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Des Zones d’ombres dans notre démocratie
sur l’affaire Merah

26 mars 2012

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=1197



Le ministre de l’intérieur, Claude Géant et le premier ministre cherchent à interdire tout débat sur l’action de la police dans le suivi et la fin du criminel qui a frappé à Toulouse et à Montauban.

Le premier dans un entretien au Figaro déclare « Il est inacceptable de remettre en cause l’efficacité de la police. » comme si la police échappait au droit de critique des citoyens : sur une affaire du même type le gouvernement et la police en Norvége ont été capables d’accepter de voir leur action mise en cause et se sont même livrés à des autocritiques.

Ce refus du droit de discussion par Guéant est le symptôme d’une conception particulièrement autoritaire de l’Etat : ce n’est pas nouveau, hélas, comme on le voit avec les bavures diverses et variées et la position du ministère à ce propos, mais refuser le droit de contrôle des citoyens sur la police c’est donner à celle ci des pouvoirs exorbitants.

Le second questionné sur les failles, évoquées par Juppé lui-même, réfute totalement toute faute. La police nous dit Fillon, a fait un travail exceptionnel, résoudre une affaire en 8 jours est un record. La DCRI, mise en cause, a fait son travail de surveillance et elle en est arrivée à la conclusion «  qu’aucun indice, à aucun moment, ne permettait de penser qu’il passerait à l’acte  ».

Et nos deux ministres de se faire pour une fois les défenseurs du droit et des libertés publiques tout en défendant les nombreuses lois liberticides votées pendant le septennat au nom de l’efficacité de la lutte contre la délinquance et le terrorisme.

Et de soutenir les nouveaux « projets » de Sarkozy « L’actualité révèle pourtant un besoin permanent d’adapter nos législations aux menaces criminelles. » dit Guéant, en même temps qu’il déclare : « En France, on n’interpelle pas les gens pour délit d’opinion ».

Oubliée l’invention de « l’affaire de Tarnac ». Julien Coupat appréciera ce tournant dans la politique du ministère de l’intérieur.

L’un et l’autre défendent la thèse du tueur fou qui serait passé à l’acte brusquement sans qu’il y ait le moindre signe avant coureur repérable : c’est l’idée du « loup solitaire » qui n’explique pas pour quoi il agit là et maintenant.

Pourtant bien des question se posent sur l’action de la police. Les citoyens exigent des réponses : la police n’est pas infaillible, le risque zéro n’existe pas mais nous avons tous le droit de comprendre.

Toutefois ...

Un petit nombre de personnes (une vingtaine ?) vivant en France ont été remises aux autorités après avoir été arrêtées en Afghanistan ou dans les zones tribales et remises aux représentants des Etats-Unis et/ou de la France, par les armées pakistanaise ou afghane.

Suffit-il de déclarer à la DCRI que c’était pour faire du tourisme pour ne pas être suivi ? Nous ne demandons pas qu’au mépris du droit tout suspect puisse être suivi en permanence mais nous nous étonnons d’un jugement aussi rapide de non-dangerosité de la part de spécialistes dont on nous dit que le monde entier nous les envie.

L’absence de suivi contraste très fortement avec le suivi de « très près « des militants de Tarnac qui étaient eux suspects d’avoir écrit un livre ou l’efficacité considérable de la BCRI dans l’affaire des fadettes des journalistes, toutes affaires où la BCRI a fait montre d’un mépris de ce droit que les ministres utilisent maintenant pour justifier le non suivi de Merah.

35 courriels ont suffi à maintenir Adlène Hicheur en détention provisoire à Fresnes pendant deux ans et demi. En l’absence, selon son avocat, du moindre projet précis de passage à l’acte et encore moins d’élément matériel de préparation...

Quelles sont les priorités de la DCRI ?

Ce d’autant plus que des faits auraient pu justifier un suivi : le tueur achetait des armes (20 000 euros !) et les stockait. Il se les procurait après « des casses » (sic !) qui permettaient de financer ces achats.

