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Pour ne pas payer la crise avec notre santé
Assemblée citoyenne pour prendre en main ensemble les questions de santé

10 novembre 2011

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=1113



C’est bien un des enjeux de la période : le recul du droit à la santé est une réalité dont bien. sur les médias ne parlent pas ou si peu. Il faut faire peur au bon peuple avec la « faillite » comme le dit Fillon mais uniquement pour lui faire accepter l’austérité annoncée .

Il faut faire rentrer dans la tête de tout un chacun qu’il n’y a pas d’alternative aux politiques de rigueur.Pour cela les conséquences désastreuses de ces politiques sont occultées. C’est vrai pour le « débat  » économique où il est interdit de mettre en cause le bien fondé de la dette et l’obligation de son remboursement.

Mais les conséquences des ans de rigueur en matière de droit à la santé sont largement passées sous silence, passées en pertes et profits. Pourtant tout le monde le sait et sait que « les grecs paient le prix de la crise avec leur santé » comme le dit le Figaro dans un éclair de lucidité dont il n’est pas coutumier.

Les effets de la crise financière sur la santé : les augures de la tragédie grecque

Le 22 octobre dernier la célèbre revue médicale anglaise «  The Lancet   » a publié une étude en forme de réquisitoire contre les politiques imposées par la troïka (FMI, Union Européenne et BCE). http://download.thelancet.com/pdfs/....

Cet étude (dont les auteurs sont des chercheurs d’universités et centres de recherche britanniques et étatsuniens : cf le site de Lancet) met en évidence -à partir des données européennes et sur la base de questionnaires et d’études en Grèce- les conséquences sur la santé de 4 années de récession, de baisse des revenus et de dégradation des conditions de vie.

Le report de soins augmente de façon significative : augmentation du nombre de personnes déclarant ne pas pouvoir aller chez un médecin ou un dentiste, les admissions dans les hôpitaux augmentent de de 24% (entre 2009 et 2010) et encore de 8% au seul premier semestre 2011 par rapport à 2010.

Ceci alors même que le système de soins se dégrade : le réduction de 40% des dépenses de santé se traduit par des sous effectifs, des pénuries de médicaments et des dispositifs médicaux. La pratique des «  pots de vins donnés au personnel médical » devient le moyen individuel de tourner ces difficultés et « passer devant » dans des hôpitaux débordés.

Signe aussi des difficultés financières de la population les cliniques privées voient leur admissions chuter de 25 à 30%.

L’étude note que « le nombre de personnes couvertes pour la prise en charge de leur dépenses de santé a diminué de 20078 à 2009 et de nouvelles réductions de l’accès aux soins et de nouvelles baisses de prestations sont encore attendues avec la mise en œuvre des mesures d’austérité »

Le nombre de personnes déclarant que leur santé est « mauvaise » ou « très mauvaise  » augmente.

Le suicie aussi dans un pays réputé pourtant pour son bas taux de suicide : en hausse de 17% de 2007 à 2009 il augmenterait de 25% entre 2009 et 2010 d’après un rapport parlementaire. Le quart des personnes faisant une tentative de suicide l’expliquent par leur incapacité à faire face à leur situation financière, il s’agit donc bien là d’un effet direct de la crise. [1]

Une augmentation significative des infections est constaté depuis la fin 2010, augmentation concentrée chez les usagers de drogues , dont l’usage progresse sensiblement ( sur les 7 premiers mois de 2011 les infections chez les drogués ont été multipliées par 10). Les coupes budgétaires sur la prise en charge des toxicomanes fait que 85% des interrogés ne sont pas dans un programme de soins.

Enfin les cliniques de rue initialement mises en place par Medecins du Monde pour répondre aux besoins des migrants connaissent une fréquentation accrue des grecs eux mêmes. Ils représentent maintenant 30% des usagers contre 3 à 4% avant la crise...

Les auteurs dénoncent une situation sanitaire extrêmement préoccupante. Ils rappellent que dans cet effort pour réduire la dette, ce sont « les gens ordinaires qui paient le prix ultime  », qui perdent l’accès aux soins et aux services de prévention, font face à des risques plus élevés de VIH et de maladies sexuellement transmissibles et voient leur risque de décès augmenté. Ils concluent de cette façon alarmiste : " une très grande attention à la santé et à l’accès aux soins est nécessaire pour s’assurer que la crise grecque ne détruise la source essentielle de la richesse du pays, son peuple   »

Tout ça c’est bon pour les grecs !

Les bonnes âmes s’évertueront à insister sur les caractéristiques de la Grèce (avec une once de racisme) pour nous dire que cette évolution dramatique ne peut avoir lieu chez nous.

Les plus cyniques donneront comme preuve l’accroissement des dépassement d’honoraires, le développement florissant du secteur privé lucratif de la santé pour nous expliquer qu’il suffit de demander un effort aux gens pour qu’ils acceptent de payer plus pour leur santé.

