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La « main invisible du marché » s’est pris le pied
dans le tapis ...de souris.

10 mai 2010

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=934



Du tradeur nul à l’algorithme fou : une histoire à dormir debout

Une main qui se prend le pied dans le tapis c’est stupide ou alors surréaliste

Pourtant est-ce plus stupide ou surréaliste que l’évènement que nous décrit la presse économique et la presse tout court ?

Un trader qui a confondu les millions et les milliards est responsable de la dégringolade de Wall Street la semaine dernière. Où vont ils embaucher des pareilles nullités ?

Comment une telle chose est elle possible ? Nos experts ont donc abandonné cette version qui présentait pour eux un risque : celui de montrer que derrière ce marché mystérieux il y avait des décisions humaines, de vente ou d’achat au gré des intérêts. Or pour assurer le caractère naturel et inéluctable du marché, il faut le déshumaniser totalement, éviter que l’on puisse mettre à jour les stratégies de tel ou tel groupe et au premier chef de ses dirigeants, de ses décideurs.

Nous avons eu le droit à une seconde version « l’algorithme fou  » qui a déréglé les programmes automatiques mis au point pour faire fonctionner la bourse. L’intérêt de cette version est d’accréditer le caractère scientifique du recours au marché : les mathématique cette science « dure parmi les dures » voilà ce qui donne de l’objectivité scientifique au fonctionnement des marchés ! Il n’y a pas d’intervention humaine, ce sont des programmes automatiques qui décident.

Mais alors pourquoi des traders, et pour quoi ces mêmes traders sont incriminés, voire inculpés, pour leurs actes ou pour des produits toxiques à la limite de la légalité, qu’on leur a demandé de construire ?

Et puis qui élabore, à la demande de qui, ce type de programmes ? Qui embauche à Wall Street les meilleurs étudiants en mathématiques économiques de Paris ?

Oracles ou agences du pub ?

Déjà le rôle des agences de notation mettait largement en cause cette idée de la main invisible qui gouvernait « naturellement » le monde.

Les libéraux nous disaient que cela se fait tout seul et l’on découvre qu’il existent des agences qui analysent les risques et les possibilités des entreprises, des produits financiers... et maintenant des Etats pour permettre aux investisseurs de savoir « où ils mettent les pieds ». En somme les Moody’s , Standart et Poor’s et Fitch ne seraient que la matérialisation de la main invisible, devenue visible par leur intermédiaire.

Le bilan est redoutable pour les néolibéraux : les agences ont été incapables de « prévoir » la crise des « subprimes », et la main invisible, loin de guider les banques, a donné une bonne claque à certaines d’entre elles comme Lehman par exemple qui y a laissé sa peau.

Voilà qui en dit long sur la rationalité du système néolibéral qui précipité le monde entier dans une crise : seule l’intervention des Etats pour sauver les banques a évité la faillite totale du système !

A quelle remise en cause avons-nous assisté de la part de ceux qui nous promettaient une société gouverné rationnellement par une logique économique qu’il fallait éviter de perturber par des interventions étatiques ?

A quelle autocritique avons-nous assisté de la part de tous ces experts journalistes qui depuis des années nous donnent des leçons et imposent leur pensée unique ?

Mais les agences de notation ne sont pas seulement des Météo France incapables de prévoir le détail des tempêtes. Au moins les météorologues sont capables de revenir de manière critique sur leurs prévisions, ils sont surtout des scientifiques qui savent faire place au doute, contrairement à l’infaillibilité quasi pontificale des agences de notation.

Mais quelle vérité ? Celle de ceux qui les payent ?

Je ne sais pas si existent les bases juridiques pour les attaquer. Les agences de notation ont organisé leur irresponsabilité juridique en s’abritant derrière le premier amendement de la constitution US qui garantit la liberté d’opinion.

Ainsi alors qu’elle conduisent de Etats à la crise et des peuples à la misère, les agences de notation ne sont que de modestes « émetteurs d’opinion » ?

Mais leur impunité commence à être mis en cause par un tribunal fédéral qui estime que dans la mesure où elles font payer leurs conseils à des entreprises elles sont tenues à une qualité de service.

Mais surtout les dernières aventures de Goldman Sachs jette une nouvelle clarté sur les agences de notation : le sénat étasunien lui même s’est étonné de l’incapacité des agences de notation à prévenir des risques sur le produit mis en place par cette banque [1] .

On découvre que des spécialistes des agences de notation ont été embauchés par Goldman pour mettre en place un produit qui a permis à Paulson de se faire de milliards sur la spéculation à la baisse des subprimes, aux dépends d’autres institutions financières à qui la banque continuait à vendre les subprimes.

Ainsi dans le petit milieu des experts des agences, on savait que la crise arrivait et ils l’on tu. Pourquoi ?

Fuite en avant dans un système qui avait déjà rapporté gros aux dépens des expulsés de leurs logement ?

Liquider des concurrents bancaires ? Goldman Sachs a continué à fournir des experts économiques au gouvernement Busch puis Obama, quand Lehman disparaissait.

Il n’y a plus que les médias pour croire à la fable néolibérale de la main invisible du marché et la régulation du capitalisme.

C’est déjà beaucoup car c’est au nom de ces fables là et de la nécessité de ne pas déplaire aux Marchés ( avec un grand M ça fait plus peur aux peuples !) qu’ils continuent à nous prêcher l’austérité [2].

Plus de contes, rendez des comptes !

Il est urgent de démonter la fable des marchés de montrer que derrière c’est un petit nombre de possédants qui prennent des décisions pour leur plus grand profit.

Il faut mettre à jour qui est qui dans ce système décisionnel, dire et qui gagne quoi !

Nous devons être capable de dire que Mr Paulson s’est fait des milliards de dollars avec le produit toxique Abacus qu’il a mis au point avec Goldman Sachs, que telle banque détient et vend les obligations grecques... et de dénoncer publiquement ces agissements même s’ils sont légaux.

Cette obscurité voulue dans le fonctionnement traduit aussi une conception anitdémocratique de la conduite des affaires publiques : ce sont des gens "d’en haut" qui décident dans leur coin.

Pas de contrôle démocratique, le verdict populaire est anti économique disent les théoriciens néolibéraux.

Voilà qui repose, une fois de plus, la question du rapport entre révolution sociale et écologiste et révolution démocratique.

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Etienne Adam


[1] « failing to warn of the dangers posed by complex investments like the one that has drawn Goldman Sachs into a legal whirlwind. » dit le New York Times qui s’étonne dans un article du mystère du comportement des agences

[2] il est des lapsus qui révèlent vraiment le fonds de la pensée : quand Fillion dit « il n’y a pas d’austérité puisque nous n’augmentons pas les impôts » il y a un aveu dans cette nouvelle définition : tout le temps qu’on ne prend pas aux riches, tout le temps que les pauvre seuls payent , ce n’est pas de l’austérité. On ne saurait mieux avouer un point de vue de classe en faveur des possédants

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