Le marché des armes dans la région toulousaine est-il à ce point opaque pour que ces achats soient passés inaperçus et n’aient pas été relayés auprès de la BCRI ou les services locaux.

Si tel est le cas pourquoi notre hyper président s’est-il montré depuis 10 ans incapable de lutter contre le trafic d’armes de guerre ?

Comment croire que les services spéciaux ne savaient pas où il logeait et attendaient donc qu’il rentre chez lui. Pourquoi est il moins contrôlé et moins contrôlable que le bénéficiaire moyen du RSA ?

S’il avait été surveillé comme il est dit et comme il est convenu pour expliquer la rapidité de l’enquête aurait-il eu le temps de réaliser un second attentat à Montauban quatre jours après celui commis à Toulouse ?

Les médias nous disent aujourd’hui qu’il projetait d’assassiner un policier (qu’il connaissait ? De quel service était ce fonctionnaire ?) en l’attirant dans un piège : lui promettre des informations sur quoi ?

   La police savait depuis 2010, par le témoignage de Mme Malika (dont il semble qu’on ne lui a donné aucune suite) que Mohammed Merah était un islamiste dangereux, violent, pour le moins admirateur d’Al Qaïda.

L’absence de réaction policière à la plainte de cette personne est stupéfiante : il y a là manifestement erreur appréciation qui mériterait explication : il vaut mieux faire partie des terroristes signalés que petit vendeur de cannabis. Il aurait été emprisonné pour cette plainte !

 Ceux, comme nos ministres ou les aboyeurs de l’UMP qui sont prompts à dénoncer les erreurs d’appréciation des psychiatres pour les fous, des éducateurs ou des enseignants sont aujourd’hui curieusement silencieux !

Dire cela ce n’est pas aimer la répression policière tout azimut mais s’interroger sur les priorités données aux policiers : faire du chiffre avec les sans papiers, la petite délinquance et baisser la garde sur la délinquance en col blanc... Donnons la parole aux policiers de base, ceux qui « perdent leur temps dans les transferts vers les centres de rétention  », dans l’expertise de cette affaire .

   Merah a été abattu, alors, en mouvement, par un tireur d’élite d’une balle dans la tête, comment se fait-il qu’un tireur aussi parfait n’a pas plutôt visé un autre point du corps, ce qui aurait permis de la prendre vivant ?

L’ancien patron du GIGN rappelle les moyens pour neutraliser des cas semblables de « forcenés ». Quand on ne veut pas utiliser des « armes létales » comme disent des médias aux ordres de l’Elysée, on utilise des grenades avec des gaz incapacitants ou lacrymogènes, qui paralysent les réflexes ou endorment .

La même presse aux ordres croit avoir répondu que ce n’était pas possible parce que les vitres étaient cassées. La réponse est pourtant simple : deux ou trois fois plus de gaz, cela fera l’affaire.

Quant aux réponse officielles elles sont stupéfiantes : le commissaire du RAID dit à la fois que ses hommes sont entraînés à ne pas tirer même quand l’ennemi tire et qu’ils ont tiré pour se protéger : cette contradiction n’interroge pas la presse aux ordres !

Quand,dans le Figaro , en réponse à la question ; «  Le fondateur du GIGN, ,Christian Prouteau regrette qu’on n’ait pas eu recours au gaz pour endormir le forcené  » Guéant a cette réponse stupéfiante ; « Ce sont des moyens illégaux. Cette technique est proscrite par les conventions internationales parce qu’elle a fait par le passé de nombreuses victimes. ».

Guéant a t’il oublié les tirs de grenades dans des lieux clos avec des enfants et des vieillards ? D’autant plus que là, on savait que le tueur était seul !

C’est se moquer du monde !

Refuser ce contrôle citoyen de la police, c’est appeler à la limitation de l’état de droit et autoriser les procédures d’exception pour se rapprocher du « Patriot act » cette législation totalitaire qui nie les droits des citoyens. Il est scandaleux de voir certains glorifier la no fly list des USA cet outil liberticide dont il faut rappeler qu’il est loin d’avoir fait preuve, comme tous les fichages, de son efficacité.

Etienne Adam
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