Tout le monde nous fera le couplet des français recordmen du monde de la demande en médicaments...

Portant les mêmes tendances sont à l’oeuvre et personne ne peut prétendre aujourd’hui que le droit à la santé pour tous et partout est assuré.

Des millions de personnes n’ont pas de mutuelle (en particuliers dans les petites entreprise où il n’y a ni CE ni prise en charge par l’employeur) et l’augmentation des taxes sur les mutuelles prévue par le gouvernement va encore aggraver la situation. Du fait des restrictions budgétaires imposées aux usagers le reste à payer augmente de façon sensible surtout pour celles et ceux qui ont le moins de ressources : hors ALD (prise en charge à 100%), le reste à charge avoisine les 45 %, et ce malgré les affirmations de Bertrand qui annonce triomphalement une baisse.

Dans ces conditions comment s’étonner de l’augmentation de celles et ceux qui déclarent différer ou pire encore réduire les oins dont elles ou ils ont besoin : En 2010, 29 % de nos concitoyens déclaraient avoir renoncé à se soigner pour des raisons financières.

« Ce sont là des conséquences des nombreuses participations forfaitaires, franchises médicales, forfaits hospitaliers, forfaits de 18 euros et autres déremboursements de médicaments, qui visent, selon vous, à responsabiliser les patients, comme s’ils étaient responsables de leur maladie et du coût des traitements qui leur sont prescrits. » dit notre camarade Jacqueline Fraysse lors du débat parlementaire sur la loi de financement de la sécu.

En même temps que l’accès aux soins est de plus en plus restreint, les hôpitaux publics, gage d’une médecine de qualité accessible à tous et même seule possibilité de soins pour les plus en difficultés comme le montre la fréquentation des urgences) se débattent dans les pires difficultés.

La politique impulsée par les Agences régionales de Santé (ARS) favorise le privé . Le gouvernement creuse délibérément le déficit de l’hôpital public en fixant systématiquement l’augmentation de l’ONDAM (taux d’augmentation des dépenses de santé) hospitalier à un niveau inférieur à celui de l’augmentation naturelle des dépenses de santé. L’an dernier, M. Jean Leonetti, alors président de la Fédération hospitalière de France, avait demandé une augmentation de 3,23 % de l’ONDAM hospitalier, et n’avait obtenu que 2,8 %.

Le taux d’augmentation des dépenses de santé est encore abaissé par le plan de rigueur que vient de nous présenter Fillion. L’on sait bien -malgré les beaux discours (et quelques décisions de portées bien limitée et demandées depuis longtemps) sur la participation de l’industrie pharmaceutique-que les hôpitaux publics sont les victimes directes des réductions de l’ODAM. D’ailleurs le gouvernement a t’il prévu une quelconque mesure contre les dépassement d’honoraires des médecins spécialistes ou des chirurgiens ?

Prendre en main les question de santé, un bien commun

L’assemblé citoyenne sur la santé organisée par le Front de Gauche le 17 novembre est donc d’une actualité brulante.

Les alertes se multiplient pour montrer que notre système de santé accessible à tous est en train d’être remis en cause. Les médias, les politiques voudraient nous faire croire que dans ce domaine de la santé nous vivons au dessus de nos moyens.

Les malades se résignent de plus en plus à coûter moins cher à la sécu et ce ne sont plus seulement les soins dentaire ou oculaires qui passent « à la trappe ». La renonciation aux soins, même essentiels, est déjà une réalité :elle met en cause l’état sanitaire de toute la populaire et l’on voit réapparaître des maladies d’un autre âge, que l’on croyait disparues, comme la tuberculose ou la gale.

Les personnels du soins s’interrogent de plus en plus sur le sens de leur travail détruit par les exigences du management issu de l’entreprise capitaliste transformant la santé en marchandise.

Les résistances à la destruction du secteur public de santé sont nombreuses ; portées par les mobilisations de toute la société ( habitants des secteurs où l’on veut fermer les hôpitaux, personnels qui veulent garder une qualité de travail, élus soucieux du bien public...) elles son parfois victorieuses mais le plus souvent victimes d’une guerre d’usure des technocrates des ARS et du ministère.

Dans tous les cas elles portent des exigences d’un système de santé solidaire, elles sont en actes une alternative au projet libéral de santé-marchandise.

Débattre ensemble de ces autres possibles, débattre ensemble des conditions politiques pour passer de la défense de « Notre santé en danger" à quelle santé voulons nous.

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Etienne Adam


[1] Le même sociologue avait publié dans le même Lancet, en juillet dernier, un état des lieux sanitaire et un bilan de la manière dont la crise financière avait affecté les schémas de mortalité en Europe. Ces précédentes données montraient des augmentations des taux de suicide entre 2007 et 2009 dans la plupart des pays, premiers révélateurs de la rapidité des conséquences sanitaires de la crise financière ...

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