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Sur la zone franche urbaine
Intervention au conseil municipal du 3 juin 2003

3 juin 2003

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=28



Nous ne pourrons voter cette délibération.

D’abord parce que nous ne partageons pas votre optimisme sur l’effet pour les personnes habitant ces zones de ce dispositif.

Bien sûr, nous avons lu le rapport du sénateur André Pierre présenté en juillet dernier au Sénat. Nous y avons vu des chiffres qui lui permettaient de faire un « bilan incontestable » et une « appréciation d’ensemble très positive » qui lui permet de balayer vite les problèmes. Je ne reviendrai pas sur les coûts pour la collectivité, dont je pense qu’il pourrait y avoir une affectation plus efficace. Je ne reviendrai pas non plus sur la contradiction entre la volonté de réduire les dépenses de l’Etat et le fait de distribuer largement des subsides à des entreprises privées que seule la main invisible du marché devrait aider.

Il y a eu, nous dit le rapport sénatorial, 46000 emplois créés dont 15000 sont des emplois transférés. Ce n’est pas rien et cela mérite qu’on s’y arrête un peu. Le rapport se félicite que le quota d’embauches de personnes résidant dans les ZFU prévu par la loi soit dépassé : il est vrai que quand on met la barre aussi bas, 25%, on atteint facilement le résultat. Si l’on prend le chiffre le plus haut, 30 %, il y a eu environ 14000 habitants des quartiers visés embauchés soit moins de 2 % de la population totale. Ce chiffre seul devrait modérer l’enthousiasme, ce d’autant plus que l’entreprise peut maintenant embaucher dans toute la Zone Urbaine Sensible et pas seulement la ZFU.

Sur la qualité des emplois le rapport nous dit que 85 % sont des emplois en CDI (ramené à 9/10ème dans le résumé) mais quand on lit bien on s’aperçoit que ce chiffre comprend aussi des CDD de 12 mois. Quant à la part d’emplois à temps partiels, aucune mention sauf à la page 47 où on regrette que la loi SRU impose un horaire minimum de 16 h/semaine.

Cette question de l’emploi à temps partiel est fondamentale puisque c’est dans cette catégorie que l’on trouve les salariés pauvres, catégorie en pleine croissance comme la montée ce mois du chômage à temps partiel le montre. Or, les quartiers classés ZUS sont ceux où la précarité touche déjà un actif occupé sur (contre 1/8 sur l’ensemble du territoire).

Je crois qu’il faut être prudent quant aux résultats à atteindre, et se rappeler que la période où cette augmentation de l’emploi s’est faite de 1997 à 2001, est une période de reprise et de création d’emplois et qu’aujourd’hui nous sommes dans une période de stagnation voire de récession si le gouvernement maintient sa politique contre l’emploi. Un seul exemple : concernant les zones franches, votre majorité vient de supprimer la disposition qui excluait des aides les entreprises qui avaient licencié dans les 12 derniers mois.

Enfin, il est utile de rappeler que la création d’emplois ne veut pas dire baisse du chômage. Dans l’ensemble des ZUS le nombre de chômeurs a progressé de 100 000 soit un quart en 10 ans. Si la population a baissé de 6 % (+3%), la population active occupée a chuté de 15%(+3%). Le rapport sénatorial insiste sur l’inemployabilité des habitants des ZFU (p32) et c’est ouvrir la voie à des aménagements encore plus favorables aux entreprises.

2ème point : votre dispositif est exclusivement centré sur l’aide aux entreprise privées les plus classiques comme en témoigne la composition du comité d’agrément : y sont présentent les chambres consulaires mais pas les représentants de l’économie sociale et solidaire qui auraient pu être sollicités sur cette question. Enfin rien n’est prévu pour l’emploi public qui portant peut s’inscrire dans le dispositif. Il y a là des choix extrêmement significatifs de votre conception de la politique économique : libérale puisqu’il faut laisser agir la libre entreprise et elle seule ! On doit regretter l’absence dans ce comité d’agrément des organisations syndicales qui ont des informations sur les chasseurs de primes, et qui pourraient veiller aux transferts d’emploi abusifs et aux effets d’aubaine. Regretter aussi l’absence de ceux qui travaillent sur l’insertion des personnes en difficultés, et l’absence des associations d’habitants.

3ème point : le plus grave à mon sens : c’est la mise en place du RMA et ses conséquences sur les quartiers où la population de Rmistes est importante. Votre gouvernement, en toute hâte, et après une consultation-éclair du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, et sans concertation comme le dénoncent toutes les associations, vient de soumettre au Sénat un projet de loi qui permet de fournir de la main d’œuvre à 4.3 € de l’heure, non pas seulement aux activités d’utilité publique comme le demandait Rodolphe Thomas, mais à tous les employeurs. Le taux de subvention de ces emplois à temps partiel varie entre les 2/3 et 85 %. Ce dispositif vient percuter ce que vous nous présentez aujourd’hui : demain vous ne ferez plus recette avec votre Zone franche à moins que dans le débat parlementaire vous donniez la possibilité de cumuler RMA et autre avantages de la ZFU. Auquel cas ce n’est plus de zone franche dont il faudra parler mais de tiers-mondisation de certaines zones urbaines.

Quant aux Rmistes, au nom desquels on prétend agir, ils perdront 1800€ par rapport au dispositif d’incitation actuel soit près de 1000 F par mois ! Tout cela pour des droits très réduits à la retraite (2 trimestres pour un an à 20 h par mois). Il est facile de prévoir que ce dispositif deviendra un quasi dispositif de travail forcé avec la décentralisation du RMI, qui viendra perturber le marché normal de l’emploi aggravant encore chômage et précarité.

Alors le rapport du Sénat a bien raison de s’inquiéter du commerce de proximité : « la question est donc de conserver des commerces dans les quartiers à faible pouvoir d’achat ». Je ne suis pas du tout sûr que la zone franche y réponde. Mais avec le RMA, je suis sûr que la pauvreté va encore s’aggraver.

Etienne Adam
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