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L’Europe à droite, l’Amérique Latine à gauche

15 juin 2009

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=787

Un petit texte pour nous reppeler que nous ne sommes pas seulement responsables devant celles et ceux qui sont les plus grandes victimes du libéralisme sécuritaire sarkozyste en France mais aussi de ceux qui, au Sud, subissent aussi le même système



Les Européens ont inventé l’expression « gauche » et ont exporté ses grands théoriciens, qui, à leur tour, ont été, pendant plus d’un siècle et demi, les références pour les gauches d’autres régions du monde. À présent, l’Europe devient le bastion de la droite et la gauche européenne vit son moment de plus grande faiblesse tandis qu’elle se fortifie en Amérique Latine.

Les partis traditionnels de gauche sont défigurés puisque plusieurs d’entre eux ont appliqué rigoureusement les politiques néolibérales - comme c’est le cas en Espagne, en France, en Angleterre et en Allemagne.

Les syndicats sont très fragilisés en raison des politiques de flexibilité du travail, du chômage, de l’exploitation chauvine contre les travailleurs émigrés.

La gauche radicale s’isole et se divise. C’est un décor dominé par la droite voire l’extrême droite.

Un continent qui vit bien, mais qui est, plus que jamais, éloigné de la réalité de la périphérie : il ne veut rien changer et, de plus, culpabilise les victimes pour ses problèmes - immigration, terrorisme. Un continent qui a préféré consolider son alliance subordonnée avec les Etats Unis plutôt que s’allier à la périphérie, dans la lutte pour un monde meilleur .

L’Europe vote à droite, avec une hégémonie conservatrice, car elle est le grand vainqueur de la mondialisation néolibérale tandis que l’Amérique Latine, victime du néolibéralisme, vote à gauche. L’Europe rejette la gauche tandis que l’Amérique Latine la revendique et essaie de la réinventer.

Tandis que les européens rejettent le marxisme, la pensée critique latino-américaine cherche à l’appliquer avec créativité.

Tandis que le vieux continent renforce le capitalisme de façon conservatrice et autoritaire, avec des politiques rigides contre l’immigration, les pays latins tels que la Bolivie et l’Equateur, revendiquent leurs immigrants et élisent ses représentants pour les systèmes politiques de leurs Etats refondés.

Tandis que l’Europe se représente dans des leaders droitistes et autoritaires comme Sarkozy, Berlusconi, Merkel, l’Amérique latine exhibe cinq présidents, main dans la main, lors du Forum Social Mondial à Belém - Evo Morales, Rafael Correa, Lula da Silva, Hugo Chavez, Fernando Lugo - tous outsiders de la politique traditionnelle et qui commencent à construire « un autre monde possible ».

L’Europe s’est transformée en un bastion du conservatisme du monde, en remplaçant la traditionnelle posture solidaire de la gauche de l’après-guerre par l’égoïsme consumériste d’aujourd’hui.

Elle a promu son intégration pour mieux se positionner sur le marché mondial et pour devenir encore davantage un continent forteresse, fermé sur soi.

Alors que l’Amérique latine promeut des processus d’intégration solidaire qui permettent d’éliminer l’analphabétisme au Venezuela et en Bolivie, de rendre la vue à presque deux millions de latino américains, de former les premières générations de médecins pauvres par le biais de l’ALBA, de fonder une banque régionale - la Banque du Sud - pour financer ses propres projets de constituer le Conseil Sud Américain de la Défense pour résoudre les conflits internes dans la région et de fortifier sa sécurité face aux menaces externes.

La récente élection de Maurcio Fuentes au Salvador confirme, une fois de plus, cette tendance latino-américaine à chercher dans la gauche - modérée ou radicale - la solution à ses problèmes et surmonter le néolibéralisme, forgé et exporté du centre du capitalisme vers nos pays grâce à des gouvernements alliés.

Tandis que l’Amérique Latine privilégie l’unité du Sud contre le néocolonialisme et la domination impériale du centre, l’Europe, congelée, devient une sorte de musée qui tourne le dos au monde que nous voulons construire. L’Amérique Latine est un laboratoire d’expériences pour la construction de ce nouveau monde.

Emir Sader

Sociologue et collaborateur du journal Carta Maior. Texte traduit à partir du blog do Emir du 08/06/2009, par Marta Fantini.

http://www.cartamaior.com.br/templa...


Emir Sader

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Emir Sader

Emir Simão Sader (São Paulo, 13 juillet 1943) est un sociologue brésilien.

D’origine libanaise, il est diplômé de l’université de São Paulo en philosophie et titulaire d’un master de philosophie politique et d’un doctorat en science politique de cette même université, où il a ensuite enseigné la philosophie puis la science politique. Il a également été chercheur au centre d’études socio-économiques de l’université du Chili et professeur de politique à l’Université d’Etat de Campinas (Brésil). Il est actuellement professeur retraité de l’Université de São Paulo et dirige le laboratoire de politiques publiques (LPP) de l’université de l’état de Rio de Janeiro, où il est professeur de sociologie. [1]

Penseur d’orientation marxiste, Sader collabore à des publications nationales et étrangères et est membre du conseil éditorial du périodique anglais New Left Review. Il a présidé l’association latino-américaine de sociologie (ALAS, 1997-1999) et est un des organisateurs du Forum Social Mondial. Il est notamment l’auteur de A Vingança da História (« La vengeance de l’Histoire »).

Etienne Adam
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