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Dany, le plus rouge du tout, et ses fans
questions sur une réunion publique

20 mai 2005

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=186



Nous avons eu hier soir un spectacle affligeant lors du meeting vert-PRG. Certes, l’acteur principal était en forme, plein de brio offrant à cette partie de son public acquise d’avance ce qu’elle attendait.

Mais c’est cette qualité dans la prestation artistique qui me semble inquiétante : pendant 2 heures nous sommes sortis du débat politique pour une politique spectacle digne des plateaux de télé que Mr Cohn Bendit (DCB) fréquente trop.

Bien sûr un meeting de ce genre est fait aussi pour galvaniser ses partisans pour leur donner le courage ( et il leur en faut !) de faire campagne pour le oui.

Mais ce qui m’a frappé hier soir c’est le décalage entre cette politique spectacle où l’on casse de l’adversaire et ce que nous voyons ailleurs, dans cette campagne de politisation sur le fond, de discussions réelles sur les contenus où chacune et chacun apporte sa pierre à l’analyse.

Et j’ai compris pourquoi les verts pensaient impossible une renégociation : ils ne voient pas quelle vague de fond antilibérale se manifeste à cette occasion, quelle intensité connaît le débat et la mobilisation populaire.

Dans ces conditions il n’y a que les forces "installées" qui comptent. C’est pourquoi DCB a exorcisé les démons du PC, du trotskisme sous les applaudissements enthousiastes d’une salle ravie de donner court à un anticommunisme primaire des plus primaire.

DCB s’est cru obligé de dénoncer ATTAC comme organisation antidémocratique qui fonctionne par cooptation en oubliant de dire que la décision sur le référendum a été acquise, par un vote par correspondance, à une très large majorité 80%. C’est dire que son discours va bien au delà de l’anticommunisme.

Ce qui me semble le plus dangereux dans ce discours, c’est la rupture avec tout ce qui fait le mouvement social et qui vote non.

Tout est ramené au complot trotskyste et communiste. leur autre Europe, nous dit DCB, c’est l’Europe de l’Est : chacun appréciera le retour d’une veille pratique, de la part de celui qui disait "laissons la peur du rouge aux bêtes à cornes !"

DCB, l’ancien activiste, a oublié les mobilisations contre la guerre en Irak, les Forums sociaux Européens, les mouvements sociaux contre le libéralisme pour tout analyser en termes d’arrogance française de ringardisme souverainiste. Ce faisant il s’est livré à la guerre au Non de gauche considéré comme l’adversaire principal comme le faisait Jospin au même moment à Nantes.

Ainsi pour nos partisans du Oui qui se disent de gauche, l’ennemi est à gauche. Aucune analyse n’est faite des bases sociales du non de gauche, de ce refus populaire, majoritaire chez les ouvriers, les employés de cette Europe que les bien-pensants, ceux qui savent ce qui est bon pour le peuple, font sans eux, et même contre eux.

Bien sûr, comme il ne pouvait pas tout dire, il y a eu des oublis : DCB a parlé de la CES ( sans donner des éléments sur le fonctionnement bureaucratique de cette représentation de l’UE dans le monde syndical), de l’eurocrate CGT Joel Decaillon mis en minorité dans sa propre organisation ( mais c’est sans doute encore un complot stalino-trotskyste !). mais il a oublié de citer l’UNICE et le MEDEF qui déclarent comme Sarkosy, que la constitution permettra d’en finir avec l’insupportable exception sociale française.

Et pour cause, car les discours de DCB et des vedettes américaines qui l’ont précédé ont fait la part belle à la dénonciation de cette exception française trop vite assimilée à un simple nationalisme. A l’inverse des leaders verts et PRG, les gens ordinaires ne veulent pas que l’on remette en cause leur système de droit du travail, de protection sociale autrement que par le haut.

Et matière de droits sociaux, je veux ici poser la question que je n’ai pas pu poser : les donneurs de leçons démocratiques n’ont pas permis le débat avec la salle !

Cette question est la suivante : « vous nous dites qu’il n’y a pas de reculs, alors expliquez nous pour quoi, en matière de droits sociaux, la charte, déjà en recul par rapport à des textes européens antérieurs, a été récrite depuis Nice dans un sens restrictif ( à l’anglaise dit son auteur !) en remplaçant le verbe « devoir » par le verbe « pouvoir » : on a ainsi des articles qui sortent du droit contraignant. Expliquez nous pourquoi vous acceptez qu’il soit inscrit dans ce traité que les droits doivent être interprétés selon l’autorité du praésidium Giscard, cette interprétation étant, comme prévisible, réactionnaire et restrictive comme on le voit sur le droit de grève qui n’est pas rétabli pour nos amis britanniques puisque le droit thatcherien continue de s’appliquer ? »

Mais il est vrai que le sujet de ce jeudi n’était pas la constitution telle qu’elle est, mais telle que l’auteur de politique fiction qu’est DCB veut nous la vendre.

Je dois avouer une certaine tristesse devant les applaudissement de certains qui ont été à un moment à nos côtés dans les combats contre le libéralisme.

En assistant à ce pitoyable spectacle, je me disait que nous avons dans le camp du non de gauche autrement plus de moyens pour relancer une autre Europe que ces verts là enfermés dans leur acceptation du traité et incapables de concevoir qu’un autre possible s’est ouvert.

Plus que jamais je suis persuadé que le non doit l’emporter.

Etienne Adam
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