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Vous changez le visage de la ville
Intervention sur le renouvellement urbain et les révisions de plan d’occupation des sols

15 décembre 2005

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=270



Ce que vous nous présentez appelle 4 réserves, pour ne pas dire plus, de ma part :

-  1- je vous ai déjà dit en janvier qu’avec ce type de délibération vous changez le visage de la ville sans mener le débat en ces termes. Vous n’apportez aucune correction à cette façon de faire.

Nous allons décider là de machins techniques rébarbatifs, inaccessibles aux citoyens. Comment peuvent ils se retrouver quand le commissaire enquêteur écrit par exemple : «  Le commissaire-enquêteur n’ira cependant pas jusqu’à dire qu’il est parfaitement logique de modifier quelques mois plus tard les règles relatives aux formes urbaines arrêtées dans l’article UAd »

Il ne s’agit pas seulement des rives de l’Orne et de l’institut Lemonnier, ce que nous allons décider, ce que vos allez décider, aura des effets sur le foncier, les logements,les loyers dans tout le territoire de la ville voire au delà.

Ces orientations sont susceptibles de modifier par exemple la composition sociale de la ville j’y reviendrai sur le logement.

Ce n’est pas rien, et pourtant vous faites cela bien vite. Le commissaire enquêteur a rendu son rapport le 10 novembre et les commissions municipales en ont été saisies le 28 pour nous proposer les délibérations de cette importance au vote le 12 décembre.

Tout ceci a été traité bien rapidement et cette précipitation est dommageable à la démocratie d’abord mais aussi à la ville : une ville est faite par ses habitants autant que par les urbanistes et là les habitants n’ont guère eu le temps de s’approprier les projets.

J’ai cru comprendre que c’était aussi l’avis du commissaire enquêteur qui a pourtant rendu un avis favorable au projet : "Le commissaire-enquêteur partage assez largement l’avis de Monsieur Paul DENIS et pense qu’il est indispensable de bien réfléchir afin de ne pas approuver une révision simplifiée qui puisse compromettre l’urbanisation future de l’ensemble de la zone "

Pouvez vous me dire pourquoi vous n ’avez pas tenu compte de ce jugement ?

-  2- je ne reprendrai pas ce que j’ai déjà dit sur le caractère « pharaonique » du centre d’affaire à coté de la gare.

Pas seulement parce qu’il s’agit de tours ( défi à la sécurité et aux économies d’énergie) mais parce que vous prévoyez des dizaines de milliers de m2 de bureaux ( 20000 maintenant, 45000 plus tard ou au total ce n’est pas clair).

Vous ne vous préoccupez pas du nombre de m2 de bureaux vides qui pèse sur le marché foncier et immobilier.

Vous concevez un tel ensemble autour de la gare sans vous interroger sur la qualité des liaisons ferroviaires.

Nous constatons tous la dégradation du service public offert par la SNCF. Je ne parle pas seulement de la liaison Caen Tours ( notre voie vers le sud) dont elle veut se désengager mais aussi de Mantes -Cherbourg. Tous les usagers vous dirons la dégradation de cette ligne - pourtant jugée rentable selon les nouveaux critères de gestion-. Obsédée par la rentabilisation immédiate libérale , la direction de la SNCF sacrifie des lignes comme celle qui dessert Caen au profit de celles à plus forte rentabilité.

J’aimerais entendre tous ceux qui se précipitent au secours des usagers face aux cheminots grévistes, exiger avec la même force le retour à un service national de transport public pour toutes les villes.

Avec des trains qui multiplient les retards quel avenir pour un centre d’affaire proche d’une gare ?

Pourquoi alors ce choix ?

-  3-je vais revenir sur la question du logement, du logement social, du logement pour les plus défavorisés puisque le mal logement, la crise du logement sont encore des réalités pressantes comme nous le verrons tout à l’heure dans le rapport des HLM.

On peut se féliciter de voir apparaître du logement social dans le projet, mais cela reste pour l’instant une promesse et non une garantie absolue, mais ce qui est prévu est totalement insuffisant,

Quant au nombre 32 tout de suite et 300 on ne sait quand... C’est un traitement à dose homéopathique de la crise du logement.

Vous plafonnez le logement social dans ces constructions neuves à 20% en prenant le plancher fixé par la loi SRU comme un plafond à ne pas dépasser.

Je vous avais déjà dit que cela aboutit à baisser la part des logement sociaux sur Caen, vous continuez ! « afin de répondre à une forte demande de logements non encore satisfaite sur la ville( et c’est bien de la reconnaître enfin !) il est proposé de réaliser des logements sur le secteur des rives de l’Orne dont 20% seraient des logements sociaux conformément à la loi SRU..

Le commissaire enquêteur approuvait la suggestion de passer à 25% ce qui ne faisait que 75 logements de plus. Pourquoi sur ce point ne l’avez vous pas suivi ?

Vous laissez donc au privé la très grande majorité des constructions. Compte tenu du caractère attractif de ce quartier, vous facilitez ainsi la poursuite de la hausse des prix des logements.

Et ceci n’est pas sans conséquences sur la possibilité de faire du logement social.

Quel office HLM pourra suivre une telle pression sur le foncier ?

Quels types de logement sociaux, accessibles à qui pourront être construit dans ces secteurs ?

Ou alors, comptez vous réserver les terrains de la ville à Caen-Habitat ?

-  4-Le projet, le plan guide ressemble plus à un dépliant publicitaire - bien fait !- pour des opérateurs, pour les attirer par des conditions de valorisation de leurs opérations, qu’à une politique publique planifiée démocratiquement.

Sur le financement de ces opérations d’urbanisme,vous nous avez affirmé,Madame le Maire, que ce serait une opération « fiscalement équilibrée »sans conséquences sur les impôts locaux : c’est donc le capital qui sera maître d’oeuvre.

Un de vos collègue a eu cette formule criante de vérité : « c’est le marché qui déterminera la taille des tours ».

Dans le texte qui nous est soumis une très grande place est donnée aux « opérateurs » ,c’est à dire le capital privé, et à leurs demandes et besoins.

Un bon exemple nous est donné à la page 118 : « concernant les logements réservés aux étudiants aux revenus les plus modestes[...]rien ne s’oppose à une opération de logements étudiants sur le site des rives de l’Orne si un opérateur ou le CROUS ( mais ce dernier n’en a pas les moyens) en fait expressément la demande à la ville » : en d’autres termes la ville ne veut pas de logements étudiants dans un quartier où ils auraient eu leur place (accès trains et tram pour les sites universitaires).

Ainsi le rôle de la puissance publique se réduit à créer les conditions favorables d’action du privé.

C’est ce dernier qui décidera parce que c’est lui qui est le payeur.

C’est une vision libérale de la politique urbaine qu’il faut rejeter.

La ville, son évolution doivent appartenir aux habitants non aux groupes privés même déguisés sous le nom d’opérateurs

Etienne Adam
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