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Attali, l’Attila libéral

13 octobre 2007

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=506



Avoir été le sherpa de Mitterand ne suffit pas à faire de Jacques Attali un homme de gauche.

Qu’il ait accepté une mission de Sarkozy - la présidence de la Commission pour la Libération de la Croissance Française (CLCF) - n’est pas pour surprendre : la « gauche » de noblesse d’Etat dont il est un des représentants n’est pas si loin de cette droite décomplexée dans une conception du monde qu’elles partagent.

Libérer la croissance française les termes ne sont pas le signe d’une démarche neutre, scientifique mais bien la reprise de l’expression libérale de mettre fin à des réglementations qui entravent la liberté d’entreprendre. Quant à la croissance française ça sent bon son identité nationale...

Quand Attali est un vieux réac

Ce que tout le monde a retenu c’est la remise en cause de l’inscription dans la constitution du principe de précaution, mesure qui ne présente pourtant aucun caractère d’exception française de radicalisme écologique.

Ce qui explique la réaction de Nathalie Kosciusko-Morizet :"La polémique qui se développe sur le principe de précaution est assez réactionnaire. Il y a un conservatisme particulier à toujours vouloir voir dans l’environnement une limite à la croissance » ou encore « La proposition de la commission Attali, qui veut que l’environnement soit contre la croissance, qu’il soit un frein à la croissance, est une vision réactionnaire ».

Cette réaction est juste, mais Attali est il seulement devenu un vieux réac ?

La secrétaire d’Etat pourrait vite déchanter dans son ardeur écologique.

Ceux qui ont poussé la commission Attali dans ce sens ne sont pas n’importe qui. Le Figaro nous livre les réflexions de fond sur le sujet de Francois Ewald.

Ce dernier compère de Kessler à la Fédération des sociétés d’assurances est aussi un des idéologues de la Refondation Sociale du MEDEF livre de chevet de Sarkozy ( le président, pas le dirigeant du MEDEF). Leur objectif est d’en finir avec 1945 Une droite d’avant 1945, plus précisément leur cible est ce préambule sur les droits sociaux issu du programme du CNR (Conseil Nationale de la Résistance).

François Ewald a aujourd’hui une démarche curieusement semblable mais sur le terrain de l’écologie : voici ce qu’il dit d’après le Figaro de ce matin : « parce qu’il figure dans la Constitution, comme une valeur, ce principe peut être perçu par les industriels comme une source d’incertitude pour leur avenir. Or, dans certaines industries qui réalisent des investissements lourds, il faut avoir une visibilité à très long terme sur les normes ».

Bref, pour François Ewald, « pour les industriels, il vaut mieux que le principe de précaution sorte de la Constitution pour figurer dans le domaine du droit public, où il a plus sa place ».

Et sortir de la Constitution rend ce principe plus facile à mettre en cause, et permettra aux employeurs d’être sécurisés c’est à dire de ne pas voir leur profits mis en cause par des réglementations.

C’est bien là une démarche libérale qui nous montre les limites pour concilier capitalisme et écologie.

Jusqu’à présent les grands groupes capitalistes se sont peu préoccupé de l’avenir de la planète et celles et ceux qui pensent comme Nathalie Kosciusko-Morizet que « L’écologie représente un nouveau moteur pour la croissance, une réserve d’emplois et d’investissements durables qui justement peuvent repousser les limites actuelles pesant sur l’activité. » risquent de ne représenter qu’une fraction minoritaire du capitalisme ou une stratégie pour repeindre en vert le productivisme comme le fait la FNSEA avec son agriculture « raisonnée » et son agro-bussiness-carburant.

Quand le sherpa devient pousse-caddy

La commission a réussi ce tour de force de parler d’augmentation du pouvoir d’achat sans évoquer la possibilité d’augmenter les salaires, ce qui est quand même une nouveauté, mais uniquement en baissant les dépenses des ménages. Nul doute que pour cette position qui laisse intacte la répartition salaires-profits Attali et sa bande vont s’attirer les félicitations du MEDEF !

Mais il vont surtout s’attirer les louanges (et un caddy gratuit ?) de la grande distribution qui est la grande bénéficiaire des mesures préconisées sur la déréglementation du commerce.

