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Qui craint le grand méchant loup islamiste ?

7 février 2011

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=1030



Depuis hier les médias s’acharnent à ressusciter la crainte des frères musulman en Egypte.

Alors que l’opposition égyptienne dans la variété des ses composantes constitue un front, la presse met l’accent sur la reconnaissance des frères musulmans à qui l’on prête, au moins par sous entendus le projet d’instaurer en Égypte une république islamiste. Certains reportages prennent acte de la transformation physiques des islamistes « les barbus se sont rasés » mais pour suggérer aussitôt la duplicité : ces islamistes là font semblant d’être comme tout le monde parce qu’ils ont choisi d’avancer masqués, de cacher leurs noirs desseins.

Pascal Boniface dans son blog met en évidence la « mauvaise foi » de nos intellectuels de droite à la pointe du combat des civilisations et de la défense de l’occident judéochrétien.

http://pascalbonifaceaffairesstrate...

Il montre que les sous entendus, les présupposés idéologiques de la campagne qui va du « choc des civilisations » de Samuel Huntington à la vulgate de Bush et de ses complices ( Cheney vient encore de déclarer son amitié pour Moubarak) sont encore bien vivaces même si l’histoire les a condamnés.

Je vous conseile de lire une interview détonante donnée sur Al Jazira, par philosophe slovène Slavoj Zizek :

"Ce qui se passe en Egypte est la preuve ultime que l’idée cynique selon laquelle les peuples musulmans préféreraient la dictature et le fondamentalisme religieux à la démocratie est complètement fausse. Ce qui s’est passé en Tunisie, et ce qui se passe en ce moment même en Egypte, c’est justement la révolution universelle pour la dignité, les droits de l’homme, la justice économique. C’est l’universalisme en marche ! (...)

Un manifestant a dit "Je suis fier d’être égyptien". Moi, je suis fier d’eux. Ils nous ont donné une leçon. Les peuples arabes prouvent de façon éclatante qu’ils comprennent ce qu’est la démocratie. En faisant ce qu’ils font, ils prouvent qu’ils la comprennent beaucoup mieux que l’Ouest et ses politiques anti-immigration. C’est le meilleur argument jamais vu à la télé contre toute cette nullité sur le choc des civilisations. A partir du moment où des gens se battent contre la tyrannie, on doit tous être solidaires.

La peur de l’extrémisme religieux est absurde. J’ai lu quelque part que plus de 30% de la population américaine croyait au diable et aux fantômes. (...) " [1].

On peut comprendre que BHL qui fit il y a peu d’un philosophe imaginaire un auteur réel soit capable de s’inventer un danger islamiste immédiat qui n’existe pas. On peut comprendre que les 2 autres défenseurs acharnés des néos-cons et de leur alliés israéliens ressassent les antiennes qui ont fait le succès de la droite...

Ce qui est plus difficile à comprendre c’est que la grande majorité des médias soit incapables de voir que la révolution démocratique en Tunisie, et l’insurrection démocratique égyptienne ont totalement mis à mal cette idéologie qui pour justifier la « guerre préventive contre le terrorisme islamique » a construit un islamisme qui englobait tous les peuples arabes et toutes et tous dans ces peuples.

Idéologie raciste sur l’infériorité de ces peuples, qui sous entendait l’idée d’un développement séparé qui rend la démocratie inaccessible à ces peuples et justifiait le soutien à tous les dictateurs.

Certains ont naïvement cru que la force des faits s’était imposée à nos médias qui allaient même jusqu’à faire des éditions spéciales depuis la Tunisie.

Brusquement tout le monde reconnaît qu’il n’y a pas de risque islamique en Tunisie ( après avoir dit le contraire pendant des années)

La façon dont les nervis de Moubarak ont traité les journalistes semblait aussi avoir accéléré la prise de conscience sur la réalité des dictatures et celle des mouvements populaires.

Mais concernant l’Egypte, les enjeux géopolitiques sont si graves, remettent en cause les intérêts de l’occident et de son relai local l’Etat colonialiste israélien : devant de telles craintes que les vieilles habitudes reviennent au galop.

Il faut la stabilité « la pax américana » en Egypte, il faut éviter de poser le problème central : il ne peut y avoir de démocratie dans les pays du proche orient sans remettre en cause la politique de mépris du droit international d’Israel.

Alors il faut que les égyptiens accepte le moins mal c’est à dire le maintien d’un régime dictatorial corrompu à condition qu’il change de look et devienne un peu présentable pour l’opinion publique.

Pour faire le patron des services secret égyptien pour un modèle de démocrate rien de tel que d’agiter l’épouvantail islamiste.

Et tant pis si ce sont le jeunes démocrates égyptien qui sont sacrifiés sur l’autel de ce réalisme.

Tout cela est inadmissible !

Etienne Adam


[1] je ne partage pas cet optimisme face à l’extrémisme religieux : les centaines de milliers de morts iraquiens de la croisade évangéliste de Bush ne doivent pas être oubliés

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