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ANALYSE DE LA POLITIQUE DE L’EMPLOI
Emploi/qualification/apprentissage

20 octobre 2005

par Nicolas Bénies



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=228



Les théorisations sur « la fin du travail » (Rifkin et Méda) ont fait long feu. Le travail est resté une des valeurs fondamentales de la vie en société. Par contre les transformations structurelles du processus de travail (incluant l’emploi qu’il faut différencier) doivent faire l’objet d’une analyse. Pour ce faire, il nous faut partir de l’analyse de la classe ouvrière se définissant comme tout salarié faisant l’objet d’une exploitation par un capital que ce soit pour lui extorquer de la plus-value - dans le cadre du travail productif ou pour accélérer la rotation du capital, dans le cadre du capital commercial ou financier. Il faut relier ces transformations aux métamorphoses des régimes d’accumulation (ou ordres productifs) pour en comprendre les causes.

Quelques données sur l’analyse de la classe ouvrière.

Son visage a changé en fonction des transformations du marché du travail et de l’architecture des entreprises. Les grandes unités de production, type Renault la forteresse ouvrière, ont disparu. Désormais ce sont des petites unités de production qui dominent, de l’ordre de 200 salariés provoquant moins de visibilité de l’existence d’une classe ayant des intérêts collectifs. La prise de conscience est plus difficile. C’est la raison pour laquelle on a l’impression que la lutte des classes est à sens unique, partant toujours du patronat - le Medef - qui, lui, a une grande visibilité. Le paysage économique, depuis l’entrée dans la période dite d’onde longue à tendance récessive - en 1974/75 - a été totalement chamboulé. Dans le même temps, la classe ouvrière a changé, elle s’est féminisée et tertiarisée. Les femmes sont entrées massivement sur le marché du travail (elles représentent 46% de la population active, travaillant majoritairement dans le tertiaire et une sur trois est à temps partiel, cf. « Données sociales 2002-2003 »), mais elles cumulent les postes dits « non qualifiés » - on comprend qu’il s’agit d’une construction idéologique permettant de fonder la notion de qualité du travail chère à la « stratégie de Lisbonne » décidée par l’Union Européenne en 2000 pour faire de l’UE le territoire le plus compétitif du monde... -, le temps partiel et sont les premières licenciées. Les inégalités n’ont fait que changer. La défense et l’élargissement des droits des femmes sont un des enjeux essentiels pour lutter contre les nouvelles formes d’organisation du travail, ce post taylorisme - de plus en plus taylorien - s’appuyant sur le Juste-A-Temps et sur la nécessité de respecter les délais. L’intensification du travail en résulte pour augmenter la productivité en haussant la charge de travail au détriment de la santé des salariés. Le combat contre le despotisme d’usine qui revêt des formes multiples passe par l’intégration dans tous les programmes revendicatifs des droits des femmes, dessinant dans le même temps, les contours d’un autre monde, d’une société qui fonctionnerait suivant d’autres critères, d’autres normes que ceux représentés par les nécessités et contraintes de l’accumulation du capital, passant par des politiques économiques qui ne prennent en compte que la logique de la firme, les impératifs de la hausse de la profitabilité de la seule entreprise, du capitalisme individuel. La vue d’ensemble, macro économique a reculé. Le libéralisme économique ne laisse de place qu’à la micro économie.

La représentation, la figure de l’ouvrier non qualifié a aussi changé. Dans les années 60, c’est un jeune homme, ouvrier - OS - qui connaîtra, au cours de sa carrière, une évolution, il deviendra qualifié. Cette figure a disparu. Aujourd’hui, c’est plutôt une femme, employée. « Les personnes en emploi non qualifié ont vieilli, elles travaillent dans les services comme assistante maternelle ou agent de service » note l’INSEE, avec un chômage récurrent. On parle ici de « mobilité » pour les TNQ, mobilité entre chômage et emploi... Chômage qui provoque la nécessité de déménager pour trouver un emploi. Le libéralisme économique essaie de justifier cet ensemble, et le fait en s’appuyant sur la philosophie utilitariste et individualiste anglaise, au détriment de toute analyse des lois du système et moins encore des trajectoires sociales ou des formes nouvelles de l’intervention de l’Etat déstructurant les droits collectifs, comme le droit du travail.

