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« J’ACCUSE : LE MANIFESTE »

13 février 2011

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=1036

Introduction à « J’Accuse - Le Manifeste »

Le texte et l’action "J’ACCUSE - LE MANIFESTE" développés ci-dessous sont à l’initiative du « Comité de soutien aux 4 de Tours », qui, depuis juillet 2010, réclame la relaxe des quatre militant-e-s solidaires des sans-papiers traduit-e-s en correctionnelle pour diffamation sur plainte de Brice Hortefeux. Ce dont on les accuse ? D’avoir alerté l’opinion sur l’usage possible des fichiers scolaires par les préfectures, pour repérer les familles sans-papiers, les arrêter, les expulser du territoire - et fait référence à des méthodes utilisées pendant l’occupation.

Le prochain épisode judiciaire de cette affaire, c’est l’audience du 17 février 2011 au tribunal correctionnel de Tours. Mais au-delà du résultat, ce procès est symptomatique des choix répressifs du pouvoir, pour affaiblir les militants de la solidarité, pour museler la protestation

contre toutes les formes de régression dans le domaine des libertés et des droits de tous, quelle que soit leur nationalité.

Aux attaques du pouvoir, le texte et l’action« J’Accuse - Le Manifeste » répliquent par 7 accusations majeures contre lui. Ses indignations et ses dénonciations, nous vous demandons, à vous organisations politiques, associations, syndicats, à vous, hommes et femmes, à vous humains, de les partager, en vous engageant et en le signant sur http://manifeste.baleiniers.org .



« J’ACCUSE : LE MANIFESTE »

J’accuse les gou­ver­ne­ments et les diri­geants de l’État français de ne pas res­pecter les enga­ge­ments inter­na­tionaux de la France à travers la Décla­ration Uni­ver­selle des Droits de l’Hommeet la Convention Inter­na­tionale des Droits de l’Enfant.

J’accuse les gou­ver­ne­ments et les diri­geants de l’État français de dis­cré­diter par là même les valeurs fon­da­trices de ces textes et les enga­ge­ments pris en notre nom.

En effet, en pro­clamant, en 1789, la Décla­ration des Droits de l’Homme et du Citoyen et en adoptant comme devise «  Liberté, Égalité, Fra­ternité  », la France a pris la res­pon­sa­bilité his­to­rique que, venant d’elle, toute vio­lation de ces prin­cipes est une mise en cause des valeurs portées par ces textes et un blanc-​​seing offert aux dic­ta­tures.

L’application à des boucs émis­saires - les sans-​​papiers, les étrangers, ceux qui mani­festent de la soli­darité à leur égard - de mesures atten­ta­toires aux libertés et aux droits fondamentaux, constitue la pré­misse de l’installation d’une forme d’État dont nous serons tous les victimes.

J’accuse les gou­ver­ne­ments et les diri­geants de l’État français d’atteinte aux droits fon­da­mentaux liés à la vie humaine.

Ainsi je m’indigne que, sous pré­texte qu’elles sont sans papiers, des per­sonnes puissent être privées d’ «  un niveau de vie suf­fisant pour assurer leur santé, leur bien être et ceux de leur famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les ser­vices sociaux néces­saires »,

Je m’indigne par exemple de la fin de la gra­tuité des soins pour les sans-​​papiers pauvres.

Je m’indigne que des per­sonnes et des familles ne puissent béné­ficier des pres­ta­tions familiales nécessaires à une vie décente alors que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ».

Je m’indigne que le Conseil d’État puisse sug­gérer au Préfet de Paris de loger les sans-​​papiers sous des tentes. Je m’indigne de la des­truction des habitats des familles Roms et des gens du voyage.

Je m’indigne qu’il ait fallu faire condamner 19 fois par le Tri­bunal Admi­nis­tratif le Préfet d’Indre-et-Loire, pour qu’il applique la loi sur le droit à l’hébergement des deman­deurs d’asile.

Je refuse de m’habituer à la pré­carité et je conti­nuerai à lutter contre toutes ses formes, pour tous.

J’accuse les gou­ver­ne­ments et les diri­geants de l’État français d’atteinte au respect dû à la per­sonne humaine.

Je m’indigne notamment de la bru­talité poli­cière lors d’arrestations ou d’expulsions.

Je m’insurge contre les arres­ta­tions à proximité des écoles comme celle qui a eu lieu, à Tours, le 7 janvier 2011, à la sortie de l’école Paul Bert.

Je m’indigne de l’existence de Centres de Rétention Administrative où sont « retenus », c’est-à-dire parqués, des hommes, des femmes, des enfants, sur simple décision administrative.

Je m’indigne que l’on puisse séparer un enfant de l’un de ses parents alors que « Les États parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les auto­rités com­pé­tentes ne décident, sous réserve de révision judi­ciaire et confor­mément aux lois et pro­cé­dures appli­cables, que cette sépa­ration "est néces­saire dans intérêt supé­rieur de l’enfant. ».

Je m’indigne que la légis­lation relative à l’entrée et au séjour en France crée une caté­gorie de tra­vailleurs cor­véables à merci parce que privés des droits liés au travail : « 1. Toute per­sonne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des condi­tions équi­tables et satis­fai­santes de travail et à la pro­tection contre le chômage. 2. Tous ont droit, sans aucune dis­cri­mi­nation, à un salaire égal pour un travail égal. 3. Qui­conque tra­vaille a droit à une rému­né­ration équi­table et satis­fai­sante lui assurant ainsi qu’à sa famille une exis­tence conforme à la dignité humaine et com­plétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de pro­tection sociale. 4. Toute per­sonne a le droit de fonder avec d’autres des syn­dicats et de s’affilier à des syn­dicats pour la défense de ses intérêts. »

Je refuse de m’habituer à toute forme de dis­cri­mi­nation et je m’engage à lutter contre toutes les régres­sions des droits de la per­sonne et pour leur extension à tous.

