Retour au format normal


Le PS veut perdre ? pourquoi ?
Que se passera-t-il le 22 avril au soir quand Ségolène Royal avec un bon score au premier tour de 30% ne pourra compter que sur les 2% de MGB ?

22 février 2007

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=446



Le parti socialiste croit avoir tiré le bilan du 21 avril 2002.

Jospin s’était engagé dans une campagne de second tour avant le premier, persuadé d’être obligatoirement qualifié. Ce qui lui donnait cette certitude c’était son bilan de « meilleur premier ministre » depuis longtemps décerné par les médias et les sondages. Bien avant le second tour Jospin déclarait que son programme n’était pas socialiste puisqu’il pensait les électeurs de gauche ralliés à priori.

Aujourd’hui les sondages sont le seul outil de réflexion politique du PS qui a d’ailleurs oublié de tirer le bilan du référendum sur la constitution européenne. Les dirigeants du PS se sont dépêchés d’oublier leur décalage avec les électeurs de gauche à cette occasion : ils sont persuadés d’avoir fait disparaître cet épisode et que la menace Sarkosy suffit à jouer dans le sens d’un bipartisme qui leur profite. Ils sont aujourd’hui persuadés que les électeurs du non de gauche sont ralliés après l’échec de la candidature unitaire.

C’est sa victoire dans les sondages qui a permis l’élection de Ségolène Royal, combien de militants s’y sont ralliés parce qu’elle leur semblait la seule capable de battre le petit ministre-candidat.

Pourtant dès ce moment -derrière l’euphorie affichée par les partisans de SR- l’inquiétude d’un nouveau 21 avril subsistait : c’est la raison pour laquelle Hollande et Royal ont tout fait pour empêcher les candidatures à gauche. Du coup le PS joue le seul premier tour en oubliant le second.

Il a eu le ralliement de Chevènement : pour quelques places de députés, il a oublié les divergences de fond sur l’Europe. Il y a eu la marginalisation de Taubira dans le PRG ( dont nos élus locaux du PRG issus d’un mouvement citoyen qui ont parrainé SR qui n’en avait pas besoin plutôt que Voynet alors que les Verts étaient leurs alliés électoraux aux dernières régionales)

Tout ceci fait parti des négociations les plus classiques entre les partis politiques installés, les électeurs, pensent ils, n’ont pas besoin de savoir quels sont les termes de la négociation.

Ces ralliements suffisent à créer une situation politique complètement différente de celle de 2002. L’addition des voix Jospin, Taubira, Chevènement suffit à mettre la candidate socialiste hors de portée du FN .

La présence de SR au second tour est assurée : la question est comment battre Sarkosy.

Pourtant la direction Hollande-Royal va plus loin que les ralliements : elle se livre à un véritable embargo sur les signatures avec les consignes interdisant de parrainage des candidats hors PS et monopolisant les signatures des élus socialistes.

Quelle stratégie se cache derrière ces pratiques politiquement désastreuses pour le PS et qui font l’impasse sur le 2ème tour ?

Devant une telle incompétence à analyser la situation de la part de gens qui ont pourtant les moyens de la faire, on est en droit de s’interroger sur la (ou les) stratégie réelle du (ou des) groupe dirigeant sauf à tomber dans les attaques personnelles [1]

Plusieures hypothèses viennent à l’esprit .

La volonté d’asseoir les positions de pouvoir dans le PS lui-même en faisant beaucoup mieux que Jospin . L’enjeu n’est pas de gagner la présidentielle mais de garder le pouvoir dans le PS en liquidant définitivement les anciens courants pour assurer le règne sans partage d’un blairisme à la française : il me semble important d’insister sur la dérive antidémocratique que nous avions déjà soulignée lors de la campagne pour le NON le véritable "rapt" de la souveraineté populaire, ne laissant aux citoyens qu’à voter pour des personnes qui ne prennent pas les décisions (cf : les parlements européen et français) [2]

Pour cela une nouvelle cure d’opposition dans une France d’après sarkosyste est perçue comme un mal nécessaire : nous aurions là une stratégie de l’échec jouée délibérément par de fractions de l’appareil PS dans le dos des militants et des adhérents qui eux ont voté Ségolène pour gagner.

On comprend pourquoi le PS liquide les Verts qui peinent à recueillir des signatures et qui ne pourront peut être pas avoir de candidate : l’espace futur contre la droite se reconstruira avec une composante écologiste symbole d’une modernité politique que le PS veut s’accaparer, sa dimension sociale se réduisant de plus en plus.

On comprend aussi pourquoi la présence d’une gauche de gauche est un danger : s’il s’agit de viser la liquidation de « l’exception française » il faut détruire la gauche de gauche. Faute de quoi le débat restera ouvert, y compris chez les militants du PS sur la possibilité d’une transformation sociale.

