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Non au pères fouétards !

12 mai 2009

par Etienne Adam



Adresse de l'article : http://anpag.org/article.php3?id_article=752



Ouest France a publié, très largement sur 2 colonnes à chaque fois, un communiqué puis une lettre de «  parents d’étudiants » anonymes. Rien ne permet au lecteur de savoir d’où viennent et qui sont ces soi-disant collectifs...

Le premier n’est pourtant pas si anonyme que cela puisqu’il reprend allègrement le discours UMP classique en particulier contre les enseignants manipulateurs .

On le croirait même écrit par Benoist Apparu ce député UMP qui a déposé un amendement pour avoir des présidents d’université mieux soumis à l’autorité du pouvoir en contrôlant mieux leur élections : pour en savoir plus sur la démocratie et l’autonomie contrôlée voir http://sciences.blogs.liberation.fr....

Nous avons dans ce communiqué une vision bien UMP, toute militaire d’une administration « à la botte » du pouvoir du monarque républicain. Un fonctionnaire ne peut critiquer le gouvernement, ne peut donner son avis sur le fonctionnement du service public auquel il participe : curieuse conception de la démocratie et remise en cause du statut de la fonction publique !

Comme le disent les «  parents en colère anonymes » quand les conseils prennent position contre les réformes en cours c’est alimenter « le trouble au sein de l’université dont ils ont la responsabilité ».

Il faudrait attendre les dégâts pour ne s’exprimer que lors de la prochaine échéance électorale et tant pis pour ceux qui subiront les conséquences entre deux. Voilà bien des «  parents » soucieux de l’avenir de leurs enfants.

C’est malgré tout un signe de faiblesse de l’UMP locale que de sa cacher derrière des parents qui ne disent pas leur nom.

La lettre ouverte à la présidente d’un « collectif tout aussi anonyme » semble plus modérée : « nous n’entendons pas interférer dans les débats qui secouent l’université », c’est mieux que de dénoncer les enseignants manipulateurs.

Mais l’argumentaire UMP pointe bien vite le bout de son nez. Si ces « parents moins coléreux »prennent en compte les « interrogations légitimes que peuvent susciter toute réforme (on dirait du Fillion) tout le texte est une condamnation des mouvements dans l’université.

Les « enfants étudiants » on le droit d’être inquiets mais pas celui de le dire et d’agir.

Le collectif, dont on ne sait d’où il tire sa légitimité et sa représentativité, s’en prend au fonctionnement en AG « qui n’est élue par personne  ».

Voilà bien l’aveu que ces « parents » portent bien peu d’intérêt à ce que font leurs « enfants » : ils n’ont pas vu que l’AG n’est pas une assemblée de représentants élus mais un lieu où les étudiants prennent les décisions.

La règle du jeu démocratique est connue de tous (sauf des « parents » apparemment !) et les antibloqueurs eux-mêmes en reconnaissent la légitimité en appelant les étudiants à participer aux AG pour voter contre le blocage.

Ce qui gêne nos «  professeurs de démocratie », c’est cette participation directe, forme d’organisation du débat et de la délibération démocratique la plus ancienne, et qui permet à chacune et à chacun de participer s’il le souhaite. La vieille droite a toujours peur des formes d’expression démocratique qu’elle ne contrôle pas.

Le nombre des participants 2600 est loin d’être négligeable et au contraire il montre la vitalité de cette forme de démocratie. Il est absurde, comme le disent les parents dont le nombre est inconnu, de rapporter sans arrêt ce chiffre au nombre d’inscrits à l’université pour nier le caractère représentatif. Il ne vient à l’idée de personne de nier la représentativité d’un conseiller général élu avec moins de 20% des inscrits soit moins que les 1200 votants de l’AG : pourtant ils prennent des décisions qui concernent de dizaines de milliers de personnes !

Tous les inscrits sont-ils encore étudiants ou une partie d’entre eux a t ’elle abandonné ? Nul n’est capable de répondre.

Les participants aux AG ne sont pas obligatoirement les mêmes à chaque AG, ce qui veut dire qu’il y a plus de 2600 participants. Nul ne sait non plus dans quelle proportion se fait cette rotation de la participation et combien d’étudiants participent (ils paraît qu’il y a même des parents qui viennent... !).

Il n’est pas sûr non plus que les absents soient à priori antibloqueurs et qu’une majorité attend les examens avec impatience, on peut penser que la proportion est la même chez ces absents.

Les règles du jeu - l’AG est souveraine pour décider- sont connues de toutes et tous et l’AG est ouverte à toutes et à tous.

En dehors d’un tout petit nombre qui ne peut y assister pour des raisons impératives, la majorité fait le choix de laisser faire l’AG, de lui déléguer implicitement le pouvoir de décision. C’est certainement regrettable les enjeux nécessiterait une mobilisation plus active mais les habitudes de délégation sont telles qu’elles ne peuvent être modifiées si vite.

En fait derrière l’argument de la légitimité due au "sacrifice financier" [1] se profile un bon vieux paternalisme des familles. C’est la première fois que des parents interviennent ouvertement dans un débat universitaire : et ce n’est pas pour donner leur avis sur les réformes mais pour rappeler à l’ordre des garnements !