De plus, ils proposent la vision d’un marché du travail éclaté entre les différentes strates de qualification, sans définir ce terme. C’est la théorie du « capital humain » qui revient en force, supposant un retour sur investissement... Gary Becker en est le chantre. Il est capable de tout quantifier...

Quelques réponses aux idéologues du libéralisme économique

. De nouveau, Thierry Breton, patron et ministre, a répété que « La France vit au-dessus de ses moyens » et que les Français devaient travailler plus. Autant dire qu’il est nécessaire d’exploiter les salariés davantage.

Les statistiques indiquent que les salariés en France ont un temps de travail plus faible que dans les autres grands pays européens. Le marché du travail exclut davantage les jeunes - jusqu’à 29 ans désormais - et les « vieux », les plus de 54 ans ne retrouvent pas d’emploi. Par contre les Françaises sont les plus actives, même si une sur trois est à temps partiel et prés de 3 actifs sur trois travaillent dans les services et plus d’un salarié sur cinq est encore fonctionnaire, en moyenne mieux payé que le salarié du privé.

Quelques réponses aux idéologues libéraux avant d’aller plus avant. Le marché du travail pas assez flexible ? La flexibilité se concentre sur les salariés à contrats dits atypiques, CDD et intérim qui représentent 11,5% de l’emploi total et 70% des embauches (la moitié a moins de 30 ans...) et les CDI nouvellement embauchés. Le risque de se retrouver au chômage lorsqu l’ancienneté est inférieure à deux ans a été multiplié par quatre en 20 ans, de 4,5% à 12,4%.

L’emploi préserve-t-il de la pauvreté ? Ce n’est plus vrai en France depuis les années 90. Les « travailleurs pauvres » sont désormais une réalité statistique. L’INSEE en recense 1,3 million vivant en dessous du seuil de pauvreté soit environ 602 euros, la moitié du salaire médian pour un ménage d’une personne. Combien de chômeurs ? 10% de la population active, soit environ 2 600 000 personnes au sens du BIT, mais 4 millions d’inscrits à l’ANPE. Le diplôme protège mais pas totalement du chômage. Un diplômé (bac+4) sur deux recherche toujours un emploi un an après l’obtention de son diplôme. Ils et elles acceptent de ce fait un emploi déclassé, au niveau bac par exemple renforçant ainsi les difficultés des titulaires du seul bac. Et un chômeur sur deux touche l’assurance chômage. Le gouvernement a décidé de renforcer le contrôle des chômeurs pour leur imposer des emplois déclassés et mal payés. Il s’agit de trouver les bras nécessaires dans les domaines de la restauration et de l’hôtellerie comme du BTP... c’était déjà l’enjeu du PARE... L’augmentation du nombre de départs à la retraite de la génération du « baby boom » ne changera pas fondamentalement la donne malgré les espoirs de certains dont l’actuel secrétaire général de la FSU. Au contraire, il est fortement question d’emplois vieux... Le Premier ministre veut lui, donner une « activité » à chaque Français. La notion d’emploi tend à disparaître. Cette perspective se retrouve dans le plan de cohésion sociale qui veut multiplier les activités de service à la personne, réveillant le souvenir d’une domesticité qui semblait passer de mode. Dans le même temps la période d’essai de deux ans conduit à précariser l’ensemble du salariat, permettant de lutter contre les « rigidités » du droit du travail. C’est tout l’édifice du droit du travail qui vacille de ce fait. Cette période sape les bases du CDI tel qu’il est défini dans le code du travail. C’est l’application du rapport de Virville. Le CNE - Contrat Nouvelle Embauche - créée par ce même Premier ministre, vise à contester sur le fond l’existence même du droit du travail, reposant sur le CDI, contrat de travail à durée indéterminée. La grande majorité du stock de salariés - pour employer ces termes issus justement du libéralisme - est encore sous cette forme d’emplois stables. Ce sont les nouveaux arrivants - le jeunes - qui sont précaires, avec des formes atypiques, CDD, CTT, temps partiel, contrats aidés... Le flux entrant sur le marché du travail est majoritairement précaire. A terme, évidemment, c’est toute la structure du salariat qui en sera changée.

Les travailleurs non qualifiés (TNQ) une construction idéologique

Depuis les années 90, les travailleurs non qualifiés (TNQ) ont fait leur entrée dans le vocabulaire. Il faut aider les TNQ à trouver un emploi.

