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Peut’on voter non ?
Un référendum avec un seul bulletin ?

13 septembre 2004

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=70

Les réactions à la déclaration de Fabius sont inquiètantes pour l’avenir d’un débat démocratique sur la "Constitution-Giscard". Une fois de plus ceux qui ont construit une Europe antidémocratique veulent éviter tout choix politique. L’Europe dont le monde à besoin mérite mieux !



Pourra-t-on voter non ? la question n’est pas superflue.

Les réactions à la prise de position de Laurent Fabius sont une bonne indication sur le type de campagne que nous allons connaitre pour le référendum.

C’est la suite logique de toute la démarche de construction européenne que nous avons connue depuis des décennies. Tout se négocie dans la plus grande clandestinité entre experts et fonctionnaires. Ils font ensuite appel au peuple pour légitimer par le vote ce qui a été décidé sans lui. Et nos dirigeants expliquent qu’il n’a pas d’autre choix que de voter oui, sinon c’est la crise ou bien le triomphe de l’égoisme national et de la xénophobie etc...

Que le peuple soit rassuré, on ne le prend pas plus pour un imbécile que les députés auxquels les gouvernements demandent de voter la transcription des lois européennes sans pouvoir refuser cette ratification : puisque l’Europe a déjà décidé, s’opposer à la ratification c’est prendre le risque d’être condamné par la cour de justice.

Ainsi va le fonctionnement de l’Europe qui restreint l’espace de débat démocratique, et c’est pourquoi le non à la “constitution giscard” est une nécessité absolue.

La bataille pour le non sera aussi une bataille pour le droit à un débat démocratique.

Nous ne nous arréterons pas aux arguments minables de la majorité sur les considérations de tactique interne au PS qui sacrifient l’Europe. Ce ne sont pas Sarkosy, Raffarin, Chirac et compagnie, qui depuis des mois, se servent de l’Etat pour le contrôle de l’UMP, qui peuvent nous donner des leçons de morale. On peut simplement constater que ceux qui dans les médias font, sur le dos des libertés , la pub de Sarkosy feraient bien de faire montre d’un peu de pudeur.

Mais, après tout, ceux là nous ont largement habitué à leur partialité.

Plus inquiétant du point de vue du débat démocratique est le comportement de la presse dite d’information. Si “Ouest France” a rendu compte de l’information sans commentaires ( mais Hutin le réac n’a pas encore frappé !), “Le Monde”, lui, s’est livré à une exécution en règle qui dessine dèjà ce que va être le discours de “l’élite” que “Le Monde” s’éfforce de représenter.

Dans l’éditorial de l’édition du 11 septembre, appelé “la faute de Fabius”, le débat sur le référendum est clos : en se prononcant pour le non, Fabius s’est mis hors du jeu politique, il n’est plus digne de remplir des fonctions politiques : citons “...il oublie qu’une candidature ne vaut pas de renoncer au sens de l’Etat et de l’Histoire.

C’est clair voter non c’est renoncer au sens de l’Etat, c’est donc s’exclure de la possibilité de devenir président de la république. Mais il y a plus grave que le brevet de respectabilité présidentielle, c’est le problème de Fabius, pas le notre.

Le non contre le sens de l’histoire

Refuser l’Europe telle que la construisent les gouvernements actuels c’est s’opposer au sens de l’histoire. Le non est un non sens absolu. Ainsi les traités qui les uns après les autres ont construit cette Europe libérale et antidémocratique ne sont pas des choix politiques qui, à tout moment, peuvent être remis en question, mais une nécessité absolue, une loi naturelle. Pour les besoins de la cause on nous évoque un “sens de l’histoire” qui, s’il ne joue plus pour l’avénement d’une société plus juste, joue encore pour un type de construction européenne de plus en plus contestée.

Cette façon de voir les choses nous en dit long sur la possibilité de remettre en cause des dispositions du traité. Les mêmes nous raillent quand nous parlons de l’option libérale gravée dans le marbre par le traité, nous disent qu’on pourra toujours changer les choses et dans le même temps nous opposent un "sens de l’histoire" qui discrédite radicalement ceux qui disent non.

Bien sur, “le Monde” est un journal “objectif” et il daigne reconnaitre qu’il y a des problèmes “ses arguments sont loin d’être irrecevables” mais c’est pour ajouter aussitôt que “là n’est pas la question”. Qu’on se le tienne pour dit, le débat est clos.

Toutes les critiques sont valables mais il est impossible de s’isoler “dangeureusement de la gauche européenne, qui unanime soutient les avancées...”. “Le Monde” montre ainsi qu’il est, malgré les apparences, un journal de gauche puisqu’il se préoccupe des conséquences pour le PS, mais aussi parce qu’il ressemble à L’Huma de l’époque où “on ne peut avoir raison tout seul contre le parti” , argument curieux pour ceux qui se invoquent sans arrêt le respect du débat démocratique.

Au passage “Le Monde” n’hésite pas à inventer une unanimité de la gauche européenne. Certes c’est l’unanimité des directions des partis, et de gouvernants qui n’ont rien à envier à Raffarin pour la liquidations des droits sociaux : Blair et sa politique anti syndicale et Shroeder pour sa chasse aux chômeurs. Or, que ce soit dans le parti travailliste ou dans le SPD, nombreuses sont les oppositions à cette constitution .

Questions aux donneurs de leçons

La peur de nos elités eurobéates, c’est le retour au traité de Nice, “déplorable traité” dit l’éditorialiste, qui laisserai l’Europe “stagner durablement”. Mais quelle est la responsabilité de tous ces partisans de la constitution Giscard dans la signature du traité de Nice ?

Chirac fera-t-il mieux que ce déplorable traité qu’il a négocié ?

Au PS les beni oui- oui attendent Jospin et son appui : espérons que Lionel pour une fois fera son autocritique et nous expliquera qu’il est un des auteurs d’un traité de Nice. Il devra aussi nous expliquer par quel miracle la constitution Giscard est une rupture avec les traités antérieurs qui nous mènent à l’impasse. Quelles avancées sont suffisantes pour modifier radicalement les choses dans un traité qui reprend les traités antérieurs et la même logique ?

Pour notre part nous refusons de croire ce “demain on rase gratis” et nous voulons imposer un vrai débat démocratique pour dire non à la constitution européenne. Nous n’accepterons pas de nous laisser enfermer, par “Le Monde” ou par d’autres, dans le choix entre le oui honteux et le oui enthousiaste.

La campagne sera dure. Si l’on en croit la présentation des sondages 70 % des français sont pour le oui... mais on oublie de dire que 60% ne se prononcent pas. Voilà le genre de coups tordus que nous allons connaitre. Il faut s’y préparer.

Il y urgence à regrouper les forces de ceux qui ne veulent pas de cette Europe-là mais d’une autre Europe dont nous sommes nombreux à gauche et dans le mouvement altermondialiste à vouloir construire.

Ne laissons pas les eurobéats ni les souverainistes nous imposer le choix entre l’Europe libérale ou l’impossible retour sur des Etats autoritaires.

Etienne Adam
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