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Les enfants juifs français
et Sarkozy

16 février 2008

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=572



« mais à l’heure du couvre feu des doigts errants

avaient écrits sous vos photos « morts pour la France »

Aragon Strophes pour se souvenir 1955

Dans la ville du mémorial il est des mots qui sont encore plus durs à entendre.

« à partir de la rentrée scolaire 2008, tous les enfants de CM2 se [verront] confier la mémoire de l’un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah » a déclaré Sarkozy au dîner du CRIF. ( voir site de la présidence de la république p.8)

Bien sur cette initiative donne lieu a un débat sur l’utilité de jouer ainsi de l’affectif à la place de la réflexion historique.

Je ne suis pas sûr comme le disent certains que l’appropriation individuelle de l’histoire d’un enfant particulier soit de nature à traumatiser des enfants confrontés aujourd’hui à la violence dans les médias. Mais précisément le caractère virtuel de cette violence médiatique risque fort de faire perdre au parrainage des enfants déportés le caractère de leçon historique et ainsi de redoutablement le banaliser.

Mais ce genre d’initiatives surprises fait partie de la gouvernance sarkozyste : aucune réflexion, et surtout pas scientifique, sur les conséquences de telle ou telle proposition, l’essentiel est de faire un coup médiatique. Je comprends que certains au CRIF émettent des réserves, s’inquiètent devant un coup médiatique dont l’objet réel n’est pas de combattre l’antisémitisme par la compréhension historique, mais d’en rester dans le registre des émotions.

L’objet du discours sarkozyste est de paraître se distancier du pétainisme dont l’accable le philosophe Alain Badiou et de masquer une autre partie du discours profondément réactionnaire sur « le monde sans dieu » qui aurait favorisé le nazisme : «  Le drame du XXème siècle, de ces millions d’êtres projetés dans la guerre, la famine, la haine, la séparation, la déportation et la mort, n’est pas né d’un excès de l’idée de Dieu, mais de sa redoutable absence. »  [1]

Mais il est un mot de trop dans cette phrase sur les enfants victimes de la Shoah, et ce mot en dit long. On va célébrer la mémoire des enfants français mais les autres ? Les juifs étrangers -qui "envahissaient la France devenue poubelle de l’Europe" comme l’écrivait la presse d’extrême droite- et leurs enfants déportés n’ont ils pas le droit à la mémoire ?

Ces enfants arrêtés par la police et la gendarmerie françaises, livrés aux nazis par des Papons petits et grands doivent’ils être oubliés ?

Ne doit- on pas en parler parce que le candidat-président a dit pendant sa campagne que la France ne pouvait être impliquée dans des crimes contre l’humanité ? [2]

Après l’oubli des jeunes résistants juifs (ou autres : arméniens, espagnols...) quand Sarkozy veut célébrer la jeunesse résistante, nous avons là des trous de mémoire significatifs.

Est ce parce que ce rappel de la souffrance de « ces étrangers et nos frères pourtant » comme disait Aragon ferait désordre face à la chasse aux étrangers d’aujourd’hui ?

Etienne Adam

Etienne Adam


[1] dans le même discours Sarkozy tout en prétendant ne pas vouloir mettre en cause la laîcité se livre à une apologie des réligions :Jamais je n’ai dit que la morale laïque était inférieure à la morale religieuse. Ma conviction, voyez-vous, c’est qu’elles sont complémentaires et que, quand il est difficile de discerner le bien du mal, ce qui, somme toute, n’est pas si fréquent, il est bon de s’inspirer de l’une comme de l’autre.

[2] "Même en 1940, quand Vichy édictait l’immonde statut des Juifs, vous saviez que la République n’était pas dans ce crime et que la France éternelle était plus grande que sa faute du moment" (souligné par nous).discours au CRIF. La "france éternelle" celle de l’affaire Dreyfus par exemple ?

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