Les mesures, baisser les charges sociales portant sur les bas salaires. Actuellement, jusqu’à 1,3 fois le SMIC, les employeurs ont droit à l’allégement des charges sociales. Résultat une augmentation des salariés payés jusqu’à 1,3 fois le SMIC. La qualification liée au diplôme n’est plus reconnue.

La qualification - qui sert de base à l’INSEE pour rendre compte des stratifications sociales, les Professions-Catégories Socio-Professionnelles, les PCS, où l’on trouve les « ouvriers » représentants 30% de la population active, à égalité avec celle des « employés » démontrant la montée du « tertiaire » - est une construction sociale, étatique. Les années de formation détermineront la qualification. Dans les années d’après seconde guerre mondiale, peu de salariés ont un diplôme plus élevé que le certificat d’études (CEP) ou le BEPC. La « grille Parodi » - du nom du ministre du travail en 1945 - est une grille de classification permettant aux organisations syndicales de négocier la « technicité », le savoir-faire. Elle prend appui sur les « accords de Grenelle » (1936). En 1961, d’après la CGT (cité dans « Le travail non qualifié », La Découverte), 40% des ouvriers qualifiés de la métallurgie ne possédaient pas le CAP. Les années 60, années de la « massification », changent la donne avec l’élévation du niveau d’instruction des jeunes. Le niveau d’étude des jeunes Français a beaucoup progressé entre 1985 et 1995. Il s’est ensuite stabilisé notent les auteurs des articles du n° d’Economie et Statistique consacré au « Bilan Formation-Emploi (n° 378/379). Les diplômés de l’enseignement supérieur sont deux fois plus nombreux en 1996 qu’en 1985 et représentent, en 2001, prés de 38% d’une classe d’âge. La génération 1974 a étudié 1,7 an de plus que celle de 1966. C’est surtout le collège qui a été l’épicentre de cette massification.

Les TNQ proviennent du « divorce entre la qualification des individus, sa reconnaissance au sein des entreprises et sa mesure statistique assises sur les conventions normatives de l’après guerre. En fait les trois domaines de « production et de reconnaissance » de la qualification que sont le système de formation (l’Education nationale), le système économique (les entreprises) et le système de mesure (les statisticiens) se sont autonomisés. » (opus cité)

Le processus de mondialisation renforce les rangs des TNQ L’internationalisation des firmes - le processus de mondialisation - provoque aussi des changements dans la structure des emplois. L’intégration verticale - des filiales par pays - se traduit par des recrutements de salariés considérés comme qualifiés, avec une formation universitaire de plus en plus poussée. Ce sont, en général, des entreprises dites innovantes. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas le progrès technique ou technologique qui provoquent l’appel vers les travailleurs qualifiés, mais les formes d’organisation et de gestion. (Voir Thomas Coutrot in « Données sociales » 2002-2003, INSEE, « La gestion de la main d’œuvre dans les entreprises innovantes » et le n° spécial, 363-364-365 d’Economie et Statistique, « Les entreprises sur les marchés mondiaux »).

La « responsabilisation » facteur d’intensification du travail

Par contre la « responsabilisation » est à l’ordre du jour, pour les TNQ comme pour les autres. Il faut prendre des initiatives et ne pas compter son temps. Les employés - surtout les employées - sont soumis à cette intensification du travail, le vrai visage de la « conquête de l’autonomie individuelle ». « La multiplication des procédures, note Enjeux-Les Echos d’avril 2005 (un dossier intitulé « Adieu paresse » référence à Paul Lafargue me semble-t-il), met à mal la représentation que chacun se fait du travail bien fait » en même temps que les problèmes de santé et de stress explosent (voir Philippe Askénazy « Les désordres du travail »). C’est une individualisation subie, facteur de solitude et de retrait par rapport au syndicalisme et à la politique en règle générale.

Le temps partiel permet à la fois de diminuer le coût du travail et de faire éclater les acquis sociaux, comme le CDD ou l’intérim. Les situations sont plus complexes, puisque les employeurs se servent de cette « flexibilité externe » pour adapter le flux de main d’œuvre à leurs besoins, les intérimaires ne se distinguant guère des CDI, revenant régulièrement dans la même entreprise. Elle se traduit par une fragilité intériorisée de tous les salariés. Au point de départ de toute cette angoisse sociale que les classes dirigeantes s’efforcent de faire passer sur le terrain individuel - « vous êtes responsable de votre destin, si vous êtes pauvre, c’est de votre faute » - le chômage de masse depuis le tournant de 1974 qui a fait pénétrer le monde capitaliste dans une nouvelle période. Depuis les années 90, la flexibilité du travail est à l’ordre du jour avec la déréglementation nécessaire sur le terrain du droit du travail.

