut gagner pour être à la hauteur des enjeux.

Etienne Adam

Nicolas Benies

Etienne Adam, Nicolas Bénies
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