J’accuse les gou­ver­ne­ments et les diri­geants de l’État français de pra­tiques atten­ta­toires aux libertés. « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opi­nions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans consi­dé­ra­tions de fron­tières, les infor­ma­tions et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »

Je m’indigne des pré­ten­tions du gou­ver­nement français à interdire à des citoyens la réflexion sur les ensei­gne­ments à tirer de l’Histoire, notamment celle de la période Vichy pour les quatre prévenu-​​e-​​s de Tours.

Je m’indigne de toutes les ten­ta­tives d’intimidation visant à l’instauration d’une autocensure.

Je m’indigne aussi des atteintes à la vie privée que repré­sentent par exemple les sus­pi­cions quasi sys­té­ma­tiques de « mariage blanc » et les entraves au mariage qui pèsent sur les couples mixtes alors que « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbi­traires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa cor­res­pon­dance, ni d’atteintes à son honneur et à sa répu­tation. »

Je refuse de m’habituer à des pra­tiques liber­ti­cides. Je conti­nuerai d’exiger que l’exercice de la citoyenneté ne soit pas réduit au fait de glisser un bul­letin dans une urne et je m’engage à lutter pour les droits et libertés fon­da­mentaux et leur extension pour tous.

J’accuse les gou­ver­ne­ments et les diri­geants de l’État français de mettre à mal la soli­darité humaine, valeur supé­rieure à toute autre consi­dé­ration.

Je m’indigne notamment du non-​​respect du droit à l’éducation : « Toute per­sonne a droit à l’éducation. » Comment un enfant de « sans-​​papiers » peut-​​il étudier quand il ne sait pas s’il y aura quelqu’un, pour lui, à la sortie de l’école, où il dormira le soir même et donc où il pourra faire ses devoirs ?

Je m’indigne qu’à dix-​​huit ans un jeune voie ses études s’interrompre bru­ta­lement parce que, devenu majeur, il devient clan­destin. Je m’indigne que des lycéens, des apprentis et des étudiants se voient interdire les stages et la vali­dation de leur année sco­laire ou uni­ver­si­taire. C’est en par­ti­culier vrai de tous les cursus en alter­nance qui néces­sitent un titre de séjour portant la mention « travail » ou de ceux qui exigent des stages à l’étranger.

Je m’indigne de toutes les pra­tiques admi­nis­tra­tives qui rejettent, excluent, entravent bru­ta­lement une insertion en cours ou acquise depuis de longues années.

Je m’indigne de la xéno­phobie d’État incarnée par un ministre qui a signé la hon­teuse cir­cu­laire du 5 aout 2010 qui, sous couvert d’évacuer des cam­pe­ments illi­cites, visait expli­ci­tement une popu­lation : les Roms. Je m’indigne que demeure au gou­ver­nement, un ministre condamné par la Justice pour propos racistes.

Je refuse la cri­mi­na­li­sation de toutes les formes de soli­darité, par exemple avec les expulsés menottés, bâillonnés... Je refuse d’accepter toute poli­tique qui écrase les soli­da­rités pour mieux diviser la société. Je m’engage à contribuer à la recons­truction d’une société soli­daire et humaine.

J’accuse les gou­ver­ne­ments et les diri­geants de l’État français d’instaurer des espaces d’arbitraire de plus en plus étendus.

Je m’indigne de l’existence et de la mul­ti­pli­cation des fichiers et des dérives liber­ti­cides qu’ils engendrent, sans parler de leurs uti­li­sa­tions poten­tielles, par exemple pour mettre la main sur des sans-​​papiers, à travers leurs enfants, avec Base-​​élèves.

Je m’indigne que la légis­lation sur les étrangers per­mette d’ancrer dans notre droit la pré­do­mi­nance du pouvoir de l’administration sur celui des juges - les recon­duites aux fron­tières, les pla­ce­ments en rétention sont des déci­sions administratives. Ainsi le sort de dizaines de mil­liers de per­sonnes dépend du bon vouloir de fonc­tion­naires pré­fec­toraux. Le projet de loi dit LOPPSI 2 étend ce pouvoir de l’administration à de nou­veaux domaines comme le déman­tè­lement des camps et de l’habitat non-​​conforme. La même loi ins­taure déjà deux caté­gories de Français dont une peut être déchue de sa natio­nalité.

Alors que, près de Gre­noble, police et gen­dar­merie s’entrainent ensemble pour former des esca­drons de la guerre sociale (les UMIR, unités mixtes d’intervention rapide), le Ministre de l’Intérieur attaque une décision de Justice afin de prendre la défense de poli­ciers qui avaient fabriqué de fausses preuves. Est-​​ce le signe de ce que sera la société de demain ?

Je refuse de me laisser prendre au piège de tous les dis­cours popu­listes et je m’engage à lutter contre la xéno­phobie, contre le racisme, et contre leur bana­li­sation comme ins­tru­ments des poli­tiques de régression sociale en France, en Europe et dans le monde.

Je m’engage et je signe : http://manifeste.baleiniers.org/

contact@baleiniers.org -http://baleiniers.org

Etienne Adam
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