Une nouvelle philosophie est en train de se constituer sur le terrain de la législation sociale, « les droits de l’être humain au travail ». On passerait ainsi d’un droit du travail déterminant des droits collectifs - exceptionnelle par rapport au droit civil - à des droits de la personne, individualisés. Le contrat de travail redevient, de ce fait, la base des obligations réciproques du salarié et de l’employeur. La jurisprudence de la cour de cassation reconnaît de plus en plus de droits individuels liés au contrat de travail du salarié et de moins en moins de droits collectifs. C’est le sens de la partie 2 du TCE, la charte des droits fondamentaux, voulant imposer cette nouvelle philosophie.

« Une économie sociale de marché hautement compétitive » ?

Le « sommet de Lisbonne » quant à lui, a proposé de construire des indicateurs de qualité de l’emploi, permettant ainsi une sorte de référence commune. L’accord des 15 ne s’est pas encore fait sur les indicateurs clés dans les 10 domaines concernés qui va de « la qualité intrinsèque de l’emploi » à « performance économique générale et productivité » en passant « égalité entre les hommes et les femmes », « qualifications, éducation et formation tout au long de la vie ». « La Commission a élaboré une batterie d’indicateurs structurels de performance, résume Olivier Marchand (Données sociales, opus cité), qui se réfèrent aux 4 axes considérés comme prioritaires (...) emploi, innovation et recherche, réforme économique et cohésion sociale. » Le tout dans un cadre qui reste national. L’objectif principal restant la compétitivité...

Enjeux politiques

La construction de ce « concept », TNQ, cache des enjeux politiques. D’une part, il légitime la remise en cause de tous les acquis sociaux à commencer par la protection sociale financée par le salaire indirect (dit « charges sociales » glissement sémantique du grand poète François Mitterrand), grevant les charges des entreprises, sous le prétexte de lutter contre le chômage des jeunes, en fait de les enfermer dans la précarité. La volonté de hausser la part du profit dans la valeur ajoutée conduit à diminuer le plus possible la part des salaires, direct et indirect. C’est le sens des réformes de la retraite par répartition et de l’assurance maladie. D’autre part, il justifie toutes les dégradations des conditions d’emploi, de salaire et de travail.

Derrière donc le débat actuel sur les TNQ et la tendance à remplacer la qualification par la compétence, se cache une restructuration profonde à la fois des emplois, liée en partie mais en partie seulement au processus de mondialisation, à l’impératif de la compétitivité des firmes à partir du moment où elles ont atteint une taille critique sur le marché mondial, la filialisation s’effectuant pour l’essentiel Nord/Nord et non pas Nord/Sud.

Du service public d’éducation analysé comme étant incapable d’assurer l’adéquation de la formation à l’emploi et ce par « bassins d’emploi ». Le plan Borloo via le développement de l’apprentissage qui veut justement formater la main d’œuvre par bassin d’emploi sous prétexte de trouver des emplois pour les jeunes sortant sans qualification du système éducatif signifiant soit sans diplôme soit avec un diplôme ne convenant pas à la demande des employeurs, déstructure le service public d’éducation, par une mise en concurrence. Mais aussi de la forme sociale de l’Etat via les déstructurations du droit du travail et du droit de la Sécurité sociale. La finalité, c’est la construction d’une autre société, la « refondation sociale » conçue par le Medef qui fait de la contractualisation le nec plus ultra de la définition des relations sociales. Le gouvernement actuel poursuit dans cette voie de la révolution libérale.

L’apprentissage, épine dorsale du plan de cohésion sociale. Pour comprendre le développement de l’apprentissage, il faut remonter à la loi quinquennale de décembre 1993 qui oriente la mutation de l’apprentissage, quantitativement - une forte augmentation des effectifs - et structurelle, avec une banalisation des diplômes de niveau supérieur au CAP (cf. Economie et statistique, « Bilan Formation-Emploi » (n° 378/379)). Une première analyse, notent les auteurs de l’étude, montre que l’apprentissage est la filière choisie par les jeunes qui ont eu un parcours scolaire chaotique et veulent se spécialiser dans les métiers de l’industrie. Ils notent que la réussite au diplôme qu’elle que soit le mode de formation reste « un fort déterminant de la primo insertion ». Plus étonnant, les hommes restent les principaux utilisateurs, malgré une progression du nombre de femmes, 29,4% en 2000 contre 24% en 1980. les diplômes niveau V (CAP et BEP) sont plus souvent préparés en apprentissage en 1999 qu’en 1990.

