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Ils n’aiment pas...manifestons !
à propos de la manifestation du Havre

22 mai 2011

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=1073



Interviewé dans le cadre du projet Alter-Echos www.alter-echos.org à l’occasion du Forum Social de Dakar, Moussa Tchangari, d’Alternative Niger, revient sur ses attentes envers les G8-G20 et les mouvements citoyens.

« Nous n’avons rien à attendre d’une réunion du G8 ou du G20. Parce que habituellement ces réunions n’enfantent rien. Malgré la crise économique mondiale qui affecte beaucoup les pays du G8, et qui affecte aussi indirectement les autres pays, il n’y a aucune raison que cela change. Leur rôle est de maintenir le système en l’état, si besoin de prendre quelques mesurettes pour divertir et donner le change. Mais pas plus.(...) Nous ne devrions pas avoir pour objectif de nous faire entendre par les dirigeants du G8. Tant qu’il n’y a pas un rapport de force mondial qui l’impose, ils ne toucheront pas à ce qu’ils considèrent comme essentiel. Il s’agit de renverser concrètement l’ordre qui est en place. C’est par des luttes, par des mouvements intenses, presque insurrectionnels, mais bien organisés, qu’on pourrait arriver à inverser réellement la tendance. Nous devons passer à l’offensive. »

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Voilà ce qu’il faut avoir en tête pour comprendre ce qui s’est passé au Havre, ce qui se passe aujourd’hui autour de Deauville. Ces réunions ne servent à rien mais ils faut qu’elles se tiennent pour donner l’impression que les dirigeants du monde apportent des réponses aux maux que la crise du capital fait subir aux peuples de la planète.

Mais il faut aussi minorer la contestation de ces réunions de l’élite mondiale, et pour cela ne pas hésiter à multiplier les obstacles à la liberté d’expression et de manifestation.

Bien sur nous sommes dans un pays démocratique et il n’est pas question d’interdire. Quoique Deauville sera à partir de mercredi une zone interdite protégée par près de 12 000 policiers, CRS, gendarmes et militaires [1]. Chacun peut voir les gendarmes sur tous les ponts d’autoroute, la mise en place de badges obligatoires pour accéder à la ville : il faut montrer patte blanche, justifier de sa résidence dans ce haut lieu du tourisme de luxe, fief d’une droite liée aux possédants. Pour les dirigeants locaux, ce sommet est une rente !

La menace terroriste a bon dos pour justifier toutes ces restrictions au droit d’aller et venir. C’est ce que le préfet du Calvados agite comme un hochet pour couper court à ceux qui l’interroge sur le coûts exorbitant de l’organisation d’un tel sommet.

Ce qui s’est passé au Havre ce week-end est aussi significatif d’une stratégie de la tension visant à décourager la contestation.

Bien sur ceci n’explique totalement pas la faiblesse de la mobilisation contre le G8. La ritualisation, la répétition, de ces sommets créé une accoutumance peu propice à un fort niveau de mobilisation : reconnaissons le, le collectif sur Caen a eu beaucoup de mal à démarrer et s’est sans doute trop déchargé de la mobilisation sur les camarades du Havre.

Il nous faudra aussi préciser la stratégie vis à vis de ces G8 : nous ne manifestons pas pour faire pression sur cette réunion des grands de ce monde, Moussa Tchangari montre bien qu’elle telle pression n’a pas d’intérêt.

Nous n’avons pas pour l’instant le rapport de forces, les « mouvements intenses, presque insurrectionnels » qui pourraient empêcher ce type de réunion destinée à servir uniquement la communication des gouvernements qui veulent donner l’impression qu’il agissent.

Dans une certaine mesure ces manifestations sont dérisoires face aux enjeux, elles ne peuvent espérer jouer sur les résultats d’un sommet prévu pour ne rien faire. Mais elles sont néanmoins nécessaires : il n’est pas question pour celles et ceux qui contestent « l’ordre du monde capitaliste » de ne pas réagir même symboliquement pour dénoncer ces G8 et leur dire de dégager.

C’est d’abord notre responsabilité vis à vis de peuples du Sud les plus victimes de cet ordre là. Il est important de montrer que cette mascarade ne se passe pas tranquillement dans le silence complice de tous ici.

D’ailleurs la stratégie de la tension menée au Havre par les pouvoirs publics est une indication des enjeux pour eux, de ces manifestations.

Ils ne sont pas idiots : le discours sur le terrorisme, sur les casseurs, il n’y croient pas et ils avaient même les moyens de savoir qu’il ne se passerait rien de ce coté. Les divers services de renseignements sont suffisamment au point pour apprécier les risques à leur juste valeur : tout comme ils avaient prévu la présence et l’action des Blacks- Blocs à Strasbourg pour le sommet de l’OTAN, la police savaient qu’il ne seraient pas au Havre.

Dès lors pourquoi prendre des mesures comme s’ils ne le savaient pas ? Pour créer un climat peu propice à une participation populaire locale, pour marginaliser le plus possible les opposants au G8.

Durant les jours précédents les rumeurs ont couru, créant au Havre et aux alentours un climat de psychose collective : d’après ce que’ nous ont dit des commerçants havrais la chambre de commerce, les autorités locales avaient conseillé la fermeture des magasins.

C’est bien l’attitude des pouvoirs publics qui a déclenché les rumeurs sur toutes la région : il n’y aurai pas de trains, Le Havre sera inaccessible...

Une mention particulière pour la mairie du Havre (ou les autorités de police) : afin d’épuiser physiquement les terroristes qui peuplaient les bus le parking de ces bus était situé le plus loin possible de la fin de la manifestation ! Après un aussi longue marche, ils ne disposaient plus de l’énergie nécessaire pour casser ! Un petit conseil : c’est à l’aller et non au retour qu’il faut imposer la mardhe d’usure !

Une autre mention particulière pour le procureur de Lisieux qui a fait du zèle : les 2 bus de Caen ont été contrôles par la gendarmerie sur réquisition de ce procureur qui autorisait les contrôle d’identité dans une période et une zone sensibles !!!

Une telle décision est un atteinte aux libertés élémentaires puisqu’elle permet à la police de contrôler les déplacements de citoyens sans qu’aucun délit ne le justifie !

Ainsi les dirigeants sécuritaires habituent la population à ce genre de surveillance de l’Etat sur les citoyens : voilà encore des dispositions législatives qu’il faudra abroger !

C’est donc dans une ville déserte que nous avons défilé, avec un contact très restreint avec la population locale au vu du parcours long mais excentré.

L’ampleur des mesures prises par les autorités montre qu’elles étaient bien conscientes des enjeux en termes de lutte politique et idéologique, qu’il fallait au maximum limiter ce qui peut contester, y compris dans des formes pacifiques et légales, la légitimité du G8.

Voilà pourquoi il nous faut continuer à manifester comme ce sommet des riches et contre celui là organisé par notre président des riches au moment même où il nous prépare des nouvelles mesures pour voler les pauvres au profit des riches : réforme de la fiscalité Réforme de la fiscalité du patrimoine :, et surtout projet de réforme constitutionnelle qui enfermera toute les politiques publiques dans le carcan libéral (nous y reviendrons)

Etienne Adam


[1] en ces temps d’augmentation du prix du pétrole et de «  l’intérêt » porté au gaz à effet de serre ( pour justifier le nucléaire) il est cocasse de voir que la compagnie de CRS de Rennes fait l’aller retour faute d’avoir trouvé ici un hébergement à son goût !

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