Ils répondent à de vieilles revendication des dirigeants de la grande distribution sur la suppression de l’interdiction de vente à perte « instaurer le principe de liberté tarifaire dans la distribution et le commerce de détail, en levant les interdictions de revente à perte et de discrimination tarifaire » et la liberté complète de négociation entre les grands groupes et leurs fournisseurs « l’objectif d’une augmentation du pouvoir d’achat des ménages par réduction des prix des biens à la consommation dans le secteur de la distribution de détail ne pourra être pleinement atteint qu’à la condition d’une totale liberté des négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs ».

Pour faire bonne mesure le développement de la grande distribution est censé permettre le développement de nombreux emplois et peut importe si ceux ci sont des emplois à temps partiels voire très partiels et si ces créations s’accompagnent de destruction dans le petit commerce pour lequel le rapport multiplie les voeux pieux et les bonnes intentions quand le grand commerce a droit lui aux mesures précises évoquées ci-dessus.

Il n’y a que les libéraux bon teint pour croire que les baisses de prix obtenues par la grande distribution seront automatiquement reversées dans les poches des consommateurs et les chiffres de baisse des prix annoncées ne seront qu’effet d’annonce.

Enfin le rapport laisse croire que ce sont les fournisseurs (tous assimilés à des grands groupes industriels) qui sont en position dominante dans la négociation des prix.

Ce n’est pas le cas et le renforcement des pouvoirs de la grande distribution prévu risque de se traduire par une fragilisation de beaucoup de petits fournisseurs avec des risques pour les emplois. Il y a une curieuse cécité sur le place de la grande distribution dans la délocalisation d’activités industrielles.

Ainsi va la gauche sociale libérale : de conseiller de Mitterand on devient pousseur de caddy pour Leclerc. Il n’est pas anormal qu’avec de telles amitiés on oublie les problèmes des petits salaires...

Le logement, au service des propriétaires

Le logement est l’autre dimension des gains de pouvoir d’achat envisagée par la commission. Les constats sont assez justes, la proposition de construire 500 000 logements par an jusqu’en 2010 montre une prise de conscience des conséquences désastreuses de la crise du logement.

Par contre un trop grande place est laissée au privé dans la récupération du foncier nécessaire dans les zones où les besoins sont forts : il manque le bilan des politiques de soutien fiscal à la construction qui ont donné lieu à une véritable transformation du secteur du logement en un produit financier comme un autre avec des demandes de rentabilité forte avec des conséquences sur l’augmentation des coûts et des coût du logement en particulier.

De manière identique, les dispositions prévues de création d’un nouveau statut, fiscalement intéressant, pour des entreprises liée à la construction et à l’exploitation de logement traduit une confiance dans le capitalisme de marché là où il a pourtant échoué ces dernières années, nous ramenant même au niveau des pires époques de mal logement d’après-guerre.

La commission a certes mentionné l’importance de politiques publiques volontaristes (par exemple : « Organiser la compétence de l’Etat pour réapproprier le foncier disponible des communes dans lesquelles la construction de logements sociaux ne répond pas aux objectifs de la loi SRU (loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain). ») mais les propositions restent insuffisante sur la nécessité de l’action publique dans ce domaine pour répondre à un droit contre une marchandisation qui bafoue ce droit.

Enfin il est dans l’air du temps, au moment même où les forces de l’ordre expulsent avec violence les mal-logés, de parler de sécuriser le régime des expulsions quand cette sécurisation vise à les rendre plus faciles : en particulier en limitant aux cas les « plus difficiles « le pouvoir d’appréciation des juges. Décidément l’autorité judiciaire n’a plus la coté dans ce pays !

Enfin chacun appréciera l’objectivité de cette commission indépendante en voyant la place faite à la doctrine sarkozyste de la France des propriétaires : « Proposer d’ici 10 ans à tous les locataires modestes d’accéder à la propriété, à travers des financements adaptés ». Comme si la crise des subprimes n’avait pas existé, la commission continue dans son idée de vendre les HLM aux pauvres qui les habitent.

Si c’est là le socialisme de Jacques Attali, on comprend qu’il se sente bien au cotés de Kouchner la guerre, Bockel le blairiste, Amara qui trouve sans doute dégueulasse qu’on lui demande de renoncer à son fromage ministériel, au service de Sarkozy.

Etienne Adam
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