Les grandes entreprises viennent de s’apercevoir qu’elles pouvaient, par l’apprentissage, avoir une main d’œuvre à bon marché qu’elles pouvaient former avec l’aide de l’Etat et des collectivités territoriales. La Tribune du 30 août 2005 titre « Les grands groupes se mobilisent pour l’apprentissage en signant une « Charte pour l’apprentissage ». Elles s’engagent - c’est l’objectif fixé par Borloo - à l’augmenter de 20% en deux ans. « Cette charte, ajoute La Tribune sibylline, « sera relayée dés la rentrée par une série d’actions comme la signature de conventions Etat-régions ». L’alternance comme l’apprentissage rentre dans le cadre de la RSE - Responsabilité sociale des Entreprises -, un département incluant le « développement durable » pour redresser l’image des entreprises et leur donner un tour « sociétal ». Du marketing en quelque sorte.

Derrière ce plan de cohésion sociale de Borloo voulant à marche forcée - même les représentants du Medef trouvent que les objectifs d’augmentation du nombre d’apprentis sont irréalistes - orienter les jeunes vers l’apprentissage, se trouve une nouvelle définition de la qualification. Ce seront les entreprises qui seraient amenées à valider la qualification et non plus l’Education nationale.

C’est le même but qui est poursuivi avec la VAE - la validation des acquis de l’expérience. Cette validation reste, pour le moment, entre les mains de l’EN qui propose des formations pour décerner les diplômes adéquats. Le bilan de l’Allemagne et de son système de formation et de qualification reposant sur l’apprentissage n’est pas tirée, alors qu’il est en train d’être réformé. La validation se faisait par un système de conventions collectives... qui lui aussi, dans le cadre de la crise de la forme sociale de l’Etat, est fortement remis en cause. La logique de la firme prédomine, se traduisant par une grille de compétences non transposables d’une firme à l’autre. La « contractualisation » est une donnée générale de l’organisation de nos sociétés marquée par la « gouvernance ».

Cette « contractualisation » se retrouve dans la déclinaison du plan de cohésion sociale. Il s’agit de donner aux Régions des compétences nouvelles sur le terrain de l’apprentissage en lien avec le PRDF, le plan de développement de la formation. Dans toutes les instances, comme le CCRFP - ex-COREF, Comité consultatif régional de la formation professionnelle - où siègent les représentants des organisations syndicales - CGT, FO, CFDT, FSU, UNSA -, patronales - MEDEF et CGPME -, les Chambres consulaires, le représentant de l’ANPE plus Préfet de région et le président du Conseil régional, les débats portent sur les applications de ce plan Borloo, même en l’absence de décrets et de circulaires d’application. Des contrats doivent être signés entre le représentant de l’Etat central - le Préfet qui voit ses pouvoirs renforcés du fait même de la déconcentration - le Président du CR - qui voit son champ de compétence s’élargir par le biais de la décentralisation - et les « partenaires sociaux ». Chaque région s’efforce de trouver des objectifs. Seulement, développer cette filière de formation - l’apprentissage - aussi follement revient à concurrencer les autres filières. Cette mise en concurrence oblige à redéfinir toutes les filières de la formation initiale, parce que l’apprentissage en fait partie. C’est aussi la mise en concurrence avec l’AFPA... C’est une arme redoutable... De plus, la création des Maisons de l’emploi visent directement l’ANPE et son rôle de service public. Il s’agit bien de mise en concurrence avec les entreprises privées qui auraient les mêmes droits sans avoir les mêmes devoirs. C’est bien d’un éclatement territorial des droits pour chaque personne. C’est aussi un réservoir à la fois de main d’œuvre bon marché - même si des CR ont décidé de créer des CFA publics dans les EPLE, cette question ne sera pas résolue, il faudrait créer un système public de formation continue pour éviter toute mise en concurrence - et une pression sur le marché du travail.

Nicolas Bénies
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