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Mourir pour le code du travail ?

3 septembre 2004

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=60

Il nous parait important de publier cette réaction à chaud de Gérard Filoche suite au meurtre d’une inspectrice du travail et d’un contrôleur de la MSA, assassinés par un patron.

Derrière cette affaire, que la presse se précipite à mettre sur le compte de la dépression, c’est bien la hiérarchie de l’information qui est en cause comme l’indique la lettre aux journalistes que nous publions ci-dessous. Mais, au-delà, c’est la hiérarchie des valeurs dans notre société que cela remet en cause.

Nous nous sommes élevés dans le dernier numéro du "Pourquoi Pas ?" contre l’été meutrier des médias : qui décide qu’il faut faire la une avec une mythomane et reléguer en entrefilet — comme Ouest France de ce jour [1]— le meurtre de personnes dont le rôle est de faire appliquer les lois protectrices des salariés.

Nous attendons une réaction indignée de la FNSEA et les larmes de crocodilles du baron...

(Etienne Adam)



C’est la premiére fois dans l’histoire

L’assasin avait prévenu “mon nom sera dans le journal, pas en bien”.

Il faisait travailler des clandestins, cueilleurs de prunes saisonniers misérables. Lors du contrôle de routine de nos collègues, il en a tué un direct d’une balle dans l’abdomen. Puis il a assassiné la fille de 40 ans qui s’enfuyait, d’une balle dans le dos. Quand il y a deux journalistes otages, tout le monde se bat pour les libérer. Mais, là, nos collégues n’en ressortiront pas, ils sont morts.

Ce n’est pas un fait divers.

C’est la défense des droits des salariés qui est en jeu

Cela doit faire la “une” !

Les lois, le code du travail, les faire respecter est-ce que cela mérite la mort ?

Ils sont morts tous les deux.

Inspecteurs du travail, ils faisaient respecter les lois de la République pour les saisonniers. En l’occurrence des cueilleurs de prunes (18 % d’entre eux n’ont pas contrat de travail, 56 % travaillent 56 h par semaine, une immense majorité d’immigrés et de jeunes),

un contrôle de « routine ».

Et le patron qui avait au moins 12 salariés saisonniers, ancien militaire, ancien assureur, qui avait dit à un témoin qui réparait une machine récolteuse de fruits à côté ( Dominique Bagard) : " Tu vas voir mon nom dans les journaux, ça sera pas en bien » a tiré dans l’abdomen de l’inspecteur et a abattu la contrôleuse qui s’enfuyait dans le dos. Deux assassinats !

L’assassin prémédité a tenté de se tuer mais il s’est raté, à la différence de nos deux collègues. Cela se passe à 16 h 30. Les noms de nos deux collègues ne sont pas dans les dépêches à cette heure, le ministre du Travail a réagi il y a seulement 28 minutes soit 7 h après les deux meurtres. On en sait plus sur l’assasin que sur les victimes et leur fonction !

Le ministre Gaymard s’est fendu d’un communiqué :« Immédiatement après le drame, le ministre de l’Agriculture Hervé Gaymard a fait part dans un communiqué de sa "très vive émotion" et a adressé "tous" ses "sentiments de compassion et de peine aux proches et aux familles des victimes".

Le secrétaire d’Etat à l’aménagement du territoire, Frédéric de Saint-Sernin, élu (UMP) de Dordogne, a lui aussi fait part de "sa profonde émotion et sa grande préoccupation". »

Il met sur le même plan toutes les victimes et leurs familles !

Alors que cela se passe à 16 h 30 et qu’on le sait à 17 h 30 — Depêche afp — Ca ne fait ni la « une » des JT de 20 h, ni à 23 h, ni celle des radios de 19 h...

On ne dit pas l’identité des victimes, on ne traite pas le crime comme il doit l’être !

Chers journalistes

Nous sommes tous unis mobilisés pour vos confrères journalistes otages à Bagdad.

Deux de nos collègues inspecteurs du travail viennent d’être assassinés en France aujourd’hui même, à Bergerac, cet après-midi, la nouvelle se diffuse lentement, tardivement.

Ils faisaient un contrôle pour faire respecter le droit du travail, le droit de tous les salariés, de 88 % de la population active !

Les salariés sont les héros de notre pays.

Ils créent toutes les richesses. Les employeurs les exploitent, fraudent, trichent, spolient. Heureusement qu’il y a des droits, des lois,

Et des syndicats

Et des inspecteurs du travail pour les faire respecter !

Mobilisez-vous !

Ces deux assassinats doivent faire la "une" eux aussi, pas être relégués aux seuls faits divers.

Ce sont vos droits aussi qui sont en jeu !

Gerard Filoche

Ce n’est pas un fait divers banal On peut surexploiter des saisonniers et en plus tuer ceux qui viennent contrôler l’infraction, dans quel pays sommes-nous ?

Quels ravages l’idéologie de M Seillière arrive-t-elle à faire pour qu’on crée ainsi une atmosphère propice à un tel double assassinat ?

Etienne Adam


[1] Ouest France vendredi 3 septembre 2004, page 6 "informations générales", 9 lignes uniquement sur les faits.

La dépèche AFP est tombée à 17h30, des heures avant le bouclage...