C’est considérer que « leurs enfants » ne sont pas vraiment majeurs, capables de comprendre où sont leurs intérêts.

Mais c’est aussi remettre en cause la capacité des jeunes à assumer la démocratie : c’est explicitement ce que dit le vice président de l’université mais aussi la présidente (comme quoi les parents UMP ont tort de lui en vouloir) à propos du vote sur 3 propositions à l’AG, vote antidémocratique, « vote machiavélique » dénonce un étudiant chinois que Ouest France transforme en expert en démocratie ( !!)

Mais quelle est la légitimité d’additionner antibloqueurs et partisans d’une reprise partielle ? Qui peut dire comment ces derniers auraient voté s’il n’y avait eu que 2 propositions ? Et les abstentionnistes ? Tout cela n’est que spéculation.

Mais plus au fond refuser le vote sur plusieurs propositions [2] c’est accepter une certaine conception de la démocratie fondée sur le bipartisme et la nécessite de réduire les votants à des choix binaires, simplifiés voire simplistes.

Alors qu’aujourd’hui de plus en plus de personnes peuvent dire, exprimer ce qu’elles souhaitent, les politiques continuent de prétendre que le commun des mortels électeur ne peut saisir la complexité des processus de décisions qui devraient être réservés aux élites dirigeantes.

Quand le peuple vote mal on lui demande de revoter ou alors les spécialistes politiques votent à sa place ! Rappelons quand même à nos « beaux esprits démocrates » qui nous donnent là des leçons, qu’après la victoire du non en 2005 on dénonçait un référendum qui n’offrait qu’un choix trop simple et facilitait l’action des démagogues !

Tous les progressistes, tous les vrais démocrates doivent défendre ces formes d’expression démocratiques directes : il appartient aux universitaires de décider comment ils veulent continuer leur lutte.

Le débat ne se résume pas aux formes de lutte au blocage comme voudrait le faire croire les « parents colériques anonymes » ou les pouvoirs publics.

Si le mouvement s’éternise, si la validation de l’année est mise en cause la responsabilité en revient au gouvernement et à ses ministres plus soucieux de flatter le patronat ou à plaire au monarque que de l’intérêt de la jeunesse.

Ce sont bien Fillion et Darcos qui refuse de trouver des solutions aux examens en proférant de stupidité du style « pas de masters en blocage  » Alors qu’ils sont incapables de dire si le semestre est validable ou pas et comment, il n’ont pas les compétence pour cela, ils veulent punir les étudiants et jouer sur le pourrissement.

Curieusement les « parents  » ne sont pas en colère contre ces responsables là qui ont entre leurs mains la solution et qui jouent leur autorité contre l’avenir de cette jeunesse.

Car le vrai débat, qui intéresse tout le monde, c’est de savoir si nous voulons une université, un enseignement public soumis aux contraintes de rentabilité et ouvert à la concurrence ou un vrai service public pour tous.

Il est de savoir si l’Université est une entreprise soumise aux management et à la concurrence libérales.

D’ores et déjà étudiants et enseignants chercheurs ont remporté des victoires : ce ne sont pas tellement les reculs partiel sur les textes mais parce qu’ils ont imposé le débat public sur les choix d’université et de société.

Le processus de Bologne, la loi LRU devaient se mettre en place en dehors de tout contrôle démocratique dans le secret qui convient aux grands décideurs européens ou de l’OCDE : c’est dernier sont le seuls à savoir ce qui est bon pour le capitalisme, l’entreprise donnc la société comme disait le baron.

C’est raté et le débat va se poursuivre en termes de dénonciation mais aussi de propositions pour une autre université pour un autre monde.

Mais le monde universitaire a aussi gagné parce que même si pour l’instant elles restent séparées ( mais est ce bien étonnant après des années d’individualisation et de perte des liens sociaux ?) se mettent en mouvement des luttes qui convergent dans leur refus commun du libéral-sécuritaire.

On peut dire que les étudiants ont aussi gagné parce que Bachelot et Sarkozy sont contraints au recul sur les hôpitaux.

Toutes les luttes sont autant de points d’appui pour aller plus loin dans la mise en échec de la politique économique et social de Sarkozy, les contradictions au sein de la droite commencent à être visibles.

La crise politique est là, que tout le système de désinformation cherche à cacher.

La constitution d’une alternative par l’ensemble des acteurs , d’un projet de société démocratise sociale et écologique contre la régression barbare du capitalisme libéral autoritaire, est plus que jamais à l’ordre du jour.

Elle est possible face aux impasses du système, elle est nécessaire pour échapper à la barbarie et la guerre !

Fédérons nous pour lui donner force !

Etienne Adam


[1] bien réel mais on ne les a pas vu beaucoup manifester contre l’augmentation des droits ou sur les loyers

[2] rappelons que la dernière fois ce sont les abstentionnistes qui ont été condamnés de ne pas avoir voté contre le blocage, alors que ce vote traduit aussi les difficultés à prendre position compte tenu des contraintes des situations individuelles

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