Une autre stratégie peut être à l’œuvre : préparer une alliance au centre, séparer Bayrou de la droite parait à certains le seul moyen de sortir de la domination du champ politique par le lepeno-sarkosysme. Pour cela il faut que le PS ait les coudées franches à gauche. Un PCF moribond, réduit à quémander quelques postes de députés puis de maires, ne présente aucun danger parce qu’il sera incapable de changer quoi que ce soit dans le champ politique. Il faut donc que Bové ne puisse se présenter pour rendre impossible un espace à gauche pour un changement de majorité.

Ces stratégies devraient pouvoir être débattues en toute clarté [3].

Mais comment dire à ceux qui font les frais de la politique de la droite qu’ils doivent patienter encore 5 ans ? Comment expliquer aux électeurs de gauche que Bayrou qui a voté la plus grande partie des lois antisociales de la législature va accepter de tout remettre en cause ?

De plus ce même Bayrou devient l’organisateur des courants de droite qui refusent le sarkosysme et de ce fait son poids politique grandit. Ce qui rend plus difficile un renversement d’alliance surtout s’il n’est pas assumé clairement. La direction du PS n’a pas le courage politique de faire le pas et de s’appuyer sur une partie de l’électorat convaincu par le dépassement du clivage droite gauche.

Peut être ressent-elle la faiblesse de sa stratégie qui ne s’appuie que sur l’évolution du microcosme politique ? Car ces façons de voir ne se fondent que sur les évolutions internes des forces politiques existantes avec un zest seulement d’intervention citoyenne. Dans les faits le PS persiste à nier la crise de la représentation politique et la demande de nouveaux rapports entre les politiques et les citoyens : là est sa grande faiblesse surtout dans un contexte de crise du système libéral et de montée des mouvements sociaux.

Elle ne peut dès lors concevoir une stratégie pour gagner , malgré les intentions affichées de SR sur la démocratie participative.

Ce sont des pans entiers de la société qui se détournent de la représentation politique traditionnelle. Tout le monde ou presque le dit pour les quartiers populaires abandonnés par la gauche de gouvernement à Le Pen ou à l’abstention. Mais c’est aussi vrai dans des couches qui jusqu’à présent avaient fourni sa base à la gauche, les enseignants, surtout militants, qui, pour se venger de l’affront Allègre, avaient fait défaut en 2002 ou d’autre professions de la « petite noblesse d’Etat » abandonnées elles aussi dans la santé, le social...

Le chantage à la menace sarkosyste est insuffisant à remobiliser toutes ces catégories qui veulent du changement significatif et durable : la dérive vers un système à l’américaine de vote élitaire nécessiterait un autre niveau de combats politiques.

La gauche, même libérale, est dans une impasse si elle se laisse enfermer dans ce système où seuls les riches votent. L’expérience du parti démocrate aux USA devrait pourtant fournir un sujet de méditation : ce n’est qu’au terme d’échecs rpétés de Busch et sa bande que le parti démocrate a péniblement récupéré une majorité à l’assemblé.

Le PS aujourd’hui ne peut à lui seul, ce d’autant plus qu’il est passé à coté de beaucoup de mouvements sociaux, prétendre représenter l’ensemble du peuple de gauche.

Il est indispensable qu’il laisse s’exprimer une autre gauche et d’abord, pensons-nous, celle représentée par ce qui se fait autour et avec José Bové. Les possibilités de battre la droite passent par une mobilisation de la gauche que nous représentons et donc la possibilité d’être présent au premier tour. Nous sommes bien au delà d’une gestion administrative des parrainages, d’une tactique électoraliste de bas étage. Il ne faut pas refaire l’analyse bêtement arithmétique qui faut celle de 2002, parce dans ce cas 30 ou même 35 + 2 ça fait une grande défaite.

Perdre aujourd’hui, et dans ces conditions, c’est aussi porter un mauvais coup à la démocratie.

Etienne Adam


[1] derrière la belle unanimité avec Ségolène, divers groupes poursuivent leurs stratégies propres et la position dénoncée ici est peut être la résultante de diverses forces plus ou moins clandestines dans le PS. Sans vouloir reproduire la vieille et inefficace invocation division base sommet, on ne peut s’empêcher de penser que les sommets du PS poursuivent une logique plus proches des sommets de l’Etat et des entreprises que de leurs propres militants ou même élus

[2] Pascal Lamy est socialiste, quelle a été sa pratique comme membre de la commission européenne, en particulier comme négociateur à l’OMC ? les choix libéraux « réalistes » de certains les conduisent à accepter une réduction de la démocratie. Le participatif est pour eux une nouvelle forme de gouvernance qui transfère les lieux de pouvoirs et les rend encore plus inaccessibles aux citoyens.

[3] d’ailleurs certains ont fait ce choix comme ces 30 hauts fonctionnaires socialistes s’intitulant Spartacus mais courageusement anonymes qui soutiennent Bayrou. Comme Besson, cadre de Véolia, ce n’est pas une grande perte pour la gauche !

Retour au format normal