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Le grain de sable irlandais
Suivi de "Cohn-Bendit sévit encore"

6 juin 2008

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=618



Tout était prévu pour que la ratification du traité de Lisbonne ne donne pas lieu à un débat public et les chefs d’Etats et de gouvernement s’étaient entendus pour qu’il n’y ai pas de référendums trop risqués après les « non » français et hollandais à la constitution.

Un seul pays ne pouvait, de part sa constitution échapper au référendum, la république d’Irlande. Mais pour tous nos stratèges européens, le risque était faible : les irlandais auraient la reconnaissance du ventre eux qui ont, aux dires de tous ces messieurs, bien profité de l’union européenne.

Une fois de plus, le mépris pour le peuple a aveuglé nos « élites » dirigeantes !

Déjà depuis quelque temps le non progressait, mais le renversement s’est fait dans les dernières semaines comme le mesure le sondage publié aujourd’hui

Pour gagner les paysans le premier ministre « Taoiseach », Brian Cowen avait inventé face à l’association des fermiers un droit de véto qu’il promettait d’appliquer contre les accords commerciaux contraires aux intérêts irlandais : tous les moyens sont bons pour faire passer le non y compris les pressions des autres pays membres et de la commission européenne.

Et puis aujourd’hui c’est la catastrophe à Bruxelles et ailleurs : un sondage publié par l’Irish Times annonce le non en tête et un pourcentage d’indécis considérable.

voirhttp://www.ireland.com/newspaper/fr....

Pire encore, le détail du sondage a de quoi inquiéter tous ceux qui se sont ligué pour faire passer ce traité simplifié.

Le non passe de 18 à 35% quand le oui recule de 5 points à 30%. Les progrès du non viennent essentiellement de la baisse des indécis qui sont encore 28% mais en baisse de 12 points. Peu de personnes (5%) déterminent leur vote pour des facteurs internes, par contre 30% l’expliquent par le caractère incompréhensible du traité.

L’ensemble des partis irlandais sauf le Sinn Féin (qui voit ses électeurs le suivre massivement) font campagne pour le oui.

Il n’y a que l’électorat du Fianna Fàil qui place le non en tête avec 42% (-5).

Le Labour (PS local ) appelle à voter oui mais son électorat à 47% contre 30 est pour le non, majoritaire dans la classe ouvrière.

Seuls les plus de 50 ans se prononcent majoritairement pour le traité alors que le pourcentage de non le plus élevé se situe chez les 35-49.

Les causes du non sont en premier lieu le caractère incompréhensible du traité puis le désir de maintenir la souveraineté ( le pouvoir de décider) et l’identité du pays et enfin le refus de sortir de la neutralité avec les dispositions d’alignement sur l’OTAN.

Voilà des motifs que beaucoup d’entre nous trouvent légitimes et auraient motivé leur vote si nous avions pu être consultés par référendum.

Alors on comprend la hargne du représentant de france- inter à Bruxelles qui se prépare à exclure l’Eire de l’union Européenne et à la reléguer au statut de la Turquie ( dont on sait que c’est ub statut peu enviable)

Décidément l’union européenne et la démocratie ne font pas bon ménage

(JPEG)
On remarquera qu’il n’y a pas un rejet de l’Europe comme vont nous le dire les "commentateurs autorisés" puisque Sin Féin demande une meilleure "donne" en Europe

Débat sur Rue 89

http://www.rue89.com/2008/06/08/min...

Une citation de Daniel Cohn Bendit très significative :

"Les Irlandais qui disent non à l’Europe, c’est comme la Ligue lombarde qui rassemble 40% des électeurs dans le nord de l’Italie pour ne pas payer pour le sud du pays. Pourquoi dire oui à quelque chose qui oblige à partager ce qu’on reçoit avec les nouveaux membres de l’Union que sont les pays de l’Est ? "La réaction basique est de protéger ses propres acquis. Dans le processus qui existe aujourd’hui avec la réforme de la PAC, les Irlandais savent, comme les Français, qu’ils ne seront plus protégés comme avant, qu’ils devront faire un effort pour renflouer les caisses de l’UE, qu’ils devront payer et non plus recevoir."

Pour nos décideurs, l’exception irlandaise ne devait pas être un problème : ce pays a parrait-il beaucoup bénéficié de l’UE et devait avoir « la reconnaissance du ventre » ; de plus, il sait très bien que voter non ne sert à rien puisqu’on l’a fait revoter le jour où il a déjà dit non.

Le non est en tête dans les sondages et c’est alors la panique ! Comme beaucoup d’euro-idolâtres victimes de leur distance avec la réalité des peuples, une fois de plus Cohn-Bendit remplace le débat politique par l’invective. C’est le retour du discours dont ont été victimes les partisans du non en France : l’amalgame avec l’extrême droite et l’accusation de repli sur soi, sur ses petits intérêts.

Comme l’auteur de l’article il met l’accent sur les traits les plus archaïques et réactionnaires du camp du non. En oubliant au passage que l’association de fermiers irlandais a appelé à voter contre un promesse de veto sur les décisions dans les négociations commerciales qui iraient à l’encontre des intérêts irlandais... ( mais il ne faut pas dire du mal de Cowen, il ne peut pas être égoïste puisqu’il défend le oui !).

Parmi les partisans du non Pierre Haski oublie de citer les courants pacifistes et altermondialistes, des syndicalistes et le Sinn Féin qui est le seul parti suivi par son électorat : comme en France le Parti Travailliste est pour le oui mais la majorité de ses électeurs est pour le non. En fait le non traduit d’abord comme en France le décalage entre la représentation politique et les citoyen(ne)s.

C’est d’abord le caractère incompréhensible du Traité, donc son inaccessibilité au citoyen qui entraîne un refus au nom de la démocratie.

C’est ensuite la crainte de perdre du pouvoir, la capacité de décider et de perdre son identité. Il n’y a là rien de bien nouveau, l’Europe apparaît comme ce qu’elle est : une grosse machine bureaucratique qui fonctionne de manière antidémocratique.

Enfin la troisième motif évoqué dans les sondages c’est le refus de mettre fin au neutralisme de l’Eire : le traité comme la constitution poussait loin l’intégration dans l’OTAN et les irlandais ont bien raison de ne pas se lier à ce dispositif qui a entraîné de trop nombreux pays dans la guerre.

Si demain les irlandais votaient non l’UE ne serait pas plus en crise qu’aujourd’hui où elle connaît une crise démocratique sans précédent. Leur vote permettrait simplement à tous les peuples d’Europe que les chefs d’Etats ont bâillonnés en refusant les consultations populaires, de s’exprimer à nouveau.

Etienne Adam
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